Jamais depuis plus de 15 ans, la décision de la FED n’a été aussi controversée. Peu importe le sondage que vous regardez, peu importe qui a publié la dernière estimation, on va dire que 45% des gens parient sur une baisse de 0.25% ce soir et que les autres 55% parient sur un JUMBO RATE CUT. En se basant sur ces calculs savants, nous sommes au moins certains d’une chose : peu importe la décision, la moitié des intervenants seront déçus par l’annonce et vont remettre en cause le choix de Powell. En théorie, on s’attend à pas mal de volatilité alors que l’économie va de moins en moins bien et que l’endettement continue d’exploser. Une chose est sûre, demain ça ne sera plus pareil.

L’Audio du 18 septembre 2024

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L’attente, toujours l’attente

Le décor est donc planté et nous sommes toujours en mode attente. D’un point de vue comptable, si vous regardez les indices d’hier soir, on voit quand même très clairement que le courage ou le positionnement le plus tranché n’est pas trop notre tasse de thé. Le Dow Jones termine en baisse de 0.04%, le S&P monte de 0.03% APRÈS avoir été tester un nouveau plus haut historique, mais surtout après avoir été incapable de maintenir le niveau en clôture – ce qui, pour certains, pourrait être le début d’une formation de « triple top » – le seul problème, c’est que le « triple top » d’un indice à 24 heures d’une éventuelle baisse de 0.5%, ça à peu près la même valeur que quand un politicien vous dit : « je vous promets ». Le Nasdaq, quant à lui, il termine en hausse de 0.2%, mais ça n’a pas suffi pour casser la tendance baissière qui est la sienne.

En résumé, le marché essaie de faire passer un message : « je n’ai aucune idée d’où je dois aller et tant que Powell n’a pas montré la voie, je ne peux rien faire !!! ». Qu’il se rassure, il ne reste plus que quelques heures à tenir pour y voir plus clair. Ensuite, il faudra bien analyser ce que va dire Powell, parce que 0.25% de baisse ne veut pas dire que tout va s’effondrer, tout comme 0.5% de baisse ne veut pas dire que l’on va direct à 6’000 sur le S&P. À l’heure où je vous parle, il y a quelques calculs savants qui nous prédisent que « peu importe l’annonce » le marché devrait bouger d’une centaine de points sur le S&P500. Dans un sens ou dans l’autre. Autant vous dire que faire des paris ou prendre des positions de champion du monde, ne sera pas une mince affaire. Chaque bribe d’info sera décortiquée, mis à part du reste et interprétée différemment après avoir été passée dans une douzaine de modèles mathématiques, afin de nous donner une explication et de pouvoir justifier la hausse ou la baisse.

Quatre cas de figure

Non parce qu’il faut bien comprendre qu’au-delà d’une baisse de 25bp ou de 50bp, il y aura aussi le discours de Powell qui devra être interprété et il faudra voir COMMENT nous percevons l’une ou l’autre de ces décisions. On peut d’ailleurs dire qu’il y a plus ou moins 4 cas de figure qui pourraient déterminer l’avenir du marché. Son avenir à court terme en tous les cas.

1. Cas de figure numéro 1, la FED baisse les taux de 0.25% et le marché part en chute libre parce que l’on va se dire qu’au vu de la tronche de l’économie et de l’emploi, ça ne va pas suffire pour relancer l’économie.

2. Cas de figure numéro 2, la FED baisse les taux de 0.25% et le marché casse à la hausse parce que ça veut dire que Powell a confiance en l’économie et qu’il peut encore gérer l’inflation qui ne pourra pas faire ce qu’elle veut les prochains mois.

3. Cas de figure numéro 3, la FED baisse les taux de 0.50% et le marché se pète la figure parce que nous comprenons que si Powell baisse les taux aussi brutalement, c’est qu’il a peur que l’économie soit en train de caler et qu’il préfère se concentrer sur le combat contre la récession en laissant de côté l’inflation qui pourrait bien en profiter pour faire une folie et repartir brutalement à la hausse.

4. Cas de figure numéro 4, la FED baisse les taux de 0.50% et le marché explose à la hausse parce que ça va tellement booster l’économie que l’on ne verra jamais de récession, que ça va changer la vie des gens qui se sont endettés parce qu’ils vont (peut-être) pouvoir rembourser. Bref l’économie va repartir « full power », dans deux mois ont réengage le million de personnes qui ont perdu leur job sur les 12 derniers mois et d’ici mars 2025, les USA rachètent la Chine. Vous reconnaitrez que c’est fou de voir ce que 0.5% sur les taux directeurs peuvent faire.

5. Il y a aussi un cas de figure numéro 5, mais qui n’offre qu’une probabilité très faible, c’est que la FED ne fasse rien parce que Powell s’est fait enlever par des extra-terrestres juste avant son discours et qu’on ne saura jamais ce qu’il avait l’intention de faire et que dans la foulée, c’est Joe Biden qui reprend le poste de Patron de la FED ad-intérim. Dans ce cas de figure, le S&P500 devrait retourner à 500. Pas 4’500, juste 500.

Bref, tout ça pour vous dire qu’on sait que les taux vont baisser en moyenne de 0.375% et que c’est surtout la manière dont on va interpréter les choses qui sera importantes. Tenez, hier on a quand même eu des chiffres économiques qui ont – je cite – « rassurés le marché sur l’état de l’économie ». Ces chiffres, c’était les ventes de détail. L’augmentation de ces dernières le mois dernier, laisse supposer que l’économie américaine résiste bien et que, même si la situation au niveau du crédit est de plus en plus merdique, l’Américain moyen continue de dépenser. Mais si l’on gratte un peu à l’intérieur du chiffre, on voit tout de même un net ralentissement des dépenses de consommation. C’est d’ailleurs ce détail un peu dérangeant qui renforce le scénario d’une baisse de 50 bp ce soir – l’économie ne va pas bien et on continue de vouloir nous faire croire que ça rigole et que la plupart des Américains ont la vie d’Elon Musk et se douchent au champagne tous les soir, parce que les bulles c’est quand même plus sympa que la banale eau courante. Il y a d’ailleurs d’autres chiffres qui circulent sur l’état du crédit et ceux-là, ils donnent quand même vachement envie de se dire que le S&P500 est en train de faire un triple top et que quand on va comprendre que la récession n’est pas juste un mot en l’air, les extra-terrestres qui ont enlevé Powell, ben ils vont le ramener.

Les chiffres du crédit aux USA

Si l’on en croit les derniers chiffres, le total des crédits à la consommation a augmenté de 25,5 milliards de dollars en juillet et a atteint un nouveau record historique de 5’100 milliards de dollars. Ça n’est rien d’autre que la plus forte hausse depuis près de 2 ans et cela fait maintenant 11 mois de suite que ce chiffre augmente sans coup férir. La dette cumulée de l’ensemble des consommateurs aux USA a doublé en l’espace de 14 ans.

Si l’on plonge dans le détail de ce montant astronomique, on notera qu’il est composé de deux sections bien distinctes ; la première c’est la partie de ce que l’on appelle la « revolving debt » en anglais, partie de l’endettement que l’on peut renouveler ou conserver en se contentant de ne payer que les intérêts de la dette – cela comprend les cartes de crédit. Dans cette partie-là, nous avons fait un bon de 10.6 milliards de dollars cet été et le total est désormais de 1400 milliards de dettes.

Et puis, il y a le crédit « non renouvelable », celui que l’on DOIT rembourser d’une manière ou d’une autre. Ce dernier est en augmentation de 14.8 milliards et n’est plus qu’à 2 milliards du record historique de janvier 2024 – qui était de 3’730 milliards. Et puis, pour couronner le tout, la partie « impayé » des cartes de crédit a grimpé de 9.1% et se trouve à son plus haut niveau depuis 12 ans. En conclusion, quand on voit ce qu’on voit, qu’on entend ce qu’on entend, on a bien raison de se dire que ce soir, Powell, il va baisser les taux de 50 bp. Et encore, c’est pas sûr que ça suffise à sauver la montagne des dettes qui menacent de s’effondrer.

 

Le reste

Pour le reste, vous l’aurez compris : on attend ce soir. L’Asie ne fait strictement rien et Hong Kong est fermé, le pétrole est toujours autour des 69$ et ne veut pas s’exciter plus que tant, même si l’attaque contre le Hezbollah d’hier pourrait remettre un peu d’huile sur le feu. L’or est 2’600$ et le Bitcoin a repassé les 60’000$ en se disant que la baisse des taux pourrait déclencher un « rush spéculatif ». C’est marrant comme parfois la hausse de certains assets ne tient pas à grand-chose.

Autrement, on retiendra que Ray Dalio pense que la FED va baisser les taux de 0.25% et il pense que la Chine ne va pas bien et que c’est un vrai problème. Pendant ce temps, on parle de plus en plus de « cessez le feu » en Ukraine. C’est aussi pour ça que des boîtes comme Thales et Lockheed étaient en baisse hier. Et puis selon un dernier sondage de CNBC, Kamala Harris va remporter les élections sur une jambe et sans forcer. Un peu comme Hillary Clinton il y a 8 ans.

Des chiffres et la FED

Pour ce qui est des chiffres du jour, mis à part qu’à 20 heures plus rien ne sera pareil, il y aura aussi les chiffres du CPI en Europe et les permis de construire aux USA, ainsi que les inventaires pétroliers. Mais pour le moment et pour être franc avec vous ; la seule chose qui nous intéresse, c’est la décision de ce soir et la manière dont ça sera interprété. Après 11 mois d’attente, la baisse des taux est arrivée et on ne sait même pas comment l’accueillir. Il faut dire que ça fait depuis le 15 mars 2020 qu’on ne sait plus ce que « baisser les taux » veut dire.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une belle journée de patience et on se voit demain à la même heure pour décortiquer tout ça autour d’un café et d’une montagne de croissants !

À demain, dans un autre monde !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Far more money has been lost by investors trying to anticipate corrections, than lost in the corrections themselves.”

Peter Lynch