Alors que les qualificatifs exceptionnels commençaient à manquer en ce qui concerne Nvidia, le reste du marché est parti dans l’autre sens. Le Dow Jones a vécu sa pire journée depuis deux mois et les deux autres indices ont limité la casse, parce que Nvidia était dedans – ce qui n’est pas le cas du Dow Jones. La journée était pourtant censée être placée sous le signe de la célébration avec les chiffres trimestriels du géant de l’IA, mais finalement ça n’aura suffi qu’à limiter la casse alors que la « CRAINTE NE DE PAS VOIR BAISSER LES TAUX » était de retour parmi nous. Il ne manquait plus que la musique des dents de la mer pour glacer l’ambiance.
L’Audio du 24 mai 2024
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Divisé en deux
Les observateurs du marché ont pu se rendre compte qu’hier le marché était divisé en deux. D’un côté, Nvidia qui attirait tous les regards et qui poussait les analystes à sortir de leurs zones de confort et à trouver de nouveaux mots pour expliquer comment ce que Nvidia fait est absolument génial et que ce que Nvidia FERA, c’est encore mieux. On ne se pose même plus la question de savoir si la société va dépasser Apple et Microsoft un jour, on veut simplement savoir quand. Le titre est devenu dorénavant le titre le plus détenu dans le portefeuille « moyen », dépassant déjà Apple de ce côté. Nvidia est devenue LA SOCIÉTÉ qui ne peut plus décevoir et qui ne fait pas d’erreur. Un peu comme Apple au début de la dernière décennie.
L’action a pris plus de 9% lors de la séance d’hier et était plus ou moins la seule action à terminer dans le vert. Je ne veux même pas savoir comment le marché aurait fini la journée si EN PLUS Nvidia avait foiré son trimestre. Rendez-vous compte, même le SOX – le semiconducteur index – ne parvenait pas à terminer en hausse avec son plus gros composant qui prenait près de 10%. Oui, hier Nvidia montait, mais c’était bien la seule parce que le problème était ailleurs. Le problème se situait DE NOUVEAU dans la relation conflictuelle entretenue par les taux et l’inflation.
Deux axes
Les Minutes de mercredi soir ont donc refait surface. On sait que pour le trader moyen, ça n’est jamais simple de tirer une conclusion d’un rapport de 10 pages avec plein de mots compliqués et une grammaire soigneusement retravaillée, ou chaque point et chaque virgule ont leur importance. Il est encore plus compliqué de le faire en une seule lecture. Ceci dit, à force de gratter, on a commencé à voir que ce que les Minutes avaient tendance à vouloir dire, c’est qu’en gros, l’économie ne laisse que peu de possibilités de baisser les taux et que l’inflation n’a pas vraiment envie de rendre les armes. On a complètement mis de côté le fait que ces conclusions ont été tirées bien avant la publication de plusieurs chiffres économiques qui pourraient remettre en question certains points des Minutes, mais passons.
Il semblerait donc qu’hier, l’esprit du marché se soit mis d’accord avec lui-même pour dire que les Minutes du FOMC Meeting étaient peu encourageantes et fermaient pas mal de portes qui menaient à une baisse des taux au mois de septembre. Le sondage y référant est d’ailleurs proche des 50% de probabilités, alors que 24 heures auparavant, nous étions à 65%. On ne va pas dire que l’on a encore une fois tourné la veste en moins de 10 jours, mais disons que notre niveau de conviction n’est plus tout à fait le même que celui de lundi matin. Et encore, ça c’était sans compter les chiffres du PMI’s qui sont sortis hier.
Les pressions inflationnistes se rappellent à notre bon souvenir
Hier nous n’avons eu que peu de chiffres économiques et en plus pas forcément ceux qui nous font vibrer d’habitude. Mais en ce moment, on cherche un peu partout afin de se rassurer sur le fait que les taux vont bien finir par baisser. Bordel ! Au moins une fois !!! Juste une toute petite fois ! On s’est concentrés sur les PMI’s. Grosso modo, il y avait trois chiffres :
– Le PMI Manufacturier
– Le PMI des Services
– Le PMI qui fait la moyenne des deux (le Composite)
Le Manufacturier était attendu à 50. Il est sorti à 50.9. Celui des services était attendu à 51.2, il sort à 54.8 et le Composite qui devait être à 51.1, débarque à 54.4 – On ne va pas se mentir, ça veut juste dire que tout est plus cher et que les pressions inflationnistes sont loin d’être en train de se planquer au fond de la niche. Et si on avait le moindre doute, il suffisait d’observer le rendement du 10 ans. Le rendement du 10 ans qui est un animal passionnant, puisque personne ne le regarde jamais, sauf quand on flippe sur les taux. Et quand soudainement on le regarde, on ne voit plus que lui. Hier le rendement du 10 ans était à 4.46% et commençait à faire trembler les irréductibles avocats et défenseurs de la baisse des taux – la SPBT – la Société Protectrice de la Baisse des Taux. Et puis, comme si l’on avait besoin d’en remettre une couche, on pouvait aussi parler de l’emploi américain. OUIIIII, vous savez l’emploi ! Ce truc qui fonctionne comme la carte de sortie de prison au Monopoly : celui que Powell a cité en disant que si LUI il commençait à baisser, ça l’OBLIGERAIT (peut-être) à baisser les taux, inflation ou pas !
Les Jobless qui ne « claims » plus rien
Eh bien hier, comme tous les jeudis, on a eu droit au Jobless Claims. Et les visionnaires du marché s’attendaient à 220’000 demandes d’indemnités chômage pour la semaine. Et on a annoncé 215’000. Alors vous me direz : « on ne va pas chipoter pour 5’000 personnes de moins !!! ». Oui, en effet, on ne devrait pas chipoter pour 5’000 personnes, mais en même temps pour DEUX personnes qui chopent la grippe aviaire, Pfizer et Moderna sont chauds pour lancer une vaccination mondiale en moins de quinze jours. On a donc bien le droit de tirer des plans sur la comète de l’emploi parce que 5’000 Américains n’ont pas jugé bon d’aller demander des allocations chômage. Si ça se trouve, ils avaient tous des calls sur GameStop et Nvidia et là, ils ne bosseront plus jamais !!!
Bref. Si l’on fait le bilan de la séance d’hier, dans la colonne « Bonnes Nouvelles », il y a Nvidia. Et dans la colonne « Mauvaises Nouvelles », il y a le reste. Les PMI’s trop forts qui réveillent les pressions inflationnistes. L’emploi qui reste plutôt fort. L’impression que les Minutes n’étaient pas très optimistes. La probabilité des voir une baisse des taux en septembre qui s’amenuisait et en plus, par moment ; il a plu et je me suis cassé un ongle. Dans ces conditions : impossible de finir dans le vert. Vous ajoutez à ça le fait que Boeing ait annoncé que l’année prochaine ils seraient en cash-flow négatif et que leurs chaînes de production tournaient au ralenti, déclenchant un nouveau sell-off sur le titre et la boucle était bouclée : le 23 mai 2024 était une journée de merde. Sauf pour Nvidia. Mais Nvidia est sur une autre planète alors ça ne compte pas.
La suite, mis à part le week-end
Pour ce qui est de la suite des évènements. Ce matin l’Asie s’est rangée du côté de la peur de la Non-Baisse des taux et de l’inflation qui revient en tête de gondole pour la 223ème fois de l’année. Au moins on ne se casse pas trop la tête pour savoir pourquoi il faut vendre. On fait comme les Ricains et on se dit que toutes façons, ils en savent plus que nous. Du coup, le Japon est en baisse de 1.05%, Hong Kong abandonne 1.21% et la Chine recule de 0.16%. Du côté du pétrole, on dirait que la manipulation électorale de Biden fonctionne, puisque le baril baisse gentiment mais sûrement. Ce matin il se traite à 76.87$, pendant que l’or est à 2’331$. Du côté des cryptos, le Bitcoin est à 67’000$ et l’Ethereum est à 3’800$ et cela même si l’ETF a été approuvé il y a une dizaine d’heures. Personne n’en a rien à foutre pour le moment. La SEC a donc capitulé face à la vague crypto et vient d’autoriser un second ETF « spot » sur le secteur. Gary Gensler – le patron de la SEC – a une tête de Pit-Bull, mais au fond c’est un gentil Golden Retriever.
Nous sommes vendredi et on dirait que tout le monde s’est mis d’accord pour réchauffer ce qu’il nous restait d’informations sur le début de la semaine, mais il n’y a pas grand-chose de neuf à la veille de ce long week-end américain – puisque lundi ça sera Memorial Day et que Wall Street sera fermé. On notera tout de même qu’il y a une soudaine augmentation des prix des transports de marchandises. Le prix du fret vient de prendre 30% et il semblerait que c’est plus compliqué de trouver un container disponible qu’un chargeur pour recharger sa voiture électrique. Si les coûts de transport prennent l’ascenseur, ça n’est pas forcément une bonne nouvelle pour l’inflation qui est toujours en train d’essayer de cicatriser. On notera aussi que Musk a déclaré qu’il était contre l’augmentation des tarifs douaniers pour les voitures chinoises. Au moins il y a un beau joueur dans l’histoire. Et pour terminer, on retiendra que Bostic – membre de la FED a déclaré que cela prendra du temps pour ralentir l’économie. Traduction : on ne peut pas baisser les taux là tout de suite.
Chiffres
Pour ce qui est des chiffres du jour, nous aurons le PIB en Allemagne, le CPI est sorti en ligne au Japon tôt ce matin. Et puis aux USA, il y aura les Durables Goods et les chiffres de l’Université du Michigan concernant la confiance du consommateur. Rappelons pour mémoire que la publication précédente avait déjà montré une image du consommateur qui jette l’éponge. Ça serait pas mal que ça ne soit pas le cas deux fois de suite, car même si ce chiffre est connu pour être du « total pipeau », tellement il ne représente pas grand-chose, ça ne serait toutefois pas une bonne nouvelle pour notre « mental de winner » à l’approche d’un long week-end.
Voilà, c’est tout pour moi. Je vous retrouve lundi pour vous dire que les USA sont fermés et que ça ne servait à rien de venir, mais d’ici-là, passez un excellent week-end. Il paraît que pour une fois on va pouvoir faire ce qu’il nous plaît en mai, parce qu’il ne devrait pas neiger…
Profitez bien et à lundi !
Thomas Veillet
Investir.ch
“The trick is not to learn to trust your gut feelings, but rather to discipline yourself to ignore them. Stand by your stocks as long as the fundamental story of the company hasn’t changed.” Peter Lynch