Cette semaine on ne pourra pas exclure l’aspect politique des marchés financiers. En principe ça devrait même être UNIQUEMENT centré là-dessus. En théorie, d’ici mercredi matin, heure européenne, nous devrions savoir qui de Harris ou Trump sera président ou présidente. Le problème c’est que le vote semble tellement serré que cela pourrait prendre bien plus de temps que cela. On parle déjà même de semaines de flou à venir s’il faut recompter 15 fois les voix. Du coup, peut-être que Jerome Powell aura plus d’importance à Wall Street que les deux candidats pourraient en avoir. Oui, parce qu’hasard du calendrier, la FED se réunira et annoncera également quelque chose jeudi soir.

L’Audio du 4 novembre 2024

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Les jeux sont presque faits

Ce matin vous ne trouverez pas un média financier qui ne parle pas des élections américaines. Tout le monde est allé fouiller dans le passé pour voir ce qui se passe lors des élections, ce qui se passe le jour avant, les 30 jours d’après et même des fois jusqu’à la fin de l’année. Pas sûr que ça nous change la vie, parce que lorsque l’on compile ces chiffres ensemble, la seule chose que l’on apprend c’est que la plupart du temps les marchés sont en hausse lors de l’année électorale et qu’après l’élection de novembre, les marchés ont tendance à « moins » monter lors de la fin d’année. Autant vous dire que ça nous fait une belle jambe – de toutes façons après 25% de hausse, on n’attend plus vraiment grand-chose des deux derniers mois qui restent. Par contre, le problème qui risque de se présenter, c’est l’incertitude. Les sondages donnent une élection tellement serrée qu’en cas de recomptage nécessaire dans certains comtés ou de disparition « mystérieuse » de certains bulletins de vote, ça risque de swinguer très forts dans les rues américaines et donc, peut-être à Wall Street également.

Les prochaines heures vont donc être dévolues à l’élection américaine et il est peu probable que les intervenants décident de prendre des risques inconsidérés dans la zone d’attente dans laquelle nous sommes. L’autre chose que l’on sait de la période post-électorale c’est que la volatilité a tendance à monter, ce qui pourrait donc nous donner un peu plus de rythme sur les indices. Mais pour le reste, ce matin nous sommes en mode « et qu’est-ce qu’il pourrait passer si Trump gagne » ou « et qu’est-ce qu’il pourrait se passer si Kamala gagne ». Je vais vous épargner les théories sur le sujet et les « il se pourrait que » et autres « Trump est inflationniste », parce que de mémoire, il y a huit ans on nous avait garanti un krach boursier en cas d’élection de Donald Trump et grosso modo, on a eu exactement l’inverse. Je pense donc qu’il est sain de ne pas essayer de tirer des plans sur la comète, sachant que de toutes manières, le marché a une vision à trois minutes et se contente de voler à vue. Une chose est sûre, en ce lundi matin il n’est pas nécessaire de parler d’investissement sectoriel et de stratégie de portefeuille pour les 48 prochaines heures puisque jusqu’à l’annonce officielle d’une victoire définitive, nous n’allons plus voir en couleur, plus voir en noir et blanc, mais les seules couleurs que nous pourrons percevoir sont le bleu et le rouge.

N’oublions pas la FED

Par contre, il est vrai que même si tout le monde à les yeux fixés sur les bureaux de vote, on a tendance à oublier que dès mercredi et jusqu’à jeudi soir, la FED se réunira afin de décider ce qu’ils vont faire des taux d’intérêt. À voir les récents chiffres économiques qui ont été publiés – que ce soit ceux de l’inflation ou ceux de l’emploi – il est quasiment certain que Powell baissera les taux de 25 basis points. De plus, il n’est pas prévu qu’il fasse un update des conditions économiques américaines, puisque c’est prévu pour le Meeting de décembre. Les experts s’attendent donc à meeting calme et sans surprise, ce qui pourrait être d’ailleurs la meilleure chose qui puisse arriver au marché : ne pas avoir de surprise à gérer en plus des élections.

Après, il faudra noter que certains économistes voient déjà un peu plus loin et se disent que si l’on se retrouve dans l’incertitude la plus totale ou que Kamala Harris remporte l’élection et que les Républicains descendent dans la rue, la FED « POURRAIT » se résigner à baisser à nouveau les taux de 0.5% histoire de « rassurer un marché qui serait en panique ». Mais tout cela n’est que du conditionnel, à l’heure actuelle, les marchés sont forts, les marchés sont résilients et on imagine assez mal que la victoire de l’une ou de l’autre, fasse bouger les indices plus que de raison jusqu’à pousser la FED à « intervenir » en catastrophe mercredi soir, mais c’est un scénario qui est tout de même envisagé par certains.

Le chiffres de l’emploi clownesques et la réaction du marché qui l’est encore plus

Vous l’aurez compris, ce matin nous démarrons la semaine en ne parlant QUE des élections et un peu de la FED. En revanche, ce qui est assez fou, c’est de voir que les chiffres de l’emploi qui ont été publié vendredi après-midi sont déjà passé à l’as et pratiquement plus personne n’en parle. Pourtant, il y aurait des choses à dire tellement ces données étaient immondes. Mais lorsque l’on voit la réaction du marché vendredi, que l’on voit que la plupart des indices européens et américains terminent TOUS EN terrain positif, on comprend bien que le mot RÉSILIENCE n’est pas un vain mot et que nous avons dorénavant cette faculté incroyable qui est de ne plus réagir négativement sur une mauvaise nouvelle et de passer à autre chose en faisant abstraction de la chose…

Vendredi après-midi, les clowns du Bureau of Labor Statistics qui se trouve au Postal Square Building -2 Massachusetts Avenue à Washington DC et qui se cache sous l’acronyme BLS, a donc publié des chiffres de l’emploi qui étaient tout simplement merdiques. L’économie américaine a créé 12’000 emplois en octobre, ce qui était NETTEMENT inférieur aux attentes de 106’000. Pourtant le chiffre de 106’000 ne semblait pas si difficile que ça à battre. Pour le reste, le taux de chômage était de 4,1 %, parfaitement en ligne avec les attentes et c’était globalement le chiffre le plus faible de création d’emplois aux USA depuis le mois de juillet 2021. Tous les signes continuent d’indiquer un affaiblissement du marché du travail, mais tout le monde financier s’en fout comme de l’an quarante. Pourtant, s’il fallait en plus tirer sur l’ambulance, on retiendra aussi que le BLS a révisé À LA BAISSE les chiffres des deux derniers mois. Ce qui revient à dire que les « bonnes surprises » des chiffres du mois de septembre passent à la trappe et que le mois d’août était pire que prévu. Encore une fois, on a pris des décisions d’investissement, on a mis des stratégies en place, en se basant sur des chiffres qui sont tout simplement bidons ! Les révisions du département du travail ont donc biffé 112’000 emplois sur les deux derniers mois d’un coup de crayon. Les chiffres initialement publiés indiquaient que les États-Unis avaient créé 254’000 emplois en septembre, mais ils viennent d’être révisés à la baisse de 31’000, à 223’000. Dans le même temps, le rapport du mois d’août passe de 159’000 à 78’000. En gros c’est le public du stade qui organise le Superbowl qui vient de disparaître.

Mais tout va bien

Et puisque l’on aime les statistiques, on retiendra aussi que sur les 11 dernières publications des NFP’s, 8 ont été révisées à la baisse et près d’un million d’emplois ont été « révisés » à la baisse ces 24 derniers mois – des emplois que l’on nous a « vendu » à chaque publication et qui – en fait – n’existaient pas. Alors vous me direz que « présenté comme ça », on a quand même de la peine à comprendre que les marchés aient terminé aussi fortement en hausse vendredi soir. Je vous avoue que je n’ai pas compris non plus. Mais pourtant, la raison est simple :

« le BLS a annoncé que les chiffres avait été biaisés par la grève de chez Boeing et par les deux hurricanes successifs qui ont touché l’Est des États-Unis. Ils ont également précisé qu’ils ont eu toutes les peines du monde à avoir les réponses à leurs sondages parce que les sinistrés de Floride ont eu de la peine à répondre parce qu’aussi fou que ça puisse paraître, les gars avaient autre chose à faire que rendre des comptes au BLS »

Pour faire simple et résumer la chose les chiffres de l’emploi étaient pourris parce que les gens qui se sont pris des vents à plus de 200 kilomètres à l’heure sur la tronche et qui ont perdu leurs maisons et leurs voitures n’ont pas rempli les papiers correctement, mais que l’on se rassure, ça ira nettement mieux le mois prochain quand ils vont engager une montagne de gens pour nettoyer les rues. C’est donc tout simplement l’espoir de voir un rattrapage au niveau de l’emploi qui a permis aux bourses mondiales de bien digérer ces chiffres immondes. Et personne ne parle des révisions à la baisse, parce ça fait mauvais genre. Et on ne tient pas compte non plus du fait qu’à l’intérieur des chiffres, si l’on creuse un peu au niveau du secteur privé, on y apprend que l’économie américaine a PERDU 28’000 emplois du secteur privé en octobre, la première perte nette depuis décembre 2020. Et si l’on regarde la moyenne sur trois mois, on y voit que 67’000 emplois sont créés en moyenne tous les mois soit le niveau le plus bas depuis le COVID. Ce chiffre est nettement inférieur à la moyenne que l’on avait AVANT la pandémie, moyenne qui était de 150’000. Pour couronner le tout, sur 12 mois on affiche une chute de 1.5 million d’emplois dans le secteur privé. 1.5 million de licenciements. Ce genre de chiffre n’a jamais été observé en dehors d’une récession.

Mais on s’en fout parce que si Trump est élu, il va régler le problème et si c’est Kamala qui est élue, elle va aussi régler le problème. Comme elle le fait si bien depuis 4 ans déjà avec son Président grabataire. Tout va donc très bien, comme on peut le voir. Il n’y a absolument aucune raison de se poser des questions.

Les nouvelles du jour, l’Asie et le pétrole

Ce matin le Japon est fermé et Hong Kong ne fait rien alors que la Chine monte de 0.3%. Il faut dire que le comité permanent du Congrès national du peuple chinois entame lundi une réunion de quatre jours, au cours de laquelle il est largement attendu que l’on ait plus d’infos sur le stimulus en cours. Le pétrole est à 70.70$ en attendant de savoir si l’Iran va riposter ou pas et l’or est 2’748$, pendant que le Bitcoin teste les 69’000$. Pour ce qui est des nouvelles du jour, on notera que tout le monde s’est mis d’accord pour ne rien publier (ou presque) en attendant l’élection de mardi. Il n’y a pratiquement aucune nouvelle économique qui vaille la peine d’être citée. La seule qui fait parler un peu le monde de la finance, c’est Berkshire Hathaway qui a publié ses chiffres trimestriels et qui annonce que sa pile de cash est toujours un peu plus haute. Warren Buffet a mis 325 milliards en cash et réduit toujours un peu plus ses investissements. Personne ne comprend ce qu’il fait mais on peut peut-être se dire qu’il a peur et qu’il réduit son exposition… L’avenir nous le dira.

Pour ce qui est des chiffres du jour aujourd’hui il n’y a rien de consistant et pour les publications du trimestre, il y aura Marriott, Wynn Resort, Palantir et NXP Semiconductors. Et sur ce, il me reste à vous souhaiter un excellent début de semaine électorale et on se retrouve demain à la même heure pour en parler encore un peu… beaucoup, passionnément, à la folie.

À demain et très bon café à tous !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Know what you own, and know why you own it”

Peter Lynch