J’ai perdu le compte du nombre de fois où nous avons retourné notre veste en 2024 – mais celle d’hier soir est clairement celle qui offre le plus de certitudes d’avoir raison. En janvier on frisait déjà la certitude de voir les taux baisser 6 à 8 fois – ça ne faisait aucun doute – mais hier soir, cette fois c’est plus que certain ; la FED baissera les taux de 25 points de base en septembre et refera la même chose juste avant Noël. C’est pratiquement gravé dans le marbre et pour fêter ça tous les indices battent leurs plus hauts de tous les temps. Enfin, sauf la Suisse, mais c’est parce qu’y en n’a point comme nous.
L’Audio du 16 mai 2024
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ON A VAINCU L’INFLATION (enfin presque)
Voilà, c’est fait. L’inflation est enfin sous contrôle et Powell est à nouveau le KING de Washington. Plus rien ne pourra jamais freiner son ascension et il restera l’homme qui a vaincu l’inflation à coup de hausses des taux et qui a su ramener l’économie exactement là où elle devait être pour assurer la pérennité de l’Empire Américain. Amen. Alors oui, je vais peut-être UN PEU vite en besogne, mais c’est pas moi, c’est juste ce que l’on peut lire dans les médias américains qui fêtent tous le fait que les trois indices du nouveau continent ont terminé au plus haut de tous les temps. Petite déception ; le Dow Jones n’a pas franchi la barre des 40’000 dans la foulée, mais c’est pour mieux profiter ce soir, sans aucun doute.
Vous l’aurez bien compris, les chiffres de l’inflation sont sortis exactement comme on l’attendait et pour la première fois depuis le début de l’année, la donnée est moins forte que le mois précédent. Publication qui méritait donc bien que l’on s’arrose abondamment de champagne hors de prix, non sans s’être tartiné de caviar auparavant. Si l’on doit parler chiffres, on retiendra donc que le CPI est sorti à 3.4% contre 3.5% le mois précédent. La mesure mensuelle était à 0.3% contre 0.4%. Et du côté du CORE CPI, c’est encore mieux avec 3.6% contre 3.8% et également 0.3% sur le mois une fois que l’on s’est débarrassé des « composantes volatiles » – autrement dit : « les trucs qui ne servent à rien comme l’énergie, les loyers ou encore la bouffe ».
Un immense OUF de soulagement
Cette nouvelle volée de chiffres a donc permis aux intervenants de pousser un énorme soupir de soulagement et les marchés se sont paisiblement envolés au plus haut de tous les temps. Et puis, comme un bonheur ne vient jamais seul, nous avons également pu apprécier la publication des chiffres des ventes de détail qui étaient également en baisse par rapport au mois précédent. Donnée qui, là aussi permettait aux traders de hurler leur joie et leur appréciation de voir que gentiment, l’économie ralentit et va donc logiquement permettre à la FED de baisser les taux – comme prévu depuis des mois. La faiblesse des ventes de détail signifie que le consommateur est en train de serrer les fesses et de « moins dépenser », ce qui veut également dire qu’il est également « moins en forme » ou « un peu plus dans la merde ». Dans une économie normale, ça n’aurait pas été considéré comme un signal positif, mais comme là tout de suite, on veut SURTOUT que l’inflation se calme, nous étions au bord de l’orgasme boursier. Pour ne pas dire : « en plein dedans ».
Les marchés ont donc immédiatement réaligné leurs attentes. Dorénavant on s’attend à nos deux baisses de taux pour la fin de l’année – les plus optimistes parlent même de trois coupes d’ici la fin de l’année. Bref, l’euphorie était parmi nous et le doute n’était plus permis. La FED a gagné le combat, l’inflation est à terre, on est les champions. C’est quand même facile la bourse quand on a toujours raison. Alors bon, je ne veux pas gâcher la fête, mais lorsque l’on voit la liste des prix individuels, on est en droit de se demander si vraiment il faut faire la fête ou si on ne s’emballe pas un peu. Une chose est certaine, à Wall Street, nous sommes friands de chiffres bruts, capables d’aller chercher le meilleur dans un chiffre tout pourri et parfois, nous avons un peu tendance à survoler les chiffres sans voir où se cache les trucs pourris.
Individuellement
Alors que le CPI est de 3,4 %, l’inflation est beaucoup plus élevée pour de nombreux produits de première nécessité :
Assurance automobile en hausse de 22,6%
Les transports sont en hausse de 11.2%
Les services hospitaliers grimpent de 7.7%
L’entretien des véhicules progresse de 7.6%
L’inflation des coûts d’entretien pour les propriétaires immobilier est de 5.8%
Les loyers bondissent de 5.4%
L’électricité avance de 5.1%
Et puis il faut aussi retenir que l’inflation est supérieure à 3 % depuis plus de TROIS ans. Ce qui signifie que ces chiffres de l’inflation s’ajoutent à plusieurs années de prix déjà gonflés. Alors oui, le jambon est en baisse de 3.4% et le fromage recule de 3.3%, tout comme le café qui baisse de 2% – ce qui va sûrement améliorer les marges de Starbucks – mais ces microbaisses ne résolvent pas le fait que l’accessibilité financière continue de se dégrader et que le consommateur se sent de plus en plus sous pression. Mais pour ce qui est des chiffres d’hier, on ne va pas se mentir : autant nous sommes hyper-balaises pour trouver le positif dans un chiffre bien pourri, autant nous sommes encore plus forts pour refuser de voir ce qui ne va pas quand un chiffre nous arrange. Ce qui était le cas d’hier. On ne va donc pas gâcher la fête : tout va bien, la bourse va bien, Wall Street est au top de son jeu et on va aller chercher les 40’000 sur le Dow Jones. Pour la réalité des faits, pour le reste des problèmes qui pourraient éventuellement nous tomber dessus, on verra plus tard. Hier c’était « LET’S PARTY » et puis c’est tout !
L’inflation mais pas que
Une fois que nous eûmes acté le fait que l’inflation était VAINCUE, les marchés se sont précipités sur les vieux dossiers pour fêter ça. On a immédiatement racheté les valeurs classiques comme Apple, Microsoft et Nvidia, parce que la tech c’est bien mais que l’intelligence artificielle, c’est encore mieux. Nvidia prenait 3.6% et son acolyte, SuperMicro, explosait de 15%. Ou y a de la gêne, y a pas de plaisir. Cisco a publié des chiffres en-dessous des attentes after close, mais la guidance était positive, l’ancienne star technologique bondissait encore de 5% tard dans la nuit et lorsque l’on cherche un peu ; hier il n’y AVAIT PAS DE MAUVAISES nouvelles. Ou alors on a préféré ne pas embêter le Bull Market avec ça. Nous avons même eu Joe Biden qui s’est empressé de faire un discours JUSTE après la publication du CPI pour faire son tour d’honneur et dire combien il était content que l’inflation soit au plus bas depuis trois ans. Sans mentionner que ça fait 38 mois qu’elle n’est pas repassée sous les 3%. Et le rendement du 10 ans américain est à 4.31% – au plus bas depuis le 3 avril.
L’effet magique de l’inflation américaine continue de faire son effet à l’autre bout de la planète, puisque ce matin les marchés asiatiques sont tous dans le vert. Le Nikkei est en hausse de 0.78%, le Hang Seng avance de 1.6% et la Chine grapille 0.5% alors que le dossier « dois-je acheter la Chine avant qu’il ne soit trop tard » refait surface. Pourtant, les tarifs douaniers sont toujours un problème pour la Chine et au Japon, les chiffres du PIB n’étaient pas non plus très explosifs. Les derniers chiffres publiés dans la nuit montrent que l’économie japonaise s’est contractée beaucoup plus que prévu au cours du premier trimestre 2024, la consommation privée s’étant fortement affaiblie en raison d’une inflation trop élevée et de salaires trop bas. Mais honnêtement, on s’en fout, d’abord le Japon c’est loin et puis le CPI d’hier était quand même trop génial !!!
Pour le reste
Autrement, on notera que le pétrole se fout pas mal de ce qui se passe et semble vouloir consolider sur les 79$. L’or devrait baisser parce que l’inflation est « presque officiellement vaincue », mais il ne baisse pas, parce que c’est quand même un peu « le trade du moment » et le métal jaune est à 2393$. Le Bitcoin quant à lui, nous a gratifié d’une des plus belles journées depuis bien longtemps. La crypto a pris près de 10% et s’affiche à 66’000$. Du côté des nouvelles du jour, on notera que c’est la saison à laquelle les gros fonds d’investissements viennent annoncer certaines de leurs positions et il faudra retenir que Berkshire Hathaway a annoncé le nom de leur « position mystère » – Warren Buffet a donc pris une participation de 6% dans Chubb. Et puis Michael Burry a viré ses titres Alphabet pour acheter de l’or.
Dans un autre registre, il faudra retenir que les Memes Stocks se sont dégonflés (pour le moment). GameStop a perdu 20% durant la séance et 10 after close. AMC plongeait de 10% plus 6 after close. Il faudra aussi retenir que Dell est en train de plonger toujours un peu plus profond dans la thématique de l’Intelligence Artificielle – Dell a pris 11% hier et franchissait nettement la barre des 100 milliards de capitalisation boursière. Il y a également IBM et Palo Alto Networks qui ont annoncé qu’ils allaient travailler ensemble pour être plus efficaces face aux challenges que posent la Cybersécurité.
Côté chiffres du jour
Aujourd’hui nous aurons la publication des permis de construire, des nouvelles mises en chantier, le Philly FED et la production industrielle aux USA. Mais la chose que l’on va vraiment regarder, c’est les Jobless Claims, histoire de voir si ces derniers continuent de montrer des signes de faiblesse sur le marché de l’emploi – ce qui corroborerait nos certitudes sur les prévisions de baisses des taux. Il y aura également les chiffres de Walmart, de Baidu et d’Applied Materials qu’il faudra observer au passage. Histoire de voir comment se porte le consommateur. Et cela, même si tout le monde préfèrerait qu’il n’aille pas bien, histoire de calmer l’inflation encore un peu plus.
Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.18% et nous nageons dans le bonheur en attendant que le SMI grimpe de 10% pour aller chercher les 13’000 et les plus hauts de tous les temps. Pour ma part, je vous souhaite une très belle journée et on se revoit demain pour boucler la semaine !
À demain !!!
Thomas Veillet
Investir.ch
“Compound interest is the eighth wonder of the world. He who understands it, earns it. He who doesn’t, pays it.” Albert Einstein