Si l’on se concentre uniquement sur la journée d’hier, il y a une chose qu’il faut retenir ; c’est que si les marchés montent ça n’est pas forcément parce que les nouvelles sont « bonnes » ou même « excellentes ». C’est tout simplement parce que les analystes s’attendaient à bien pire et comme finalement, c’est pas aussi moche qu’on pensait, ben il faut acheter alors. Et puis il y a aussi le fait que l’on a besoin de beaucoup plus de temps que d’habitude pour soutirer toute la quintessence d’un discours de la FED. Mais lorsque que l’on a finalement réussi à comprendre ce que voulait dire Powell mercredi, ça nous a permis de monter jeudi.

L’Audio du 3 mai 2024

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L’ironie toujours l’ironie

Je vous jure que je ne fais pas exprès d’ironiser tout ce que je lis tous les matins. Mais c’est quand même pas de ma faute si le marché a la réflexion d’une botte d’asperges et qu’à chaque fois qu’un chiffre sort il nous faut absolument 48 heures pour réussir à trouver quelque chose de potable dedans. Je dis ça parce que lorsque l’on revient sur les mots qui ont été prononcés par Powell mercredi soir, il n’y avait tout de même rien de délirant dedans – et au-delà du fait que la FED ne fait que subir l’économie tout en espérant qu’elle n’aura pas besoin de monter les taux, il n’y avait pas forcément grand-chose d’hyper-excitant et encore moins quelque chose qui demandait l’urgence d’activer les comptes étrangers non-déclarés pour investir sur le marché US.

Pourtant, si l’on en croit les analyses qui ont été faites depuis mercredi soir ; tout espoir n’est pas perdu. Tout d’abord on a bien pris le temps de souligner en caractères gras le fait que Powell « N’A PAS EXCLU UNE BAISSE DES TAUX EN JUILLET ». Oui, c’est vrai. Le patron de la FED n’a pas dit EXPLICITEMENT que lui vivant JAMAIS IL NE BAISSERAIT pas les taux en juillet. Bon. En même temps, il n’a pas non plus déclaré qu’il démissionnerait de son poste et se jetterait dans le Potomac si les taux ne baissaient pas en juillet. On peut donc dire que l’on se retrouve « un partout, balle au centre ». Un peu comme l’Iran et Israël. Cependant, le marché de 2024 a cette capacité hors du commun de se défoncer pour aller chercher ce qui « POURRAIT » être considéré comme une bonne nouvelle. Et en ce qui concerne hier, on a donc plus ou moins décrété que ce que fait la FED est positif et que comme ils n’ont pas encore complètement rendu les armes, c’était plutôt bullish. Et puis il y avait aussi l’espoir qu’Apple allait nous faire un miracle after close et redevenir l’Apple qui faisait des révolutions tous les trimestres et qui mettait les shorts à poil quatre fois par année.

La hausse avant tout

Bref, hier on avait l’impression que Powell était notre ami et qu’Apple pouvait sauver le monde. Nous avons ensuite pu ajouter à cela des analyses de la part de certaines stars de la finance – comme la stratège de Bank of America – stratège qui déclarait que « même si les taux ne baissaient pas, le marché pouvait tout de même terminer l’année plus haut ». Voilà, nous y sommes. Avant, il fallait acheter parce que les taux allaient baisser et maintenant, il faut acheter parce que même si les taux ne baissent pas, l’économie et les sociétés vont tellement bien qu’en fait, on n’en a rien à foutre des taux d’intérêts. Autant passer à autre chose.

En résumé, depuis la fin du FOMC Meeting, nous sommes à la recherche de la bonne nouvelle perdue et que chaque fois qu’on trouve quelque chose de pas mal, on court derrière pour faire monter le marché. C’était en tous les cas le sentiment que ça donnait aux USA. Nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge côté graphique, mais on sent que l’optimisme est à nouveau en mode attaque et le rebond du côté des semiconducteurs – Nvidia en tête a permis aux indices de clôturer de fort belle manière, Apple en remettant une couche after close. C’était un peu moins l’euphorie en Europe. Le DAX reculait de 0.2% et le CAC40 abandonnait 0.9% pour terminer tout en bas du range. Il faut dire que les mauvais chiffres de Stellantis et le fait que Total veuille se barrer de la France et du CAC, n’a pas forcément aidé. Heureusement, le Rocco Siffredi français est monté à la brèche pour exprimer son intention de tout faire pour que ça ne se produise pas. Et puis en Suisse L’EXPLOSION DE L’INFLATION a terrorisé tout le monde et envoyé le SMI dans le rouge également. 1.4% sur le CPI, on ne sait pas si on va s’en remettre…

Les yeux fixés sur les chiffres

Mais encore une fois, la journée d’hier aura été axée sur les chiffres du trimestre. Enfin, une fois que nous eûmes relu le communiqué de la FED pour la 112ème fois depuis mercredi soir. Hier il y avait tout de même les chiffres de Novo Nordisk – le MAGNIFICENT SEVEN européen – et la publication était une déception. Alors encore une fois, il va falloir prendre le temps de poser les choses et interpréter un peu. Tout d’abord, il faut retenir que les Danois ont doublé leurs chiffres de ventes du Wegovy sur une année, mais les experts-analystes-dieux de la finance attendaient plus que ça. En même temps, on veut voir grossir les chiffres d’un médicament pour la perte de poids, c’est tout de même demander beaucoup. Mais s’il faut parler chiffres, le « marché » attendait des ventes de 10.4 milliards de couronnes danoises et c’est sorti un milliard en-dessous. Bon, on se calme, c’est des couronnes danoises, pas des Livres Sterling d’il y a 30 ans. Les ventes ont tout de même doublé, mais c’était pas assez. Novo Nordisk était donc en baisse de 2.74%, mais reste tout de même en hausse de 575% depuis 2018.

Et puis, puisque le thème de la lutte contre l’obésité et l’amélioration des performances des compagnies aériennes par la perte de poids des passagers est la tendance actuelle, on ne peut pas passer sous silence les annonces d’Amgen qui ont déclaré que leur médicament anti-obésité à eux faisait des miracles dans la phase de test où il se trouve. Il suffirait d’une seule injection par mois pour obtenir le corps de Jake Gyllenhaal en moins d’une année. Amgen prenait 15% sur la nouvelle, parce que la lutte contre le gras, c’est quand même la base. Et, afin de couronner cette journée magique, Apple est arrivé pour nous annoncer des chiffres qui n’étaient pas forcément extraordinaires, mais qui avaient le mérite d’être nettement moins pire que ce que les experts-analystes-dieux de la finance attendaient. Comme quoi des fois, il n’y a pas besoin d’afficher des croissances à 12 chiffres comme chez Nvidia ; prouver aux analystes qu’ils sont nuls, peut parfois avoir le même effet.

Une pomme par jour garde le médecin à distance

Donc Apple a fait mieux que les attentes. En résumé, si l’on se base sur les chiffres de l’an dernier, il n’y a pas de quoi se tartiner du caviar sur tout le corps. Les ventes sont moins bonnes, ils perdent des parts de marché en Chine et les bénéfices sont moins explosifs. Mais comme tout était déjà dans les prix et qu’Apple n’a virtuellement rien foutu cette année, il n’y avait rien que l’on ne savait pas déjà. Et puis surtout, les attentes qui avaient été chiffrées par les analystes étaient quand même vachement pire que ce qu’Apple nous a annoncé hier. Sans compter que, pour faire bon poids bonne mesure et pour faire comme Google, ils ont annoncé un rachat d’actions MASSIF de 110 milliards de dollars, le plus gros de leur histoire.

Bref, pour faire simple, c’était moins pire que les attentes et 110 milliards, ça fait beaucoup d’actions à racheter sur le marché. Et quand t’as 110 milliards de dollars à l’achat dans le carnet d’ordres, tu sais déjà dans quelle direction va aller le titre. Apple se traitait en hausse de 6% after close et les futures annonçaient une hausse de 0.3% sur l’indice. Pour être honnête, c’était pas le meilleur trimestre de l’histoire d’Apple, mais vu la puissance de feu mise à disposition par la société de Cupertino, il n’y avait pas d’autre alternative que de se mettre à l’achat sur le titre. En revanche, il n’y a eu que très peu d’infos sur l’intelligence artificielle, mais le shares-buy-back a masqué la chose et on garde un peu de gras pour l’évènement dédié à l’IA prévu début juin.

Le reste et l’Asie

Ce matin les marchés asiatiques sont dubitatifs et ne font pas grand-chose. Le Japon et la Chine sont fermés, ce qui facilite un peu les choses pour ne rien faire et Hong Kong avance de 1%. On est optimiste, mais on se méfie quand même des Non-Farm Payrolls de cette après-midi. Même si tout le monde est bien conscient que ça n’est que magouilles et compagnie, puisque tout sera modifié le mois prochain. Le pétrole est à 79.22$, l’or est 2311$ et le Bitcoin va dans tous les sens et se traite à 59’000$, juste après que l’on nous ait annoncé qu’il devait D’ABORD PASSER PAR 50’000…

Puisque l’on parle du Bitcoin, COINBASE a annoncé un profit de plus d’un milliard dans le sillage d’une explosion du volume de trading, mais comme les coûts ont explosé aussi, le titre baissait de 2% after close. On notera que Block a publié des chiffres bien en-dessus des attentes et prenait 8% after close. Dans les autres nouvelles, il y a la SocGen qui a viré deux traders à Hong Kong pour avoir pris des positions non-autorisées. Un des deux traders concernés s’en prend à la direction de la banque estimant que les torts sont partagés. Visiblement, ça n’est jamais simple de gérer le risque quand il y a du pognon en jeu à la Société Générale #JeromeKerviel. Les années passent pourtant. Et puis, Gazprom vient d’annoncer sa première perte en plus de 20 ans, pointant du doigt les sanctions économiques contre la Russie comme responsable. Eh ben, finalement Bruno Le Maire a réussi à mettre un bout de l’économie russe à genoux à lui tout seul.

Les chiffres du jour

Nous sommes le premier vendredi du mois de mai, même si en regardant dehors j’ai plus l’impression que nous sommes le premier vendredi du mois d’octobre, mais toujours est-il qu’il y aura les chiffres des Non-Farm Payrolls qui sont attendus à 238’000. On devrait probablement se rater de 100 ou 200’000 emplois qui seront corrigés le mois suivant. Pour ce qui est des publications trimestrielles, nous allons entamer la pente descendante tout en maintenant la pression jusqu’aux chiffres de Nvidia qui sortiront le 22 mai.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.3% et tout semble se passer pour le mieux, le calme est de retour et la confiance revient gentiment, il n’y a plus qu’à espérer que les taux vont bien finir par baisser. On ne sait jamais, sur un miracle au mois de juillet, ça pourrait marcher.

Passez une excellente journée et un très bon week-end, on se voit lundi comme d’habitude !

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Buy not on optimism, but on arithmetic.” Benjamin Graham