Si l’on doit parler strictement des indices boursiers mondiaux, la journée d’hier aura été super-chiante. En revanche, si l’on gratte en-dessous de la surface, force est de constater qu’il y a bien des histoires individuelles bien rigolotes à souhait. Et c’est ces histoires que je vais vous conter ce matin. Alors je ne sais pas si tout ce qui se passe est dû au fait que l’Intelligence Artificielle et les Algos sont en train de prendre le pouvoir, mais peu importe qui est le responsable de tout ça, il suffit de constater que c’est un beau bordel et qu’à l’heure actuelle, nous sommes plus à jouer du pipeau qu’à étudier studieusement les fondamentaux économiques.

L’Audio du 4 juin 2024

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Tout d’abord la macro

Avant de plonger dans les tréfonds des névroses du marché, nous allons tout d’abord commencer par notre bonne vieille macro-économie qui nous aide chaque jour à y voir un peu plus clair au niveau de l’avenir des taux d’intérêts. Ou à spéculer encore un peu plus sur ce que pourrait faire (on ne pas faire) Jerome Powell d’ici la fin de l’année. Hier, il y avait deux chiffres économiques qui étaient attendus : L’ISM Manufacturier et le Manufacturing PMI. Le premier était bien moche et se contractait pour le second mois consécutif et le second était meilleur et laissait entrevoir une économie relativement solide. Le problème, c’est que les deux données étaient contradictoires. Non seulement au niveau de l’économie, mais aussi au niveau de ce que l’on pourrait en tirer comme conclusion pour l’avenir des taux directeurs.

Mais c’est pas grave. Nous avons finalement trouvé une solution : s’asseoir dans sa chaise, se relaxer et observer ce que décidait le marché et quelle en était son interprétation. À la fin de la séance, c’était assez drôle de voir que le bilan se résumait ainsi :

1) Interprétation numéro une : Si l’ISM Manufacturier se contracte, c’est que l’économie ralenti. La FED n’aura donc pas d’autre choix que de baisser les taux en septembre. Selon les derniers sondages, nous sommes d’ailleurs passés de 52% à 59% de probabilités. C’est dire si ça ne rigole plus.
2) Interprétation numéro deux : Si le PMI Manufacturier est plus fort, ça veut dire que l’économie ne va pas si mal que ça et qu’il y a encore de l’espoir, donc on peut NE PAS PANIQUER.

En conclusion, si l’on regarde la façon dont le marché a pris les chiffres économiques d’hier, on peut dire qu’il applique toujours la stratégie mise en place depuis 8 mois : TOUJOURS CHERCHER CE QU’IL Y A DE BON DANS UN CHIFFRE…et oublier le reste. Dans le cas présent, on prend le mauvais chiffre et on se dit qu’il va nous faire baisser les taux et on prend le bon pour se dire que les marchés vont monter encore. Ah oui, et puis il ne faut pas oublier que vendredi dernier, il y a eu le Chicago PMI. Le chiffre était au plus bas depuis 2020 et statistiquement, chaque fois que ce chiffre a été si bas, nous sommes entrés en récession. Là tout de suite, on a l’impression que l’économie américaine, c’est «Wil le coyote » qui court dans le vide et qui ne s’est pas encore rendu compte qu’il court dans le vide… On connait tous la suite du dessin animé quand il se rend compte où il est…

Chart du Chicago PMI

Les semiconducteurs en folie

Pendant que certains se prenaient la tête avec la macro, il faudra retenir que Nvidia s’est encore fait une journée à près de 5% de hausse. La présentation de son nouveau produit à venir de dans deux ans a fait encore une fois s’envoler le titre qui terminait pratiquement au plus haut de tous les temps. La conférence sur le secteur des semiconducteurs qui a lieu en ce moment à Taïwan, provoque également une avalanche de nouvelles. AMD a également présenté ses nouveaux produits, mais tout le monde s’en fout, tout comme Intel. C’est incroyable de voir comment Nvidia éclipse tout le monde et comment le marché est prêt à payer les performances financières de la société comme si la croissance actuelle était un acquis.

Le SOX n’est toujours pas parvenu à casser ses plus hauts historiques, mais à voir la configuration technique, ça ne devrait plus tarder. On compter sur Nvidia pour nous sortir une nouvelle nouvelle révolutionnaire dans les 48 prochaines heures, ce qui devrait plier le sujet une fois pour toutes. Le S&P500 et le Nasdaq sont également en embuscade et on comme Wells Fargo vient d’annoncer que le S&P500 va aller à 5’700 après la réélection du grabataire de la Maison Blanche, pourquoi ne pas prendre un peu d’avance. Et puis, si l’on doit aller plus loin, le stratège de Capital Economics estime que « SI les rendements du 10 ans américain chutent et SI l’Intelligence Artificielle reste aussi forte, le S&P500 pourrait monter de 23% et terminer l’année 2025 à 6’500 ». Oui et si ma mère en avait, ça serait mon père. Les mecs ne savent même pas ce que les taux vont faire dans trois jours, mais ils font déjà de théories sur ce qui va se passer dans 2 ans…

Les délires de la journée

Après, si l’on doit parler de la journée du 3 juin, il faudra se souvenir que Roaring Kitty est devenu très riche et que l’ensemble du marché passe son temps à « checker » le spreadsheet excel » de ses positions en live et tout le monde y va de sa spéculation personnelle. GameStop a terminé en hausse de 21% et au top de la journée le titre était même bien plus haut, puisque pour un prix de closing de 28$, les extrêmes étaient au-dessus des 40$. Mais le nouveau génie de l’investissement n’a rien vendu – selon les experts – et il continue de tenir ses positions. Il est clair que le jour où il vend, le marché ne va pas le rater et le titre va se faire démonter. Mais nous n’en sommes pas là. Pour le moment – en théorie – le mec a gagné virtuellement un paquet de fric hier, mais il n’a rien réalisé. Pour le moment.

Cependant, on commence à beaucoup parler de lui et la résistance s’organise. Tout d’abord on notera que Citron Research (qui est censé être short sur GameStop) a publié un papier expliquant que le plan mis en place par Roaring Kitty n’est rien d’autre que de la manipulation de marché. On estime également qu’il n’est probablement pas tout seul derrière cela et que quelqu’un le finance pour ce genre d’opérations. La théorie du complot est donc en train de tourner à fond, mais la SEC est toujours en course d’école et n’est pas disponible pour le moment parce qu’ils ont un cours de natation synchronisée. En tous les cas, l’histoire de GameStop et de Roaring Kitty occupe à peu près 50% des messages « financiers » postés sur X… J’ai comme l’impression que ça n’est pas terminé.

Graphique de GameStop – Source : Tradingview.com

Warren Buffet fait la manche

Et puisque l’on parle de Roaring Kitty, on notera qu’hier, pendant un bref instant, Warren Buffet et lui étaient aussi riches l’un que l’autre et la raison n’avait rien à voir avec GameStop, mais c’était plutôt à cause de Berkshire Hathaway qui se crashait en bourse, puisqu’à un moment de la séance d’hier, le titre était en baisse de 99.7%. Alors rassurez-vous, rien à voir avec un « profit warning » ou au fait que l’on aurait découvert que Berkshire Hathaway était un plus gros Ponzi que Madoff. Non, c’était tout simplement un « bug » technique qui a fait s’effondrer certains titres – la plus grosse claque étant celle des actions de Warren Buffet.

Durant cette chute vertigineuse, certains petits malins ont réussi à racheter des actions à des prix défiants toute concurrence. Et cette nuit, sur X, vous pouviez voir une avalanche de message expliquant que les gars qui ont acheté des actions à 187$ allaient pouvoir les revendre au prix réel le jour d’après. Ce qui les rendraient instantanément très très riches. Bon, on peut maintenant redescendre sur terre, parce que les autorités boursières ont déclaré que toutes les trades qui ont été effectuées durant le « problème technique », seront annulées. Fin du conte de fées. Par contre, on ne va pas non plus tourner complotiste, mais si c’était simplement l’Intelligence Artificielle qui était en train de prendre le pouvoir ??? Enfin bref, Warren Buffet a dû avoir très peur pendant un moment. Mais même en baisse de 99.7%, il lui restait encore 300 millions. Perso, si vous me donnez 300 millions ; PLUS JAMAIS vous n’entendrez parler de moi…

En Asie

Ce matin les marchés asiatiques ne font strictement rien et semblent attendre patiemment d’avoir plus de preuves ou de pouvoir spéculer un peu plus sur la baisse des taux. En effet, le nombre de chiffres qui concernent l’emploi qui vont sortir sur les 4 prochains jours, aurons de quoi faire bouger les marchés dans tous les sens. Mais pour l’instant, c’est très très calme en Asie. On retiendra que le marché Mexicain s’est effondré de 11% après la victoire de Claudia Sheinbaum qui a, visiblement, tort d’être de gauche. Ce qui ne semble pas plaire au marché capitaliste. En Inde, les élections provoquent également une baisse des marchés, puisqu’il semblerait que la victoire ne soit pas aussi large que prévue.

Du côté du pétrole, on n’a pas trop aimé les déclarations de l’OPEP – puisque même s’ils veulent conserver les coupes de production – ils ont tout de même laissé entendre qu’ils allaient lâcher du lest. Le baril s’est donc effondré brutalement, même si cela ne se voit pas du tout à la pompe. Néanmoins, cela aura sûrement un impact positif sur les baskets des différents CPI pour le mois prochain. Là tout de suite, le pétrole est à 73.62$ et après avoir traité dans un range pendant quelques temps, c’est le camp des Bears qui l’a emporté. Pour le moment. L’or est à 2369$ et le Bitcoin repart gentiment, il a même touché les 70’000$ ces dernières 24 heures, mais est de retour sur les 69’200$ ce matin. C’est passionnant.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on retiendra que le CFO d’Epoch Times a été inculpé de blanchiment d’argent pour la modique somme de 67 millions de dollars. Il aurait eu meilleur temps d’acheter du GameStop. Il y a aussi Paramount et Skydance qui ont trouvé un accord pour fusionner. L’annonce devait être faite dans les jours à venir. Sans oublier AMD qui continue de faire un ramdam avec ses nouveaux produits en essayant de convaincre tout le monde comme quoi ils veulent rattraper Nvidia. Mais tout le monde s’en fout, Nvidia est intouchable.

Et puis alors, la nouvelle de la journée qui me semble énorme et dont tout le monde semble se foutre comme de leur premier stop-loss ; c’est la FDIC (La Federal Deposit Insurance Corporation c’est une agence indépendante du gouvernement des États-Unis dont la principale responsabilité est de garantir les dépôts bancaires faits aux États-Unis jusqu’à 250’000 dollars, on en parle jamais sauf quand les banques sont dans la merde) qui a déclaré que :

« Au premier trimestre 2024, les « pertes non réalisées » sur les titres détenus par les banques commerciales ont augmenté de 39 milliards de dollars (ou de 8,1 %) par rapport au quatrième trimestre, pour atteindre une perte cumulée de 517 milliards de dollars. Ces pertes non réalisées représentent 9,4 % des 5,47 trillions de dollars de titres détenus par ces banques »

Cette hausse est due à l’augmentation des pertes sur les créances hypothécaires résidentielles détenues par les banques en raison de la hausse des taux hypothécaires. En résumé, de plus en plus d’Américains ne peuvent plus payer et les banques se prennent des claques en pleine figure. Le premier trimestre 2024 a également marqué le dixième trimestre consécutif de pertes non réalisées, une période encore plus longue que celle de la crise financière de 2008. On adore quand on nous dit que c’est « pire qu’en 2008 » – déjà qu’en 2008 c’était pas mal. D’ailleurs, tant que les taux restent élevés, ces pertes ne devraient faire qu’augmenter. Et ça tombe bien, parce que la FDIC a également identifié 63 banques régionales qui sont au bord de la faillite. PAS BESOIN de vous rappeler ce qui s’est passé il y a un peu plus d’un an quand la Silicon Valley Bank a mis la clé sous la porte (salutation amicale au fantôme du Crédit Suisse)…

Bref, la nouvelle n’est pas bonne du tout, mais étonnement, pas un mot dans le FT, rien sur CNBC, ni sur Bloomberg ou le Barron’s. Pourtant le le rapport de la FDIC existe bel et bien (cliquez sur le lien pour l’obtenir)… Pour être franc, on a un peu l’impression que les USA sont dans une « perfect storm ». Si les taux montent, l’économie s’effondre et les banques partent à la casse en déclenchant un effet domino dont on ne connaît pas la fin et s’ils baissent les taux, l’inflation repart à la hausse et on est très très mal. Je crois que si ce matin on me laissait le choix entre être un pilote japonais kamikaze pendant la guerre 39-45 ou être Jerome Powell, je m’achète une veste en cuir, je mets un bandeau sur le front et je prends l’avion pour Tokyo pour me présenter au recrutement.

Les chiffres

Du côté des chiffres, aujourd’hui il y aura le CPI en Suisse, le chômage en Allemagne, puis les JOLTS et les Factory Orders aux USA. On commence les choses sérieuses au niveau de l’emploi et je suis impatient de voir comment on va tirer encore une fois le bon grain de l’ivraie cette semaine.

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.01% et tout le monde se fout du rapport du FDIC et des chiffres économiques qui se dégradent, parce que la FED est notre amie. Passez une excellente journée, et à demain pour encore plus de bonnes nouvelles !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

« WTF ?»

Warren Buffet