SI j’étais Américain et si j’avais perdu ma soirée à regarder le débat, je serais en train de me demander si finalement, je n’envisagerais pas d’immigrer au Mexique. On va être très clair, après le débat d’hier soir, non seulement on n’est pas plus avancé qu’avant – au-delà du fait que l’on est certain que Harris et Trump se haïssent profondément – mais en plus on voit clairement que les 4 prochaines années seront compliquées. Peu importe qui va gagner. Trump reste Donald Trump et sa manière de gérer le pays restera volatile et imprévisible et pour ce qui est du cas d’Harris, ça sera du Biden réchauffé et elle n’a toujours pas compris le concept de l’inflation.

L’Audio du 11 septembre 2024

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Et maintenant ?

On va donc commencer par mettre ça de côté, le débat présidentiel n’a strictement rien apporté et les « projets » que présentent l’un ou l’autre pour l’économie US sont tellement flous qu’il faudrait être mentalement atteint pour essayer d’en tirer la moindre conclusion pour nos investissements ces prochains mois. Croire que l’élection de l’un ou de l’autre va influer drastiquement sur la performance des marchés ces prochains mois paraît très utopique. On a voulu y croire, mais à la fin, on a quand même l’impression que nous venons d’assister à un débat entre deux gamins de 9 ans qui se déchirent pour être le chef de la classe.

Ça ne laisse rien augurer de bon pour les États-Unis qui n’ont jamais été aussi divisés et qui ne sont pas proche de changer cela. La seule chose que l’on retiendra, c’est que les « Experts » estiment que Kamala Harris a gagné le débat et que les sondages d’il y a quelques minutes laissent à penser qu’elle pourrait gagner l’élection. Sans compter que Taylor Swift vient d’annoncer qu’elle soutient dorénavant Kamala Harris. C’est dire si le niveau est élevé. Elle n’est pas près d’être « great again », l’Amérique.

Passons à autre chose

On va donc tirer un trait sur l’élection, vu que ça va largement nous les briser menu pendant les 2 prochains mois et je n’ai qu’un mot à dire : vivement le lendemain de l’élection que l’on puisse passer à autre chose. En espérant que ça ne déclenche pas une guerre civile. Bref, ceci mis à part, comme le débat avait lieu APRÈS la clôture, les marchés ont quand même dû trouver quelque chose à quoi se raccrocher pour pouvoir plier la journée. Et il faut dire qu’il y avait quand même pas mal de choses à dire et des choses qui n’avaient rien à voir avec la politique.

Commençons par l’Europe où l’industrie automobile est en train de tester le saut en parachute, mais sans parachute. En l’espace de deux ans, les grandes marques automobiles semblent en avoir pris pour leur grade avec une intensité folle. Depuis qu’ils se sont tous mis à l’électrique, c’est la catastrophe. On a vu la semaine dernière que Volkswagen voulait fermer des usines pour couper les coûts, on a vu aussi que les ventes de voitures étaient tout simplement en chute libre – et pas qu’en Allemagne, puisque c’est la catastrophe aux USA également (mais que l’on se rassure, il n’y a toujours AUCUN signe de récession) – et puis hier c’est BMW qui a jeté ses quatre roues dans la mare. Le constructeur allemand a tout d’abord annoncé qu’ils faisaient un « recall » sur 1.5 millions de voitures qui ont un problème de freins – recall en pointant leur partenaire Continental comme coupable – et puis dans la foulée, BMW a annoncé que les revenus seraient bien plus faibles cette année que l’an dernier. La suite, on n’a pas besoin de chercher très loin : BMW a plongé de 10% et tout le secteur auto est parti avec lui. La France y compris et les indices européens ont fini au fond du bac.

Le CPI qui peut tout changer et les banques qui plongent

La séance américaine a donc commencé avec une Europe dans le rouge et le marché a eu toutes les peines du monde à maintenir la couleur verte sur les écrans de trading. Mais ça n’était pas forcément à cause de l’Europe, mais plus à cause de l’incertitude. Il faut dire qu’à l’heure actuelle, il est impossible d’ouvrir un journal sans que l’on nous parle de « l’impact potentiel du CPI sur un JUMBO RATE CUT en septembre ». Oui, vous avez bien entendu, après nous avoir pourri la semaine dernière avec un JUMBO RATE CUT qui pourrait venir si l’emploi était suffisamment merdique (il l’était mais on ne l’a pas vu comme ça), voici que les experts en économie reviennent avec la théorie d’une coupe massive sur les taux SI LE CPI venait à être trop faible. On a donc tous compris qu’il y a deux catégories de JUMBO RATE CUT :

– La première catégorie qui est un signe comme quoi la FED PANIQUE à l’idée que l’emploi ralentisse trop vite et qu’ils soient obligés de mentionner le mot « récession » dans les mois à venir. Donc un JUMBO RATE CUT qui serait qualifié de NÉGATIF…
– La seconde catégorie qui est un signe comme quoi la FED a tellement fait un super boulot sur l’inflation, que dorénavant elle peut baisser massivement les taux pour « donner un coup de pouce à l’économie » et montrer que dans leur grande mansuétude, c’est quand même eux les plus forts. Donc un JUMBO RATE CUT qui serait qualifié de POSITIF…

Donc là, on est en train de s’exciter sur le chiffre du CPI qui sortira cette après-midi. On attend 2.6% contre 2.9% le mois dernier et si ça sort en-dessous de 2.6%, je pense que l’on va s’ouvrir une boîte de caviar, la jeter par terre et se rouler dedans, histoire de montrer comme l’économie elle va trop bien et comment la FED va nous la booster encore grâce à sa maîtrise ABSOLUE de l’inflation. Par contre, personne ne va parler du fait que les prix sur trois ans nous ont littéralement pété à la figure et que ça n’est pas parce que TOUT D’UN COUP, ils montent moins vite que ça va régler certains problèmes. Mais peu importe, ce qui est important, c’est que l’on reste motivé pour croire que tout va bien. Du coup, le Nasdaq et le S&P ont quand même réussi à finir en hausse, mais c’était laborieux. Il faut dire que les banques n’ont pas aidé à ramener la sérénité.

Ça coince dans le monde bancaire

Pendant que l’on se repassait des tutos sur YouTube pour bien comprendre comment fonctionnait la mécanique des taux d’intérêt dans la tête de Jerome Powell – pardon, de Saint Jerome Powell – le système bancaire américain s’est ligué pour nous sortir trois mauvaises nouvelles en « même temps ». Déjà, il faut savoir qu’hier les autorités américaines se sont réunies pour voir s’il n’était pas temps de desserrer l’étau et de relâcher un peu la pression mise sur les banques depuis plusieurs années. Oui, parce que vous savez, on leur a mis des exigences de capitaux plus élevées année après année, histoire qu’ils ne fassent pas n’importe quoi et que comme on sait qu’ils vont inévitablement finir par faire n’importe quoi parce que c’est dans leurs gènes, au moins qu’ils aient assez de capitaux pour assumer leurs conneries. Mais comme-là, ça faisait quand même longtemps qu’il n’y avait plus eu de problèmes dans le système bancaire – si l’on exclut la période Silicon Valley Bank et Crédit Suisse – les autorités US se demandaient si l’on ne pouvait pas les laisser tranquille.

Et alors que ça cause dans tous les sens pour réduire les besoins en capitaux, LA MÊME JOURNÉE, vous avez JP Morgan, Goldman Sachs et Ally Financial qui viennent TOUS à la télé pour dire que « ça va pas être simple les prochains mois ». JP nous dit qu’ils sont soudainement « moins optimistes » pour l’avenir – le titre baissait de 5% – Goldman Sachs a annoncé que « l’activité liée aux marché » allait générer 10% de revenus en moins pour le reste de l’année – le titre baissait de 4.5% – et Ally Financial a déclaré qu’ils voyaient que de plus en plus de clients étaient – n’ayons pas peur des mots – dans la merde face à leurs crédits et que ça pourrait rapidement se compliquer. Tiens, tiens, on reparle de la dette des ménages qui part en vrille aux USA, mais pas trop fort, il ne faudrait pas choquer l’opinion. Bref, Ally Financial s’est pris 17% dans la figure hier soir. Le secteur bancaire est donc en alerte et les autorités financières américaines se demandent s’ils ne vont pas s’autoriser à donner un peu de mou à la laisse… On vit une époque passionnante. Pour ne pas dire formidable.

En Asie…

Donc les marchés européens vont se retrouver à pied, les USA ont sauvé les meubles avec une théorie fumeuse sur le JUMBO RATE CUT à venir, si les planètes du CPI sont alignées. Et le seront, puisque l’organisme officiel qui publiera les chiffres du CPI n’est autre que le fantastique, l’exceptionnel, l’extraordinaire « BUREAU OF LABOR STATISTICS » – le même bureau qui nous a sorti et qui nous sort des chiffres bidonnés, faux et bricolés sur l’emploi depuis toujours. Alors on sait que sur le coup du CPI, on peut leur faire confiance !!! Pendant ce temps, Les actions asiatiques sont principalement en baisse après la clôture en demi-teinte de Wall Street. Même là-bas, les investisseurs surveillaient tout impact éventuel du débat entre les candidats à la présidence américaine.

Pour le moment, le Japon, la Chine et Hong Kong sont tous en baisse de plus de 1%. À voir les couleurs du matin, on a l’impression que c’est Trump qui va gagner et qu’il va direct monter les tarifs douaniers. Pourtant, c’est Kamala Harris qui tient la corde dans la dernière ligne droite. Le pétrole continue de se liquéfier à cause de la surproduction américaine et de l’économie qui ralenti (mais qui va repartir avec le JUMBO RATE CUT) – ce matin le WTI est à 66.11$, l’or est à 2’548$ et le Bitcoin est 56’500$.

Les nouvelles y en n’a pas

Dans les nouvelles du jour, c’est plutôt calme ou plutôt occupé par les analyses sur le débat. Analyse qui, si vous voulez mon avis ne servent strictement à rien puisqu’à la fin, si vous me laissez le choix entre Trump, Harris ou une chèvre, je vote clairement pour la chèvre. Mais pour le reste, Apple a été condamné à payer 13 milliards d’euros d’arriérés d’impôts à l’Irlande à l’issue d’une longue bataille juridique avec la Commission européenne. 13 milliards d’Euros pour Apple ? Je crois que ça va bien se passer. D’ailleurs Dan Ives pense qu’Apple atteindra les 4’000 milliards de market cap d’ici l’an prochain. Tout va bien et les impôts ne sont qu’une information. Autrement la nouvelle Playstation sortira en novembre et coûtera 1’000 balles, c’est dommage parce qu’il y a déjà un rein qui est parti chez Apple pour le nouvel iPhone, on va voir ce qu’il reste à donner. Il y a aussi Oracle qui est en train construire un data center qui devrait fonctionner avec trois petits réacteurs nucléaires. L’endroit est encore tenu secret. Tu m’étonnes.

On retiendra aussi que Docteur Gloom Doom & Boom, Monsieur Marc Faber, pense que l’on a trop « joué » sur les Magnificent Seven et est très prudent sur le marché américain. Un peu comme depuis 50 ans d’ailleurs. Et puis, comme d’habitude au mois de septembre, l’augmentation moyenne des primes maladie en Suisse devrait avoisiner les 7% en 2025, les assurés avaient déjà subi une hausse moyenne de 6,6% en 2023 et de 7,8% en 2024. Mais c’est pas de la vraie inflation et il faut comprendre, c’est pas facile pour les caisses maladie. Il faut les aider, ils s’en sortent à peine. Alors on fait un effort, on paie et on ferme sa gueule. Comme d’habitude. À la limite on râle pendant deux semaines, mais après on paiera sagement en attendant la nouvelle augmentation de 2025 pour 2026…

Les chiffres

Du côté des chiffres du jour, nous aurons donc : LE CPI – ça va nous occuper au moins jusqu’à ce soir. À noter que la version allemande d’hier est sortie SOUS les 2% – à 1.9% – ce qui laisse supposer que la BCE va faire son job demain… À propos de chiffres encore, GameStop a foiré son trimestre et le titre se traitait 10% plus bas after close. On attend le communiqué de presse de Roaring Kitty.

Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.5% et on attend de voir si l’on peut mettre un cierge en espérant un JUMBO RATE CUT POSITIF… D’ici-là, je vous souhaite une excellente journée et on se voit demain, à la même heure et au même endroit !

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Most investors want to do today what they should have done yesterday.” Larry Summers