Revenir au travail le lendemain de la publication des chiffres de Nvidia, c’est soit un bonheur total parce qu’il n’y pas besoin de chercher de quoi on va parler. Soit d’un ennui total parce que maintenant il faut essayer de savoir ce que le marché veut nous dire et quelle direction Nvidia va ou veut nous montrer pour la suite. On ne va donc pas se mentir, le sujet Nvidia était LE sujet de la semaine et après les publications que l’on a vu hier soir après la clôture, on peut déjà avoir la certitude que le chapitre n’est pas clos et que bien des questions restent ouvertes. D’un point de vue des chiffres purs, Nvidia a fait mieux que les attente, mais… Oui, parce qu’il y a un mais.

L’Audio du 29 août 2024

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Et maintenant, que va-t-on faire ?

Le problème, avec les chiffres de Nvidia c’est que mieux c’est bien. Mais mieux que mieux, c’est quand même vachement meilleur. Si l’on se réfère strictement aux attentes publiées officiellement dans les médias financiers depuis quelques jours et que l’on prend le temps de les comparer avec les chiffres publiés officiellement par la société de Jensen Huang, il n’y a rien à redire : NIVIDIA a fait mieux que les attentes. Encore une fois.

– Pour ce qui est du bénéfice par action, il est en hausse de 152% à 68 cents contre 65 cents attendus par les experts en finance.

On peut donc dire que Nvidia a fait mieux que les attentes, mais les esprits chagrins diront que « le mieux que les attentes » n’est pas si impressionnant que cela. Il est clair que l’on aurait préféré, 1.50$ par action contre 65 cents attendus. Ou mieux : on aurait préféré que le CEO ne donne pas de chiffre mais précise que les bénéfices sont tellement énormes qu’ils n’ont pas eu le temps de tout compter. Mais le retour à la réalité nous démontre que Nvidia a quand même progressé de 152% sur un an, si l’on compare avec la même période, mais que 152%, c’était quand même largement attendu. En même temps ; tu m’étonnes, le titre a pris quand même 172% depuis le 29 août de l’an dernier… Oui, Nvidia valait 46 en août dernier.

– Du côté du chiffre d’affaires, nous avons une hausse de 122 % pour atteindre 30 milliards de dollars, contre 28,7 milliards de dollars attendus.

Là aussi c’est bien. Mais au fond de nous, on se dit quand même que le dépassement des attentes aurait pu être plus impressionnant, plus gros, plus massif, plus fort. Mais petit à petit, on se rend compte que Nvidia devient de plus en plus une action classique qu’un truc extraordinaire que l’on ne comprend pas vraiment. On commence à la connaître et ça devient un peu plus facile de prévoir ce qu’elle va faire. Du coup, les EXPLOITS à la hausse vont être moins fréquents. Lorsque l’on sait qu’hier le marché des options sur Nvidia avait un peu anticiper un mouvement d’AU MOINS 10% après la publication des chiffres, on peut commencer à se dire que Nvidia est toujours extraordinaire. Mais un peu moins qu’avant et c’est peut-être aussi pour ça que le titre reculait de 7% à 22h30 hier soir.

– À moins que ça soit à cause des perspectives du trimestre. Oui, parce qu’ils ont aussi montré de belles perspectives pour le trimestre en cours. La société prévoit un chiffre d’affaires de 32.5 milliards contre 31.7 milliards de CA attendu par les experts à Wall Street. Et c’est sûrement aussi de là que c’est venu. De là qu’est venue la déception.

Oui parce que dans le monde merveilleux de la finance il y a deux manières d’interpréter les choses. La manière factuelle. Celle qui nous dit dans le cas présent que Nvidia a fait mieux que les attentes en prévoyant un chiffre d’affaires plus élevé que les attentes et l’autre manière : la manière virtuelle. C’est celle qui consiste à dire à une société :

« J’attends de toi que tu annonces un chiffre d’affaires trimestriel de 31.7 milliards, mais fondamentalement, au fond de moi-même personnellement tout seul, je voudrais que tu fasses beaucoup, beaucoup, mais alors beaucoup mieux. Comprends bien que les 31.7 milliards que j’attends de toi ne sont que le minimum syndical. C’est LE chiffre qui me permettra de ne pas te downgrader et de vomir sur ta performance en direct sur CNBC, BFM Business et Bloomberg TV en même temps !!! »

Vous l’aurez compris ; il y a les attentes officielles du marché, qui correspondent au minimum syndical et les attentes dans les esprits tortueux des intervenants qui peuvent aller de tout à rien et de rien à tout, puisqu’elles ne sont écrites nulle part. En résumé ; hier Nvida a fait clairement mieux que les attentes et dans tous les domaines. Ils ont même augmenté la taille de leur programme de rachat d’actions de 50 milliards, mais l’un dans l’autre, tout le monde s’en foutait parce que fondamentalement on aurait voulu que les attentes soient battues de BEAUCOUP, MAIS ALORS BEAUCOUP PLUS QUE ça… Et puis il y a aussi le fait que nous sommes peut-être arrivés au bout d’une histoire. L’intelligence artificielle a fait un carton depuis des mois et les croissances anticipées pour les siècles à venir sont peut-être tout simplement arrivées à leur terme. Ou elles seront tout simplement moins fortes. C’est aussi normal pour une société d’hyper-croissance, de revenir à une croissance un peu plus normale, Nvidia ne peut pas aligner des croissances de 3’000% chaque année pendant 10 ans et ça, on est peut-être en train de l’intégrer. Et lors de son speech d’hier soir, le CEO s’est montré enthousiaste, mais là aussi : il semble également redescendre sur terre.

En conclusion : Nvidia a fait nettement mieux que les attentes, que ce soit au niveau du passé comme au niveau des attentes futures, mais à la fin on est tout simplement en train de se dire que PEUT-ÊTRE Nvidia est en train de devenir une société « normale » avec des performances normales. Les nostalgiques se diront que c’était mieux avant et les réalistes se diront que les arbres ne peuvent définitivement pas monter au ciel. Hier soir Nvidia a perdu 2% durant la séance et 7% after close. Le titre devrait ouvrir autour des 117$ et à partir de là, on va pouvoir commencer à se demander si Nvidia est capable de contaminer tout le marché.

Le rebond en question

Oui, parce qu’au-delà des chiffres du baromètre de l’IA, on ne peut quand même pas s’empêcher de noter que depuis la vague de terreur qui a emporté le marché au début du mois d’août – terreur basée sur le démontage du carry trade et sur l’éventuelle entrée en récession de l’économie américaine – les indices ont pratiquement tout récupéré et le Dow Jones était même au plus haut de tous les temps il y a encore 48 heures. Sauf que maintenant, quand ce matin nous prenons le temps de regarder les futures et le fait qu’ils nous indiquent une ouverture en baisse de 0.35% et que l’on reporte tout cela sur un graphique, ça ressemble quand même gentiment à un double-top. Il y avait même un stratège de Wall Street qui disait hier qu’après la relative déception de Nvidia, il ne serait pas surpris de voir les indices abandonner au moins 10% dans les semaines à venir. Ça tombe bien parce que dimanche c’est le premier septembre et si j’en crois l’Almanach des traders de Wall Street, le mois de septembre n’est pas le meilleur mois pour les bourses mondiales depuis quelques décennies. Octobre n’est d’ailleurs pas mieux.

Quoi qu’il en soit, les heures qui viennent promettent d’être intéressantes. L’Asie a d’ailleurs déjà donné le ton en tapant sur tout ce qui est « semiconducteurs » de l’autre côté du Pacifique et ce matin, le Nikkei est en baisse de 0.05%, pendant que Hong Kong et la Chine reculent tous deux de 0.5%. On n’en est pas encore au sell-off mode Carry-Trade, mais ça n’est que six heures du matin et il faut encore prendre le temps de digérer tout ça. Autrement, le pétrole est à 74.50$ et plus personne ne se préoccupe de ce qui se passe au Moyen Orient où une partie de « ping-pong drones » est en cours et l’or est à 2550$, pendant que le Bitcoin est toujours en train de danser sur place avec un coup en avant, un coup en arrière. La star des cryptos est à 59’342$.

Les « autres sujets » du moment

En relisant le début de cette chronique, vous allez sûrement vous dire que l’on ne parle que de Nvidia et que par moment c’est un peu chiant. Mais détrompez-vous, il n’y a pas que Nvidia qui fait les gros titres en ce moment. Et l’autre qui fait parler de lui, c’est le compagnon d’ascenseur de Nvidia : SuperMicro. Le roi des serveurs de l’IA est en train de se retrouver dans une merde noire. Il y a un peu moins de 24 heures, le spécialiste de la recherche fondamentale négative : HINDENBURGH Research, affirment avoir « trouvé des signaux d’alarme comptables flagrants, des preuves de transactions suspectes avec des partenaires suspects, des sanctions et des manquements en matière de contrôle des exportations, ainsi que des problèmes liés à la clientèle ». En gros, on avait l’impression que SMCI était un nouveau scandale comptable à ajouter à la liste croissante des scandales comptables que l’on peut trouver dans l’histoire de Wall Street.

D’ailleurs au lieu de crier AU SCANDALE, SuperMicro s’est contenté d’annoncer qu’ils vont repousser la date de la publication de leurs chiffres trimestriels. Ce qui, pour Wall Street, fait un peu l’effet d’un aveu plus que d’une stratégie de défense organisée. Au pire de la séance, le titre a même passé sous les 400$ avant de se reprendre et de terminer la séance en baisse de 19% à 443$. Mais hier soir after close, l’action était à nouveau en baisse de 7% à 412$. Le bilan est apocalyptique depuis les records du mois de mars où SMCI traitait à 1200$. Et franchement là tout de suite, il vaut mieux rester à distance de ce dossier qui pourrait faire office de canari au fond de la mine. Mis à part ces excellentes nouvelles, on notera encore que SalesForce a fait mieux que les attentes lors des publications d’hier soir. Le titre prenait 4% after close et ce malgré le départ du CFO. Il faut dire qu’après les publications du trimestre passé, celles d’hier soir font office de « soulagement » dans la communauté des analystes. On notera encore les chiffres de Crowdstrike qui publiaient dans la foulée de la panne énorme d’il y a quelques temps. Le management s’est voulu rassurant et déclarait que les clients avec été très compréhensifs, les chiffres n’étaient pas immondes – bien qu’ils aient tout de même réduit leur guidance. Le titre perdait 2% sur l’after close. Il faut dire que le rebond depuis les bas du mois d’août est quand même de plus de 30%.

Les chiffres et le banquier central

Pour ce qui est du reste, il faudra retenir que Bostic, de la FED d’Atlanta a déclaré que le temps est peut-être venu de baisser les taux, mais qu’il reste quand même prudent pour la suite et qu’il veut quand même avoir « plus de datas » avant de prendre une décision finale. En gros, ils vont baisser les taux en septembre, mais on préfère faire comme s’il y avait encore du suspense.

Côté chiffres du jour, il y aura le CPI en Allemagne et en Espagne et puis aux USA, il y aura les Jobless Claims et le PIB US et puis, en attendant le fameux PCE de demain, il y aura aussi le patron de la BNS qui parlera en fin de journée. Ça nous fait une belle jambe, je sais, mais au moins vous le saurez. Pour le reste, l’été est fini, je suis de retour et le site Investir.ch va reprendre ses publications journalières dès lundi matin.

En ce qui me concerne, je vous retrouve demain pour une nouvelle chronique et d’ici-là, passez une excellente journée avec ou sans Nvidia dans vos portefeuilles.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“You never really know a stock until you own it.” Walter J. Schloss