Bon. On en a parlé hier ; le mois de septembre n’est pas LE MOIS de l’année pour les bourses mondiales. Mais pour être honnête, on ne pensait pas quand même pas que le marché allait nous confirmer la chose le PREMIER JOUR de trading du mois. Après un week-end de trois jours, il semble donc que les optimistes ont prolongé les vacances et que l’équipe des Bears a repris le pouvoir. On a (presque) l’impression d’être de retour le mois dernier quand on s’est fait déglinguer à cause du carry trade et du fait que l’emploi n’allait pas bien. Et ça tombe bien, parce qu’à partir de maintenant ; non seulement la BOJ est prêtre à monter les taux, mais EN PLUS on ne va parler PLUS QUE DE L’EMPLOI !
L’Audio du 4 septembre 2024
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Craintes sur la croissance
Je vous préviens, aujourd’hui il va falloir s’accrocher au niveau de l’interprétation des choses. Je vous dis cela, parce que depuis des mois nous sommes à la recherche de la moindre faiblesse pour que la FED puisse avoir une justification pour baisser les taux le plus vite possible. Et maintenant que cette « faiblesse » est en train de se pointer dans tous les coins, on se demande si la FED n’a peut-être pas trop attendu pour baisser les taux et que, non seulement l’économie est en train de se faire casser les pattes arrière, mais qu’EN PLUS, l’emploi aussi. On ne va pas parler tout de suite de l’emploi, parce que ça ne commencera à sortir qu’aujourd’hui – et nous ne sommes pas à l’abri d’une surprise (bien que j’en doute un poil) – mais là tout de suite, la claque d’hier aura été placée sous le signe des :
CRAINTES DE RALENTISSEMENT SUR LA CROISSANCE
Pourtant la météo était plutôt bonne ; les intervenants revenaient d’un week-end prolongé au sortir d’une semaine plutôt encourageante pour l’économie, puisque non-seulement le PCE était en ligne avec les attentes et confirmait le fait que l’inflation était en décélération (même si entre deux, les prix ont pris 25% que ça, on va le payer pendant 20 ans). Mais en plus du PCE, le PIB américain était également sorti meilleur que les attentes avec un 3% contre 2.7% qui était prédit par les diseurs de bonne aventure. Et pourtant, le Black Tuesday aura été déclenché par un autre chiffre que l’on n’avait pas classé dans « les chiffres les plus importants de la semaine ». Bon, ben forcément, quand il y a les NON-FARM Payrolls qui sortent dans la semaine, il n’est pas simple d’attirer la lumière des projecteurs quand tu n’es « que » l’ISM Manufacturing PMI… Et pourtant hier, il aura réussi l’exploit de le faire.
L’ISM Manufacturing PMI, kezaco ?
L’indice ISM manufacturier, également connu sous le nom d’indice des directeurs d’achat (PMI), est un indicateur mensuel de l’activité économique américaine basé sur une enquête menée auprès des directeurs d’achat des entreprises américaines. Il est considéré comme un indicateur clé de l’état de l’économie du pays de Tom Sawyer. Et le problème, c’est que l’ISM d’hier est sorti ENCORE une fois en-dessous des attentes. Le mois dernier il était à 46.8 et on attendait un rebond pour ce mois à 47.9 et ça sort à 47.2. Forcément, ça pique. Bon, après on peut encore se dire que le chiffre est basé sur un « sondage ». C’est donc à peu près aussi fiable que les prédictions au sujet d’une élection dans un pays soi-disant civilisé. Mais peu importe, hier on n’a pas aimé le chiffre et on s’est souvenu (à force d’insister) qu’en juin de cette année, l’ISM de mai 2024 nous avait déjà dit que « le secteur manufacturier s’était contracté pour le deuxième mois consécutif et pour la dix-huitième fois au cours des 19 derniers mois ». Et là, le chiffre d’hier montre que c’est le troisième mois consécutif (depuis juin) que ça baisse. Et sur les deux dernières années, ça n’aura donc pas été la fête au village du côté des directeurs d’achats des entreprises américaines.
Donc, la semaine dernière on nous dit que tout allait bien avec le PIB et que ça va bien se passer et cette semaine, on entame la semaine raccourcie avec un chiffre qui nous dit que finalement, l’économie US pourrait être en train de se contracter et que la belle croissance dans laquelle nous sommes depuis des mois et des années commence à prendre l’eau au même titre que le Titanic quand on pensait qu’il était ENCORE insubmersible. Après, le reste du scénario, vous le connaissez par cœur :
– Si la croissance ralentit, c’est les titres de croissance qui font se faire tirer dessus sans sommation
– S’il faut tirer sur des titres de croissance, on va choisir ceux qui ont le plus performé ces derniers mois
– Si on cherche les titres qui ont le mieux performé depuis que Powell a dit qu’il allait pivoter, ça tombe à chaque fois sur la technologie
– Si à l’intérieur des titres de la techno, on cherche les meilleurs, c’est les semiconducteurs liés à l’intelligence artificielle
– Et si vous cherchez, dans ce secteur celui qui réagit le mieux à ce genre de nouvelle, il ne vous reste plus qu’à sortir l’artillerie lourde et viser les genoux de Nvidia
Bain de sang en Californie
Hier, si le Dow Jones a affiché sa pire journée depuis trois mois – statistique dont tout le monde se fout – si le S&P500 s’est pris 2.2% dans le cornet et confirme que sa configuration technique était bien un DOUBLE TOP, c’est le Nasdaq qui s’est fait déchirer de 3.3% avec une mention toute spéciale pour le SOX qui a perdu plus de 7% durant la séance sanguinaire d’hier soir. Et au milieu de tout cela, nous avons l’empereur Nvidia qui plongeait de près de 10% et effaçait du même coup 279 milliards de capitalisation boursière sur la séance. Ce qui est d’ailleurs un record absolu, puisque jamais dans l’histoire boursière post moyen-âge, un titre a effacé autant de « market cap » en 7 heures de trading. Je ne sais pas si ça mérite une médaille d’or au JO paralympiques, mais c’est pas mal comme score.
La panique, le retour ?
Voilà. Donc sur un seul chiffre qui ne nous préoccupe (en général) pas vraiment, nous sommes passé de « la peur de rater le train » à « la peur tout court ». Et le pire c’est que nous sommes en train d’angoisser alors que la semaine vient à peine de commencer et que ce soir il y a les JOLTS, que demain il y a les chiffres ADP de l’emploi ET les Jobless Claims et qu’en plus on va terminer la semaine avec les chiffres des Non Farm Payrolls et le taux de chômage. De plus, dans la foulée de tout cela, on vient de nous annoncer que « selon les experts en finance », les chiffres de l’emploi sont LES PLUS IMPORTANTS du moment et qu’ils sont susceptibles ne nous faire swinguer la volatilité et les marchés dans tous les sens. La fin de semaine pourrait, je dis bien pourrais être épique.
Épique parce que, comme je vous le disais hier, les intervenants vont utiliser la qualité des chiffres de l’emploi pour déterminer si la FED va baisser les taux de 0.25 ou de 0.5% et pour essayer de deviner quelle sera la vitesse de baisse des taux pour le reste de l’année. Ces tentatives de deviner sont à peu près aussi fiables que quand Macron vous dit « je vous promets », mais on va quand même essayer d’anticiper. Alors vous me direz que si on reste logique, au cas où les chiffres de l’emploi sont mauvais et que l’on commence à parier sur une baisse de 0.5%, ça devrait être plutôt cool pour les marchés. Sauf que là tout de suite, il semblerait que nous soyons à un autre point pivot, celui de l’interprétation de la baisse des taux…
J’ai 8 secondes pour vous dire que la baisse des taux n’est pas QU’UNE BONNE NOUVELLE
Je vais essayer de faire court, mais jusqu’à maintenant et depuis le mois d’octobre dernier, les marchés sont montés sur le précepte que Powell allait baisser les taux et que les taux bas, c’est meilleur pour l’économie. Sauf que maintenant, si Powell doit se résoudre à baisser les taux à coup de 0.5%, c’est qu’il est en panique. Que soudainement on se fout pas mal de l’inflation et que l’on veut surtout éviter la RÉCESSION !
Donc… avant on voulait que les taux baissent parce que ça voulait dire que l’inflation est vaincue. Et maintenant, on voudrait qu’ils baissent (mais pas trop), parce que sinon, ça veut dire que l’on panique à l’idée d’un ralentissement économique.
J’aurais tendance à dire que le reste de la semaine, nous le passerons sur le fil du rasoir et le moindre chiffre qui pourrait nous laisser penser que les taux vont baisser de plus de 0.5% et de plus de 1.5% d’ici la fin de l’année, pourrait nous emmener dans une direction qui ne fera pas plaisir. Un peu la même direction qu’au début du mois d’août dernier. Oui, je sais, c’est pas facile d’interpréter des chiffres qui bougent tout le temps, qui sont souvent faux et qui nous poussent à tourner la veste toutes les trois semaines.
En Asie
Ce matin en Asie, on a bien compris la leçon. Le Nikkei se reprend près de 4% dans les dents. Hong Kong et la Chine limitent la casse avec des baisses de respectivement 1% et 0.5%. Les raisons de la baisse au Japon ? Je pense que c’est évident, entre la techno qui baisse aux States, les craintes de ralentissement qui vont avec et le fait que la banque centrale est chaud-patate pour monter les taux avec un risque de voir chuter les taux US à toute vitesse, on va forcément reparler du Carry Trade. Pendant ce temps, l’or est à 2526$ pendant que le pétrole s’effondre à 69$ et que le Bitcoin repart à baisse également et se traite autour des 57’000$.
Mais c’est surtout du côté du pétrole que l’on s’inquiète. Selon les maîtres du jeu, le baril est en baisse parce que l’on parle encore et encore de ralentissement économique en Chine et qu’il y a des rumeurs comme quoi l’OPEP pourrait augmenter sa production. Mais au-delà de tout cela, on retiendra aussi que Goldman Sachs a révisé son objectif annuel sur le baril à la baisse et voit un brut « entre 70 et 82$, ce qui laisse de la place pour se gourer. En plus de ça, le mythe des banquiers d’affaire estime que l’offre de pétrole américaine est trop importante. Mais ça n’est pas tout. Pour en rajouter une couche, hier le même Goldman et le même Sachs ont abaissé leur objectif de prix sur le cuivre, passant de 15’000 à 10’100$ la tonne. Comme vous le savez, le cuivre est un des baromètres de l’économie : si le cuivre monte l’économie va bien et si le cuivre baisse…on va tous mourir.
L’équation devient ensuite très simple : s’il y a trop de production pétrolière depuis les States, si l’OPEP augmente sa propre production et si l’économie chinoise et mondiale se prend les pieds dans le tapis, le pétrole n’a plus qu’à s’acheter un parachute en vérifiant bien qu’il est plié correctement.
Pour le reste
Dans les nouvelles du jour, il faudra retenir que Zscaler a publié de bons chiffres, mais qu’ils ont révisé la guidance à la baisse. Le marché n’a pas aimé. Le titre perdait 15% after close. Super Micro a rebondi de 0.9% hier soir après avoir FINALEMENT déclaré que le rapport d’Hindenburgh Research, c’était du pipeau. Alors oui, 0.9%, c’est anémique comme rebond, mais dans un maché qui se fait défoncer c’est presque une bonne nouvelle. Et puis ça ne s’arrête pas sur Nvidia, puisque le titre perdait encore 2.4% after close hier puisque le ministère de la justice a envoyé des citations à comparaître à Nvidia et à d’autres entreprises afin d’obtenir des preuves que le fabricant de puces a violé les lois antitrust, ce qui constitue une escalade dans son enquête sur le fournisseur dominant de processeurs d’intelligence artificielle. On avait justement besoin de ça.
La journée d’hier était donc bien pourrie à souhait, la volatilité est remontée à 20% et les futures sont nettement en baisse ce matin, de l’ordre de 0.5%. Et puis côté chiffres, nous aurons des PMI’s en Europe, ainsi que le Trade Balance, les JOLTS et le Beige Book aux USA. Inutile de vous dire que si les JOLTS sortent en-dessous des attentes et que la plupart des Jobs offerts sont des emplois temporaires de Père Noël entre le 15 décembre et le 25 décembre, je pense que la séance d’hier n’aura été qu’un avant-goût de ce qui nous attend. Un peu comme quand le temps entre les éclairs et le tonnerre se raccourcit de plus en plus et qu’on sait qu’on va se prendre un déluge monumental sur la figure.
Mis à part ça, passez une excellente journée tout de même, demain c’est Jeûne Genevois et tarte aux pruneaux, il n’y aura donc pas de chronique, mais on se retrouve vendredi matin pour faire le bilan de la tempête actuelle.
Soyez forts et que la force soit avec vous, on va en avoir besoin. À vendredi !
Thomas Veillet
Investir.ch
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