Après les chiffres de l’emploi de vendredi dernier, le groupe des irréductibles analystes qui pensent que les taux ne baisseront pas en 2024, a gagné de nouveaux adhérents. On ne va pas se mentir, les fait que les chiffres officiels étaient quasiment 100'000 emplois au-dessus des attentes, était une excellente nouvelle pour l’économie (encore une). Mais en revanche, c’était nettement moins motivant pour les gars de la FED qui attendent que l’emploi ralentisse et que l’inflation retourne en direction des 2% pour baisser les taux. Et du coup, soudainement, en ce lundi matin, ceux qui sont encore convaincus de voir les taux baisser trois fois cette année, se sentent très seuls.

L’Audio du 8 avril 2024

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La MACRO est le centre du monde

La semaine va donc être à nouveau placée sous le signe de la macro-économie, puisque durant toute la semaine nous n’allons parler que de ça. Entre le CPI, le PPI, les Minutes du dernier FOMC Meeting et la réunion de la BCE ce jeudi, sans oublier les Jobless Claims, je ne vais pas vous faire un dessin ; on ne va parler que de ça et des conséquences sur une éventuelle baisse des taux – ou pas. Une chose est certaine, lorsque l’on met bout à bout les commentaires des membres de la FED de la semaine dernière, le plus « dovish » de l’équipe, ça reste encore Powell, parce que le reste est passé de trois baisses à deux. Et pour certains, on parle même de « zéro » baisse cette année, parce que cette économie, elle est vraiment trop forte.

Nous allons donc devoir composer avec tout ça et pour être franc, quand on voit la tronche du baril depuis une semaine, on se demande bien comment les gars vont pouvoir nous sortir une inflation qui « ne monte pas trop » ces dernières semaines. C’est d’ailleurs ce qui est assez magique, parce que lorsque l’on se plonge dans les attentes du marché, on se rend rapidement compte que – si l’on prend le CPI en exemple – les experts de Wall Street s’attendent à une « hausse de 0.3% » sur un mois. Mais il y a des optimistes qui estiment que le chiffre pourrait être à 0.2%. J’ADORE… Des « optimistes » qui pense que ça va monter « moins fort ». Vous voyez que nous en somme réduits à espérer que ça monte « moins que prévu. LA FED a annoncé qu’elle baisserait les taux SI l’inflation allait FERMEMENT en direction des 2% et/ou si le marché de l’emploi ralentissait brutalement. Et là on s’attend à une « hausse moins forte » comme bonne nouvelle sur le CPI et l’emploi, parlons-en…

LE NFP dans les dents

Vendredi dernier les chiffres de l’emploi sont donc sortis à plus de 300’000 alors que l’on avait anticipé une hausse de « seulement » 212’000. C’est donc la 47ème fois dans l’histoire de la finance que les experts se sont gourés de près de 100’000 emplois. Le chiffre ne va donc pas dans le sens d’une baisse des taux, puisque la FED espérait plutôt 1’000 créations d’emplois pour envisager quoi que ce soit. On en est loin. On aurait donc pu s’attendre à une déception et voir le marché s’enfoncer inexorablement en direction d’une correction, surtout qu’en plus, le chômage baissait de 3.9% à 3.8%.

Mais c’était sans compter notre FORMIDABLE capacité à ne chercher que les bonnes nouvelles pour faire monter le marché. Oui parce qu’il faut savoir qu’en ce moment, les bourses mondiales ne voient que ce qui va bien et sont totalement aveugles sur le reste. C’est un peu comme si un parachutiste saute, que son parachute ne s’ouvre pas et qu’il se fracasse sur le béton en arrivant au sol et qu’au moment de le passer à la radio à l’hôpital le radiologue est hyper-content parce que l’os de l’index de la main droite n’est pas fracturé. Les marchés financiers, c’est pareil, t’as 10 chiffres tous pourris, mais si au milieu des 10, il y en a qui est bon – PAF !!! – Bull Market for ever !!!

Eh bien vendredi CE chiffre GÉNIAL, c’était le salaire horaire moyen qui ne montait « que de 4.1% », contre 4.3% au mois de février. Il n’y a pas à dire, la nouvelle était exceptionnelle ! Sans compter qu’en plus, certains experts pensaient même que sur les 300’000 jobs créés, une grosse partie n’étaient que des jobs temporaires. Vous voyez que la nouvelle de vendredi était quand même excellente. Excellente, oui, sauf que ce matin, plus personne ne semble oser croire à une baisse des taux en juin. Ou alors en juin 2025, peut-être.

La réalité

Nous commençons donc la semaine avec une prise de conscience qui fait quand même un peu mal. Après avoir dû renoncer aux 6 ou 7 baisses du début de l’année. Après avoir dû renoncer à la baisse des taux en mars, puis en mai. On a encore dû admettre que ça ne serait que TROIS baisses et puis là, il va falloir avaler l’éventualité de « pas de baisse » à moins qu’il y ait un miracle sur le CPI de mercredi. D’ailleurs on se prépare déjà à « trouver » le miracle, puisque les Dieux de la finance nous ont déjà prévenus, il faudra surtout regarder le CORE CPI, parce que le CPI tout court, il y a l’énergie et la nourriture dedans et c’est un « peu trop volatile » en ce moment pour que ça soit très représentatif.

TU M’ÉTONNES !!! Avec un baril qui a pris 10% depuis début mars et la bouffe qui ne cesse de monter, c’est mieux de ne pas en tenir compte et puis en même temps, si on arrête de manger et qu’on fait de la marche à pied à la place de prendre la voiture, on va non seulement perdre plus de poids qu’avec l’Ozempic, mais en plus on ne sentira même plus l’inflation. Tenez, à propos d’inflation, voici la variation des prix de certains biens de consommation alimentaire sur ces 5 dernières années aux USA :

1. Cacao : +345%
2. Jus d’orange : +260%
3. Huile d’olive : +219%
4. Sucre : +120%
5. En-cas à base de fruits : +77%
6. Huile de cuisson : +54%
7. Barres de chocolat : +52%
8. Sauce aux pommes : +51%
9. Viande de bœuf : +51%
10. Mayonnaise : +50%
11. Pain : +42%
12. Œufs : +40%
13. Lait : +40%
14. Céréales : +38%
15. Beurre : +24%

L’inflation est officiellement de 3 % ou plus depuis exactement 3 ans. L’Américain moyen paie aujourd’hui près de 40 % DE PLUS pour ses courses que ce qu’il payait en 2019 et plus de 100 produits alimentaires ont connu une inflation supérieure à 50% depuis 2019. Bref, je ne suis pas certain que LA BONNE NOUVELLE AU SUJET DE L’INFLATION tombe ce mercredi.

Ce lundi matin

Mais pour le moment, tout se passe bien. Le Nikkei est en hausse de 0.77%. La Chine et Hong Kong reculent de 0.15% parce que l’on tremble à nouveau pour le marché immobilier chinois. Le pétrole rebaisse violemment, puisqu’il a perdu près de 2% sur le week-end et se traite à 85.60$ – je suis d’ailleurs pratiquement certain que l’on va entendre quelqu’un dire que la « baisse récente du pétrole » va soulager le stress inflationniste. Toujours cette intention permanente de voir le bien au milieu du chaos. L’or s’envole et ne semble plus vouloir s’arrêter. Nous sommes à 2’362$ l’once de métal jaune et ce week-end, l’économiste David Rosenberg a déclaré que l’or pouvait facilement prendre encore 30%. Bref, on va à 3’000$. Quant au Bitcoin, il est à 69’333$ et attend patiemment le halving.

Pour les nouvelles du matin, on notera que Biden est en train de se chauffer avec la Chine et leur conseille ne pas trop faire les malins dans la mer de Chine. Biden qui s’est encore une fois perdu sur un podium pendant un discours électoral, il a eu toutes les peines du monde à retrouver sa droite et sa gauche. Bon, à sa décharge ; on sait tous que c’est pas facile. Pendant ce temps. Un Boeing a encore perdu le carénage d’un de ses réacteurs et a dû se poser en catastrophe. J’en arrive à croire que ça serait plus simple de signaler quand un Boeing NE SE POSE PAS en catastrophe. Mis à part ça, on parle du prix des Tesla d’occasion qui ne cesse pas de baisser – plus personne n’en veut. Il y avait un article ce week-end qui disait qu’à ce prix-là, ça devenait difficile de ne pas en acheter une. En l’espace de quelques mois, les voitures d’occasions se sont effondrées de plus 50% – perso, dès que les Tesla se vendent à 100 balles, je prends. Et puis, pour terminer dans un article de Bloomberg qui date de ce matin, on estime qu’il est « plus que probable » que le baril retourne au-dessus des 100$. Comme prévu.

Les chiffres du jour

Nous sommes lundi matin et on commence la semaine en pente douce. Côté chiffres nous aurons la Production Industrielle en Allemagne et le Trade Balance en Allemagne aussi. Nous aurons les attentes de la FED de New York pour l’inflation et il y aura Thomas Jordan, patron de la BNS qui distillera sa science. On se réjouit.

Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.12%. Il me reste à vous souhaiter une excellente journée, un très bon début de semaine et on se retrouve demain, à la même heure et au même endroit !

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“I call it the Rule of Three. If you read a company’s financial statements three times, and you still can’t figure out how they make their money, that’s usually for a reason.” James Chanos