Nous sommes mardi matin 17 septembre. Cette après-midi la FED va entamer son FOMC Meeting de septembre et demain soir à 20h, ils vont nous annoncer que – pour la première fois depuis des années – ils baissent les taux. Le mélange de l’inflation qui se pète la figure et de l’économie qui se pète la figure aussi, tout en ajoutant l’emploi qui est en chute libre, a fait que la FED n’avait plus d’autre choix. Même si certains membres de la communauté financière trouvent que c’est trop tôt et que l’on va le regretter amèrement. Demain soir, Powell va pivoter et plus rien ne sera jamais pareil. Le seul souci, c’est que l’on ne sait toujours pas de combien ça va baisser.

L’Audio du 17 septembre 2024

Télécharger le podcast

0.25% or 0.5%, that is the question

Ce matin, on va essayer de ne pas perdre de temps et d’être factuel. On va faire court, parce que fondamentalement, on ne sait rien de plus que la semaine dernière et on n’en saura pas plus aujourd’hui et la seule chose que nous soyons capables de faire, c’est de brasser de l’air en posant des théories fumeuses sur la table en espérant que ça soit la bonne. Toujours est-il qu’hier soir le Dow Jones a terminé au plus haut de tous les temps parce que, je cite, la probabilité de voir les taux baisser de 0.5% a subitement augmenté. C’est donc LA RAISON du pourquoi et du comment de l’excitation à actuelle : LA PROBABILITÉ DE VOIR UNE BAISSE DES TAUX DE 0.5% EST SOUDAINEMENT PASSÉE DE « PEU PROBABLE » à 59%…

Pourquoi et comment en sommes-nous arrivés-là ? Quel chiffre économique est sorti pour changer la donne en l’espace de quelques heures ? Quelle nouvelle argumentation massue est arrivée pour justifier cette soudaine « confiance » en un JUMBO RATE CUT demain soir ? Ne vous posez pas trop de questions, j’ai le sentiment que le marché est juste surexcité d’être « enfin arrivé au port » qu’il est prêt à écouter et à croire n’importe quoi.

La réalité des statistiques et les probabilités de récession

Déjà, il faut savoir que statistiquement, lorsque les taux commencent à baisser, généralement le S&P500 prend 15% dans l’année qui suit à la seule condition qu’il n’y ait pas de récession dans les douze mois qui suivent. SI RÉCESSION il y a, ça ne sera pas 15% de hausse, mais 15% de baisse. Reste donc à savoir si RÉCESSION il va y avoir. Si l’on en croit les banques centrales, la Secrétaire du Trésor et Kamala Harris, il n’y aura pas. Donc le marché devrait monter de 15% de plus. Ce qui revient à dire que l’on vit quand même une époque fabuleuse, parce que nous sommes montés de 36% en 11 mois en ANTICIPATION de la baisse des taux et que maintenant on va encore monter de 15% PARCE QUE LES TAUX ils ont baissé. C’est quand même presque trop facile d’investir en bourse et c’est limite fatiguant de gagner à tous les coups.

Mais je crois que là tout de suite, à quelques heures de la décision de la FED, le plus rigolo, c’est de décortiquer le pourquoi du comment nous sommes arrivés à un 59% de probabilité de voir les taux baisser de 0.5%, alors que vendredi dernier, après avoir analysé le CPI et le PPI en profondeur, nous avions décidé quasi-officiellement que si Powell baissait les taux de 0.5%, c’était une connerie et c’était déplacé pour le moment. Et je vais vous dire, lorsque l’on regarde le déroulé de l’histoire, on se dit que nous ne sommes que de vils spéculateurs qui sommes capables de s’exciter sur la moindre news publiée dans un média et en faire une théorie d’investissement pour les 12 prochaines minutes. 12 minutes qui, je le précise, à l’heure actuelle, sont considérées comme « de l’investissement long terme ».

Jumbo rate cut

Passons donc au déroulé de l’histoire du « jumbo rate cut » qui a gagné en puissance depuis dimanche matin. Hier soir tard, alors que j’étais à deux doigts de sombrer dans un sommeil à peu près réparateur après m’être bourré de médocs pour espérer retrouver une voix normale avant l’arrivée du printemps, je reçois un message sur mon téléphone. Un message qui provient d’un service de finance auquel je suis abonné :

« Le Dow Jones termine au plus haut de tous les temps, alors que la probabilité d’une baisse des taux de 0.5% prend de l’ampleur ».

Dans ma tête, je me dis : « mais ils sont complètement cons, ça fait une semaine qu’ils ont prouvé par A+B que la baisse serait de 0.25% sinon ça n’était pas bon pour l’inflation !!! » – Mais alors ? Que s’est-il passé ? Hier matin encore, on en parlait sur BFM TV et la probabilité de voir les taux baisser de 0.5% était complètement marginale, personne n’y croyait. Et pourtant. Tout a commencé avec un article du Wall Street Journal qui a été publié dimanche matin aux USA. Dans son article, le journaliste estimait que les taux directeurs étaient trop hauts. Ça n’est pas complètement faux si l’on se base sur l’histoire, mais ça n’est pas une nouvelle neuve non plus (ndlr). Mais en plus, il était écrit que l’inflation était plus ou moins mal calculée et qu’en réalité, elle était plus faible que cela – on voit bien que c’est pas lui qui fait les courses chez Manor (ndlr) – et puis, pour terminer, le journaliste expert en économie et stratégies en tous genres, estimait qu’en plus « l’emploi était en train de ralentir ». SANS F… BLAGUE ???? Là c’était le pompon. Soudainement le marché ouvre les yeux au sujet de l’emploi parce qu’un mec du Wall Street Journal te l’écrit en noir et blanc sur un papier grisâtre…

Mais c’est pas tout

L’histoire ne s’arrête pas là. Mais ce premier article a secoué le monde merveilleux de la finance qui s’est soudainement dit : « et si ça n’était pas complétement con ??? » et comme personne n’est revenu mettre en doute le journaliste, on a commencé à y croire. Dans les heures qui suivirent, le FT – la version britannique du Wall Street – ont publié plus ou moins la MÊME histoire. Cependant, cette fois, il y avait LA PHRASE qui faisait bien et qui résumait tout en quelques mots :

« Une réduction de 50 points de base cette semaine permet d’éviter une faiblesse excessive de l’économie et des réactions négatives du marché en cas de publications économiques relativement faibles avant le prochain meeting de novembre. »

À ce stade de l’histoire, le marché commençait à y croire en se disant que DEUX JOURNALISTES ayant la même opinion, ça ne pouvait pas être du hasard. La probabilité d’une baisse de 0.5% faisait son chemin. Et plus les heures passaient, plus l’idée s’imposait à nous. En plus, à aucun moment quelqu’un de la FED n’est venu démonter cette théorie. Bon. En même temps, ça tombe bien, parce que les membres de la FED sont actuellement sous « black période » et ils ont juste le droit de se taire. Alors pour faire bon poids bonne mesure on est allé chercher un ANCIEN DE LA FED qui LUI, a le droit de parler. On a donc été déterrer Dudley, ex-patron de la FED de New-York. Greenspan n’ayant pas pu venir, il avait un loto à la maison de retraite des flots bleus. Dudley ne s’est donc pas fait prier pour renforcer la théorie des 50 points de base. Surtout qu’il l’avait déjà dit en fin de semaine dernière.

Now we know

Sauf que là, il a encore renforcé le narratif en disant : « Je m’attends à une baisse de 50 bp, parce que Jerome Powell préfère être agressif ». Et BAM ! D’une minute à l’autre, Powell le faucon est devenu une gentille colombe avec un rameau d’olivier dans son bec. Et c’est ainsi que, soudainement, un marché qui était archi-convaincu de quelque chose, a tourné la veste en quelques heures pour se retrouver avec une probabilité de 50/50. En se basant sur deux articles écrits par des journalistes financiers et en écoutant un EX-membre de la FED qui n’est même plus membre et encore moins convié au FOMC Meeting, mais qui a quand même besoin qu’on parle de lui.

Après, vous me direz : « et puis le marché, il en pense quoi lui ? ». Oh, ben le marché il n’en pense pas grand-chose. Le Dow Jones a effectivement terminé au plus haut de tous les temps, mais le S&P500 est toujours à une encolure des records et n’arrive pas à passer l’épaule. Tout ça pour vous dire que l’on est à un niveau d’emmerdement assez élevé. En gros ; personne n’ose vendre de peur de ne pas PROFITER d’une JUMBO RATE CUT et personne n’ose vraiment acheter parce qu’ils sont déjà tous surexposés aux actions et qu’il y a toujours un doute en cas de baisse de 0.50%. Oui, parce que si Powell baisse de 0.5%, il y aura toujours le camp de ceux qui pensent qu’il panique et qu’il craint une récession qui vont faire du bruit. Bref, en gros : on y verra plus clair mercredi soir à 20h… Et là vous devez vous dire : « le gars il nous a raconté un truc en trois page pour nous dire à la fin qu’il faut encore attendre mercredi ». Et vous aurez raison, il y a des jours il faut plus que trois lignes pour vous expliquer que l’on brasse de l’air en se basant sur pas grand-chose.

Pour le reste

Pour ce qui est du reste, on notera que si le Dow Jones a terminé au plus haut, ce n’était pas le cas du S&P500. Et encore moins du Nasdaq qui lui, terminait en baisse. Tout comme le CAC, le DAX et le SMI. En baisse, mais en baisse homéopathique, parce qu’on ne sait jamais comment le marché pourrait réagir en cas de GROSSE BAISSE des taux. Aux USA, c’était la TECH qui se faisait allumer, il y a un analyste influent sur Apple qui a estimé que les premières commandes d’iPhone 16 étaient merdique et en-dessous des autres modèles si l’on compare. Il faut aussi noter que lors de la sortie de l’iPhone 15 la situation économique était encore un peu moins compliquée, mais en fait tout le monde s’en fout, on préfère quand même revenir sur la mauvaise nouvelle sur Apple parce que c’est tout de leur faute.

Le titre perdait 3% hier soir. Dans la foulée on notera que même Nvidia ne montait pas et que Micron se faisait allumer parce que soudainement, les analystes se sont rendu compte que le titre se dirigeait sur une DEATH CROSS qui vient d’apparaître comme par magie. J’adore ce genre de commentaires, parce que la mise en place de ce genre de configuration graphique prend quand même un peu de temps, mais là, ça vient de nous tomber dessus. En revanche, Intel vient de vivre deux belles séances après avoir annoncé sa restructuration et sa volonté de se rediriger un peu plus vers la fabrication des semis. Le problème, c’est qu’Intel ne pèse plus rien dans l’indice. Et puis, pour terminer les petites histoires, il semblerait qu’une configuration technique appelée le « Hindenburgh Omen » se dessine sur les indices américains. Alors pour être franc, le « Hindenburgh Omen », ça fonctionne aussi bien que le pile ou face en termes de stratégie et c’est tellement compliqué à identifier que je vous recommande d’aller sur Investopedia.com pour plus d’infos. Mais il faut retenir une chose à son propos, selon Investopedia :

« En pratique, le Hindenburg Omen n’est pas toujours correct, mais il peut être utilisé avec d’autres formes d’analyse technique pour décider quand il est temps de vendre »

En résumé : En cas de Hindenburgh Omen ; pile tu vends, face tu achètes.

À la fin c’est la FED qui gagne

Autrement, ce matin l’Asie est partagée. Le Japon se pète la figure de 1.6% à cause du yen qui se renforce. Hong Kong est en hausse de 1.6% en attendant le JUMBO RATE CUT et la Chine est fermée. Le pétrole est à 69.41$, l’or est à 2’603$ et le Bitcoin est déjà de retour à 58’000. On retiendra aussi que l’Europe veut lever 40 milliards pour l’Ukraine et sans l’aide des Américains. Ça va sûrement bien fonctionner quand on voit l’état de certaines économies en Europe. Et c’est sûrement le timing idéal. Il y a aussi Microsoft qui annonce une hausse du dividende de 10% et un rachat d’action de l’ordre de 60 milliards. Et puis, puisque l’on parle pas mal du Wall Street Journal, ce dernier vient de publier un article qui s’interroge sur le pourquoi du comment, les candidats à la présidence ne parlent pas de la dette américaine qui est hors de contrôle… C’est intéressant que l’on commence à aborder ce genre de sujet, on va se marrer en janvier quand il faudra aborder le sujet du plafond de la dette.

Pour ce qui est des chiffres économiques, nous aurons droit au ZEW en Allemagne et en Europe, ainsi que les Retail Sales et la production industrielle aux USA. Rien qui ne devrait changer le ton de la FED ce mercredi. À l’heure actuelle, les futures ne font rien et je ne vais pas vous mentir : on va brasser de l’air jusqu’à demain soir, ensuite on va interpréter une masse d’infos et on se reconcentrera sur le meeting du mois de novembre et on se remettra à faire de l’investissement long terme à trois semaines.

Passez une excellente journée, soyez forts et faites vos jeux, parce que rien ne va plus ! À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“I’ve always loved to play games, and face it: investing is one big game. You need to be decisive, open-minded, flexible and competitive.” Stanley Druckenmiller