Quand, au réveil vous allumez vos écrans et que vous voyez que le S&P500 affiche une performance de 0.00% sur la journée et que le Nasdaq est en baisse de 0.11%, vous vous dites immédiatement que vous avez bien eu raison d’aller vous coucher de bonne heure et de ne pas regarder la clôture. Le marché a visiblement passé sa journée à attendre l’after close pour voir si Nvidia allait continuer à souffler le chaud sur Wall Street, histoire de monter plus rapidement en direction des 4'000 milliards de capitalisation boursière et de laisser Apple loin derrière dans la poussière.

L’Audio du 21 novembre 2024

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Ne pas chercher trop loin

Et on ne va pas se mentir la journée d’hier n’aura pas été des plus passionnante puisque – comme depuis trois jours – on ne parle plus que des publications de Nvidia et la séance d’hier n’a pas vraiment changé la donne. En Europe on a continué à se prendre la tête avec les craintes d’escalade entre l’Ukraine et la Russie, l’Ukraine ayant continué de taper dans son stock de missiles longue distance pour tirer sur la Russie – à la vitesse où Zelensky vide son stock limité, on ne devrait pas tarder à le voir venir pleurer en Europe pour réclamer encore plus de matériel. Le CAC40 était donc en baisse de 0.43%, s’approchant toujours un peu plus des 7’000 points et le DAX reculait de 0.29%, tenant toujours le support de 19’000 points sur l’indice allemand.

Par contre, avant de plonger dans le monde merveilleux des semiconducteurs liés à l’intelligence artificielle, on peut revenir deux secondes sur le rapport de stabilité financière publiée hier par la BCE. La banque à Lagarde a averti que « la croissance économique restait fragile » – que « les inquiétudes concernant les perspectives commerciales mondiales s’ajoutent à l’incertitude géopolitique et politique » – ou encore que « les valorisations élevées et la concentration des risques rendent les marchés plus sensibles aux corrections soudaines » – sans oublier que : « cette concentration de valeur concentrée sur quelques grandes entreprises soulève des inquiétudes quant à la possibilité d’une bulle des prix des actifs liée à l’IA » – tout en terminant en disant : « que compte tenu de la faiblesse des liquidités détenues, les pénuries de liquidités pourraient entraîner des ventes forcées d’actifs susceptibles d’amplifier les ajustements à la baisse des prix des actifs »… Compte tenu de cet enfonçage de portes ouvertes qui a été effectué par la BCE hier, on peut surtout en retenir que les experts qui bossent là-bas ont les mêmes questions et les mêmes doutes que nous et s’ils avaient la moindre autorisation de parler franchement, ils auraient conclu en disant « mais pourquoi on est si haut dans les conditions économiques actuelles !!! » et ils auraient pu ajouter : « l’eau ça mouille et le feu ça brûle », histoire de souligner les évidences qui truffent ce rapport.

La séance américaine dans la salle d’attente

Comme je vous l’ai dit et répété depuis lundi, hier les traders américains ont surtout passé leur journée à attendre les chiffres de Nividia et quand ils n’attendaient pas les chiffres de Nvidia, ils passaient leur temps à parler des chiffres de Nvidia afin de tergiverser sur ce qui pourrait éventuellement se passer en fonction des différents scénarios que l’on faisait tourner en boucle. Il y a quelques jours, le CEO de Nvidia, Jensen Huang avait laissé entendre que la demande pour le matériel lié à l’intelligence artificielle était « FOLLE » (en fait il a dit : INSANE en anglais et je dois dire que c’est vrai que : « INSANE », c’est quand même vachement plus « rock’n’roll » que « folle », il n’y a pas à dire question SHOW, ils sont quand même plus forts les américains). Toujours est-il qu’en se basant sur ces déclarations « pré-publications », on s’attendait quand même à un truc ÉNOOOOORME, comme Nvidia nous a habitué depuis un peu plus de 2 ans. D’ailleurs si l’on se concentre sur les volumes des options puts et des options calls qui avaient été traitées ces derniers jours, on s’attendait à des mouvements de plus de 8% after close – soit des variations de 300 milliards sur la capitalisation boursière. Tout le monde était prêt pour le « show » d’after close, mais avant il a quand même fallu passer par LA MAUVAISE NOUVELLE DU JOUR…

Avant l’ouverture du marché – vu qu’en plus de Nvidia nous avions aussi les publications du secteur « retail » – nous avons dû nous faire les chiffres du trimestre de Target. En tenant compte des annonces de Walmart faites la veille, on pouvait s’attendre à un truc relativement similaire, autrement dit : potable, mais prudent à cause de la nouvelle administration qui se met en place. Sauf que c’était pas tout à fait pareil et c’était surtout bien pire. Les résultats du Q3 de Target ont été un gros, un très gros raté. Pour le trimestre qui finissait comptablement le 2 novembre, Target a affiché un bénéfice de 1.85$ par action, très loin des prévisions des analystes qui tablaient sur 2 dollars 30. Le chiffre d’affaires a augmenté de 1,1 % pour atteindre 25.7 milliards de dollars, soit un peu moins que les attentes qui étaient de 25.9 milliards de dollars. La société a expliqué ce magistral échec par des coûts inattendus lors de l’importation de certains produits qui ont dû être reroutés au dernier moment à cause de la grève des dockers et, dans leur conférence de presse, ils ont également noté que leurs clients allaient resserrer leurs budgets durant la période des fêtes. Bref, un trimestre pourri qui se termine et un qui ne commence pas sous les meilleurs auspices. Le titre plongeait de plus de 20% et s’offrait sa pire journée depuis mai 2022 qui coïncidait également avec un trimestre tout pourri. Après les chiffres de target, on a pu attendre jusqu’à la clôture pour se « faire » Nvidia.

L’empereur de l’IA

Je vous le disais plus tôt, Jensen Huang avait parlé de demande « INSANE » pour les produits liés à l’IA. Hier soir, dans la conférence de presse, il a parlé d’une demande « INCROYABLE » pour les produits de l’IA. Si l’on se base uniquement sur la sémantique, c’est un peu moins impressionnant quand même et surtout ; un peu moins motivant quand même. Ceci étant dit, il faut tout de même reconnaître que – pour faire simple et pour mettre fin au suspense – que Nvidia a nettement battu les attentes dans tous les secteurs et que sa guidance est au-dessus de ce que l’on pouvait souhaiter en tenant compte des attentes « OFFICIELLES ». En revanche du côté des attentes « chuchotées dans les bas-fonds de Wall Street », il y avait de quoi râler et se montrer dubitatif.

Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que Nvidia a ENCORE UNE fois publié des résultats trimestriels en hausse, boostés par une demande d’intelligence artificielle en pleine explosion – INCROYABLE DEMANDE selon son CEO, mais pourtant l’action était en baisse de 2.46% after close. Wall Street n’est peut-être pas complètement d’accord sur tous les chiffres.

La première chose qui vient à l’esprit, c’est le fait que la société n’a pas dépassé les attentes de ses prévisions de la même ampleur qu’auparavant – oui je sais on devient vraiment hyper-pénible et pinailleurs, mais visiblement on en est à mesurer l’importance avec laquelle on bat les attentes. Les prévisions de revenus de 37,5 milliards ont dépassé le consensus de 37,1 milliards de dollars. Mais les « chuchotements » se situaient peut-être davantage dans une fourchette de 39 à 40 milliards. C’était le premier truc où nous n’étions pas contents. Sachant que lors des 5 dernières publications Nvidia avait battu les attentes de plus d’un milliard à chaque fois. Reste donc à savoir si les analystes sont devenus plus « greedy » ou si c’est simplement Nvidia qui commence à ralentir. Et puis du côté des commentaires qui ont suivi les publications, on notera que plusieurs experts ont constaté que les marges étaient un peu plus sous pression que d’habitude.

Du côté strictement chiffres, voici ce que Nvidia a publié hier :

Revenus : 35,08 milliards, soit une augmentation de 94 % par rapport aux 13,5 milliards de l’an dernier. Le marché attendait 33,2 milliards.
Bénéfice par Action : 81 cents contre 75 cents attendus
Guidance : Revenus pour le prochain trimestre : 37,5 milliards contre 37,1 milliards attendus.

L’un dans l’autre, les chiffres restent spectaculaires et même si le vocabulaire est un peu moins « explosif » qu’auparavant, les chiffres restent stratosphériques. Pourvu que ça dure. Si l’on prend un peu de recul et que l’on regarde les précédents trimestres depuis 8 ans, la performance des revenus est de 2’600% depuis 2016. Reste à voir combien de temps cette courbe parabolique peut continuer… Hier soir en tous les cas, ceux qui ont acheté des options pour jouer une variation de plus ou moins 8% en sont pour leurs frais, le titre est en baisse de 2.46% et la volatilité va s’effondrer à l’ouverture. Bien essayé, mais autant les chiffres sont bons, autant on a l’air déçu parce qu’on attendait plus. Mais de là à tourner négatif et a shorter le titre, il y a un pas que nous ne sommes pas encore prêts à franchir.

En Asie ce matin et les autres chiffres

Ce matin l’Asie est légèrement dans le rouge un peu partout. Le Japon recule de 0.7%, Hong Kong est en baisse de 0.47% et la Chine abandonne 0.12%. Le message est le même partout : Nvidia n’a pas apporté assez d’excitation sur ses chiffres. Vivement l’année prochaine. L’or est à 2662$ et le pétrole est à 68.95$. Par contre, le Bitcoin est en train de tout péter et à ce rythme-là, il n’est pas exclu que l’on atteigne les 100’000$ avant la fin de la semaine. Actuellement il se traite à 96’700$ après avoir fait un « plus haut » à 97’450$. La barrière ultime se profile à l’horizon, mettez le champagne au frais et préparez les éditions spéciales.

Alors que tout le monde avait les yeux rivés sur les chiffres de Nvidia, il fallait tout de même noter qu’il y avait également Snowflake qui a publié de bons chiffres et qui a su toucher Wall Street au cœur avec une conférence de presse motivante, le titre prenait 20% after close et puis, dans le domaine de la Cyber-Sécurité, Palo Alto a fait comme Nvidia : MIEUX PARTOUT, mais pas assez mieux que mieux, donc le titre perdait 5% dans les échanges nocturnes d’hier soir. Il faut dire qu’avec la performance de Palo Alto ces derniers mois, il y avait de quoi avoir envie de prendre quelques profits. En Europe, on parle de grève chez Volkswagen qui n’arrive pas à trouver d’accord avec ses salariés – et pendant ce temps, Ford va virer 4’000 personnes en Europe. On se dirige vers la récession à toute vitesse, mais personne ne veut y croire. Autrement du côté juridique, on notera que Gautam Adani, le milliardaire, fondateur de l’un des plus grands conglomérats commerciaux indien, a été accusé par le Département de la Justice US d’avoir orchestré un vaste système de corruption visant à verser des pots-de-vin à des fonctionnaires indiens afin d’obtenir de lucratifs contrats de fourniture d’énergie solaire. Et puis toujours le même DOJ pense que Google devrait se séparer de Chrome pour que ça ne soit plus autant un monopole et on terminera ce chapitre avec l’annonce des 18 ans de prison qui ont été proposé à Bill Hwang, le fondateur d’Archegos, il s’en sort plutôt bien, puisque théoriquement il risquait 200 ans de prison et c’est beaucoup plus long…

Les chiffres

Voilà, le sujet de Nvidia est plié. On va pouvoir se concentrer sur le reste et sur Thanksgiving qui arrive. Aujourd’hui nous aurons les Jobless Claims et le Philly Fed et pour le moment, les futures sont en baisse de 0.2%. Il me reste à vous souhaiter une belle journée et on se retrouve lundi parce que moi demain je suis en Belgique pour participer à une émission de télé… Passez un très bon jeudi et un excellent week-end !

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“The stock market is filled with individuals who know the price of everything, but the value of nothing.” – Philip Fisher.