Je crois que pour une fois, il ne sera pas nécessaire de parler de ce qui s’est passé dans les marchés hier. Il n’y a momentanément plus de macroéconomie à se mettre sous la dent. Le sujet politique est passé au second plan depuis que l’on est passé d’un suspense insoutenable sur le retrait de Biden à une campagne classique entre deux candidats qui ne vont rien s’épargner. En France le clown qui sert de Président ne parle que de ses jeux en refusant de nommer un gouvernement provoquant l’ire de la gauche qui se dit vainqueurs des élections. Mais globalement, les marchés se fichent pas mal de tout ça et se concentrent uniquement sur les chiffres du trimestre.
L’Audio du 24 juillet 2024
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Première grosse journée
Et pour ce qui est des chiffres du trimestre, on ne peut pas dire qu’il n’y avait rien à dire hier. Pendant que les indices mondiaux ne faisaient rien, nous avons passé notre journée à nous concentrer sur les chiffres du matin, avant de nous concentrer sur l’attente des chiffres du soir. Mais avant d’aller plus loin, s’il y a une chose que l’on doit retenir de cette première grosse journée de publications, c’est que : RIEN NE SERA PARDONNÉ ! Si le moindre chiffre publié est en-dessous des attentes des analystes, si la moindre marge est sous pression ou si votre commentaire « post-publication » se montre prudent ou même dubitatif, la chasse sera ouverte. Il n’y aura pas de prisonnier et on tirera d’abord avant de poser la moindre question.
Maintenant que le décor est planté, on peut commencer à réciter la longue litanie des chiffres publiés hier. Alors oui, bien sûr, je vais sûrement oublier certaines actions qui ont publié hier, mais j’ai essayé de me concentrer sur ce qui est réellement important en ce moment et ceux dont on parle vraiment dans les réseaux sociaux, sinon ça n’a aucun intérêt. Commençons donc par la première partie de la journée.
Thales a déçu le marché et le titre perdait 6% durant la séance, pesant sur le CAC40 et l’empêchant de clôturer en hausse. Alstom a annoncé une hausse du chiffre d’affaires de plus de 5% et se montrait globalement optimiste – impact sur le titre : zéro. L’action terminait en hausse de 0.44%. Et puis chez Bénéteau le chiffre d’affaires s’est effondré et le titre a pris l’eau de 12% en-dessous de la ligne de flottaison.
Du côté de chez nous
En Suisse, Kuehne&Nagel a publié des chiffres en net recul, mais se montrent optimistes pour l’avenir, le titre était en hausse de 1.9%. Chez Logitech, les experts ont salué le trimestre présenté par la société, mais ils l’ont salué sur le papier et n’ont pas acheté le titre qui terminait en baisse de 1%. Si vous êtes actionnaire de Logitech, vous pouvez au moins vous satisfaire du fait que l’on dit que votre société fait du bon boulot, mais regretter un peu que tout le monde s’en foute. Chez Givaudan on a enregistré des recettes en nette hausse au premier semestre, tirées par sa division Parfums. Mais pour améliorer la performance de la division « goût » qui traîne la patte, ils vont mettre en place un programme de réduction des coûts. Réduction des coûts pour améliorer le goût qui n’a pas été au goût du marché, puisque le titre plongeait de 4%. Temenos se montre optimiste pour le reste de l’année, malgré des chiffres qui ne motivent pas le marché et ils pourraient vendre leur unité « fonds d’investissements ». On ne peut pas dire que ça a motivé les foules. Le titre perdait 2%.
Mais aussi ailleurs
Après il restait encore le plus gros à digérer de l’autre côté de l’Atlantique. Spotify a fait un carton et a engrangé plus d’abonnés premium, le bénéfice était plus élevé que les attentes et la publication a déclenché une vague d’upgrades sur le titre qui terminait en hausse de 12%. GM a fait tout juste (ou presque), ils ont battu les attentes du marché et augmenté les prévisions pour l’avenir. Mais l’action perdait 6% durant la séance. Les raisons de la baisse vont des pertes récurrentes en Chine et de l’abandon de leur programme de voitures autonomes. Chez GE on a affiché un très bon trimestre et on révise à la hausse pour le prochain, 5.6% de gain en clôture. Du côté de chez Coca-Cola, tout va bien. Chiffres meilleurs, période optimiste à cause des JO et augmentation des prévisions. Tout le monde s’en fout, ils n’ont pas parlé d’intelligence artificielle et l’action ne faisait rien. Lockheed Martin a fait carton plein, ils ont coché toutes les cases, visiblement les missiles et les avions de chasse se vendent pas mal du tout, LMT était en hausse de 5.6% hier… En revanche UPS a complètement raté son trimestre et absolument tous les chiffres sont en-dessous des attentes. On dit que lorsque UPS et FedEx vont bien, c’est que l’économie va bien. Aujourd’hui, UPS va mal et FedEx va bien. Ça veut dire quoi alors ???
Après la clôture…
En revanche, je vais être franc avec vous. Il y avait plein de chiffres trimestriels à se mettre sous la dent hier avant 22h00. Mais tout le monde est venu au bureau pour DEUX publications qui intéressaient vraiment le monde merveilleux de la finance, il s’agit des deux premiers Magnificent Seven à annoncer leurs chiffres : Google et Tesla.
Et on n’a pas été décus. Mais encore une fois et hier plus encore que d’habitude, on retiendra que ce trimestre, ABSOLUMENT RIEN ne sera pardonné aux sociétés qui annoncent leurs chiffres. Le moindre bug, le moindre raté, la moindre mention de prudence peut coûter des milliards en market cap. Hier Google a fait PRESQUE tout juste. Mais seulement PRESQUE. Le titre reculait de 2% parce qu’après avoir décortiqué la totalité de la nébuleuse Alphabet, on a quand même trouvé des trucs qui n’allaient pas : les revenus de YouTube étaient un « poil » léger selon les experts et les commentaires sur la suite de l’année faisait état de pression sur les marges dans le troisième trimestre. Bref, c’était excellent, mais pas excellent, excellent, excellent au carré. Du coup, 2% dans les dents after close.
Et puis y avait Tesla
Et puis, il y avait surtout Tesla. Alors Tesla c’était absolument mythique. Absolument mythique, parce que si l’on doit résumer les chiffres en un mot, on aurait tendance à dire : POURRIS. Ou MERDIQUES, c’est selon. Mais une chose est sûre ; chez Tesla rien n’est jamais simple. C’est toujours un peu plus « COMPLEXE » que prévu. Sans compter qu’il faut être un fin psychologue pour bien tout comprendre.
Sur le papier, les chiffres sont immondes. On attendait un bénéfice de 61 cents par action, c’est sorti à 52 cents, tout en sachant qu’il y a un an, nous étions à 91 cents sur la même période. Les marges étaient attendues à 8%, ça sort à 6.3%. On voulait 1.9 milliard de cash-flow, ça vient à 1.3… Et en plus, ils prennent une « charge de restructuration » à cause des licenciements du début d’année, à hauteur de 622 millions de dollars. Finalement, il n’y a que le chiffre d’affaires qui était meilleur avec 25.5 milliards contre 24.5 attendus. Comme vous le voyez, ça n’était pas terrible. La croissance est en berne et les marges sont sous-pression, sans compter que les Robotaxis qui doivent générer la croissance pour les 250 ans à venir, sont encore repoussés.
Sur le divan avec Elon
On ne va donc pas se mentir, le titre se faisait défoncer au hors-bourse et perdait près de 8%, ce qui le ramène sur l’ancienne résistance de la tendance baissière qui est devenue un support. Il ne va pas falloir aller beaucoup plus bas, sinon ça sera la porte ouverte à toutes les fenêtres. Passons maintenant à l’aspect « psychologique » des choses. D’aussi loin que je me souvienne, on sait qu’Elon Musk est le champion du monde de la communication et qu’à CHAQUE PUBLICATION trimestrielle de ces 10 dernières années, il a – à chaque fois – donné des informations qui ne vous permettent pas de dire que cette boîte est une merde et qu’il n’y a pas le moindre avenir. Hier encore, il a réussi à annoncer que les ROBOTAXIS sont ENCORE repoussés, tout en disant qu’il était confiant de recevoir l’approbation des autorités avant la fin de l’année. Surtout en Chine et en Europe. Il a encore une fois exprimé le fait qu’ensuite ça serait la « machine à pognon » qui se mettra en route pour Tesla et pour ses clients qui vont pouvoir faire bosser leur voiture pendant qu’ils sont aux Maldives et encaisser les bénéfices sans rien faire.
Il est aussi SUPER-MEGA-OPTIMISTE sur les robots Optimus qui seront utilisés dans les usines Tesla dès 2025 et ouvert au grand-public l’année d’après. Pour Musk, si vous ne croyez pas à l’autonomie TOTALE des voitures dans un avenir proche, si vous ne croyez pas à l’arrivée des robots dans chaque ménage, vous devez vendre vos actions Tesla et en plus vous êtes un gros con (oui, bon, ça il ne l’a pas dit, mais il l’a pensé tellement fort qu’il fallait tout de même le signaler). Bref, en résumé, les chiffres de Tesla sont pourris, mais en même temps, Musk a réussi à nous faire douter – ENCORE UNE FOIS – sur l’avenir de la boîte. Nous faisant nous demander si, à la fin il n’aurait pas raison et que l’on aura l’air idiot d’avoir vendu nos Tesla à 222$ alors que l’action va casser les 1’000$ dans un an…
Et maintenant que vais-je faire….
Tout ça pour dire que Tesla est en baisse de près de 8% et que c’est pour ça que les futures sont en baisse ce matin, mais Elon Musk a tout de même laissé planer le doute sur nos compétences d’investisseur et a su nous mettre le doute, même si on a quand même un peu l’impression qu’il nous résume un film de science-fiction tout en nous expliquant qu’on serait idiot de ne pas croire à l’arrivée des Transformers sur la Terre. Mis à part Tesla et Google, on notera que Visa foiré son trimestre avec des volumes en baisse, ce qui coûtait 3% de baisse à l’action et Texas Instruments a publié de très bons chiffres et se placent comme étant LA SOCIÉTÉ qui peut ramener le monde des Semiconducteurs aux USA et faire l’Amérique Great Again de nouveau. On ne se demande même pas pour qui ils vont voter, mais le titre prenait tout de même 3% after close. Après avoir perdu 3% DURANT la séance.
Et puis il ne faut pas oublier que LVMH a également publié ses chiffres et s’il ne faut retenir qu’une seule chose, c’est que le Chiffre d’Affaires et le Bénéfice est en baisse et qu’on ressent la pression de la Chine, alors que le Japon ne va pas trop mal. Les chiffres ne sont donc pas exceptionnels mais c’est surtout de la faute de la conjoncture. Le titre devrait ouvrir en baisse ce matin, reste à savoir de combien. Puisque l’on parle de la Chine et du Japon, la Chine ne fait rien ce matin pendant que le Japon se plante de 1% à cause des chiffres américains d’hier soir. Hong Kong est en baisse de 0.6%. Du côté du pétrole, on notera que les inventaires sont en baisse et que les exportations russes sont en chute libre et que l’OPEP maintient ses coupes de production. Le baril est à 77.14$, l’or est à 2417$ pendant que le Bitcoin est à 66’000$ et que l’Ether n’a pas pris 90% avec les arrivées des ETF’s sur le marché.
On prend les mêmes et on recommence
La journée qui nous attend sera probablement un peu la même que celle d’hier, même si cette fois il n’y aura pas de Magnificent Seven qui va publier. Il faudra tout de même garder la liste suivante en tête :
En Europe nous aurons les chiffres de BNP, Unicredit, Deutsche Bank et Santander pour les bancaires, Montcler et Kering pour le luxe, Carrefour pour la consommation, Easyjet pour les vacances et Aston Martin pour le FUN. SGS sera également de sortie en Suisse.
Du côté des USA nous aurons AT&T, Nextera, Thermofischer et General Dynamics avant l’ouverture et puis IBM, Chipolte, Ford, Viking Therapeutics, Las Vegas Sands et Newmont. Côté macro nous aurons des PMI’s un peu partout dans le monde et les USA annonceront également les permis de construire et les ventes de nouvelles maisons. Mais pour l’instant, ce qui faudra retenir – en ce mercredi matin – c’est que RIEN NE SERA PARDONNÉ lors de cette saison des trimestriels et que les futures sont en baisse de 0.63% – ce qui laisse présager d’une ouverture un peu compliquée en ce milieu d’été.
Passez néanmoins une excellente journée et moi je vous retrouve demain pour une dernière chronique avant de longues vacances ! Belle journée à tous !
Thomas Veillet
Investir.ch
Here’s the thing: every office I’ve run for I was the first to win. First person of color. First woman. First woman of color. Every time.
Kamala Harris