C’est le chaos politique en France. Les deux extrêmes, Rassemblement national (RN) et la France insoumise (LFI) vont s’affronter durant les élections législatives des 30 juin et 7 juillet, en l’absence d’une coalition de centre gauche-droite.

Deux scenarii probables sont anticipés: une majorité absolue pour le RN avec ses alliés du LR ou une majorité relative pour le RN, le Nouveau Front populaire et la majorité présidentielle avec comme conséquence une France ingouvernable. Les programmes économiques du RN et de LFI sont très à gauche. Le RN, c’est du national-socialisme, c’est l’Etat-providence, contrairement à Reconquête (Eric Zemmour) qui a un programme économique libéral. Le RN et le LFI annoncent de gigantesques dépenses et la baisse de la TVA pour soutenir le pouvoir d’achat sans annoncer clairement les sources de financement, €100 milliards pour le RN et $300 milliards pour le Nouveau Front populaire, de quoi donner le vertige. Le RN veut nationaliser les autoroutes. Les marchés financiers n’aiment pas cette situation dangereuse pour les finances publiques et la dette françaises. La France est nucléaire, fait partie de l’OTAN, est un précieux soutien à l’Ukraine et est un pays fondateur de l’Union européenne. Le risque n’est donc pas seulement financier, mais également géopolitique. Pourtant, nous ne dramatisons pas la situation et la volatilité des bourses européennes pourraient présenter des opportunités d’achat. Giorgia Meloni de Fratelli d’Italia avait un programme bien plus agressif que celui du RN, mais elle n’en a activé qu’une petite partie; la réalité des chiffres, de la politique et de la géopolitique s’impose. Il est toujours très facile d’être dans l’opposition et beaucoup moins lorsqu’on gère. Dans ce chaos français, les pouvoirs exceptionnels définis par l’article 16 de la Constitution donnés au président refont surface.

Après avoir bien résisté, les bourses européennes ont lâché jeudi 13 et vendredi 14 juin. Sur la semaine du 10 au 14 juin, le CAC 40 avait perdu 5%, l’Euro Stoxx 3.5%, le Stoxx 600 2.1%, alors que le S&P 500 gagnait 1.3% et le Nikkei perdait 0.6% et le SMI 0.8%. Les banques européennes, la consommation discrétionnaire, l’automobile et la défense ont fortement baissé. Les actifs refuge ont bien résisté comme les actions suisses et américaines, le franc suisse, le dollar et l’or. Après avoir frôlé la parité contre l’euro, le franc suisse est reparti à la hausse vers les 0.95.

Les investisseurs seront encore plus convaincus de jouer le trade America. Sur un mois, les $30 milliards investis dans les fonds en actions (source: EPFR Global), 94% l’ont été sur les actions US. Le trade America se justifie par les craintes sur la France, et donc sur l’Europe, par les gains de l’extrême-droite lors des dernières élections du Parlement européen et les inquiétudes sur la Chine. Cette fuite sur les actifs US s’est également observée sur le marché obligataire. La bourse américaine profite grandement de son positionnement sur des sociétés de grande qualité dans la technologie, l’IA, les médias et la consommation discrétionnaire.

Le risque français pèse sur les secteurs européens bancaire et du luxe. En marge du Sommet pour la paix en Ukraine au Bürgenstock en Suisse, le secteur de la défense a connu d’importantes prises de profits les deux jours précédant la conférence avec des chutes de 7% pour Rheinmetall et Leonardo, 8% pour Thales, 6% pour Dassault Aviation, 4% sur BAE Systems, ce qui représente des opportunités d’achat.

La visibilité se réduit pour le secteur automobile. Après les US, l’Europe a instauré des taxes d’importation sur les véhicules électriques (EV) chinois, les ventes de voitures électriques sont en chute libre et les politiques du «tout-électrique» sont remises en question. Les Japonais, Toyota en leadership, met en avant les modèles hybrides, arguant que les voitures tout-électriques n’ont de sens qu’en milieu urbain. L’Union européenne avait acté l’interdiction des ventes de voitures à essence et hybrides à partir de 2035; il est probable que la clause de revoyure soit activé en 2026 et que l’Union européenne revienne en arrière, ce qui ne ferait pas l’affaire des constructeurs qui ont misé sur le tout-électrique comme Stellantis. La semaine dernière, l’Union européenne a décidé d’imposer une taxe d’importation jusqu’à 38% sur les voitures électriques chinoises en raison des importantes subventions: 17.4% pour BYD, 20% pour Geely et 38.1% pour SAIC. L’Allemagne s’est opposée à ces taxes, étant le plus à risque en cas de mesures de rétorsion de la Chine. Les actions des constructeurs chinois sont montées sur l’annonce, les taxes étant moins élevées que prévu. Aux US, ces taxes d’importation sont passées de 25% à 100%. La Turquie a également annoncé une nouvelle taxe de 40% d’importation sur les véhicules chinois.

La Fed a annoncé des taux inchangés lors de sa réunion du 12 juin, une petite déception pour les bulls, mais une décision largement attendue. Toutefois, les gouverneurs de la Fed soutiennent 2 baisses des Fed Funds en 2024 dont la première devrait être en septembre. Des chiffres de CPI et PPI US soutenants ont permis au 10 ans US de revenir sur les 4.2%, soulageant les actions.

Malgré des records, les bourses n’inspirent toujours pas une confiance totale. Nous ne sommes pas dans un mode FOMO, Fear Of Missing Out. La participation des actions a été faible ces dernières semaines; toutefois, un breadth faible dans un marché haussier est une configuration haussière. Microsoft, Apple et Nvidia comptent pour 20% du S&P 500 qui a progressé de 14% en 2024 contre 3.4% pour le S&P 500 Equal Weighted. Les mega-caps restent toujours les favorites par rapports aux petites et moyennes capitalisations boursières.

Jusqu’au soir du dimanche 7 juillet, la France est dans l’inconnu, car l’un des deux partis extrêmes pourraient prendre le pouvoir ou la France pourrait devenir ingouvernable. Si la situation devait s’aggraver et se propager à l’ensemble de l’Union européenne, la BCE pourrait réagir par des injections de liquidités (bon pour les actions). Nous restons prudents sur les actions européennes sur les 2 prochaines semaines, mais la correction actuelle pourrait présenter des opportunités d’achat.

La désinflation, des chiffres de l’emploi solides aux US, une reprise du cycle des profits, l’IA et une Fed qui va baisser ses taux sont des conditions pour une poursuite du bull market. Nous avons révisé à la hausse nos objectifs du S&P 500: 5’700 en 2024 et 6’500 en 2025.

 

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