Je ne sais pas, mais j’ai la très nette impression que nous sommes en train de vivre la semaine la plus chiante de l’année. Excusez-moi pour l’utilisation de l’adjectif «chiant», mais dans le dictionnaire des synonymes, j’avais aussi «barbant» ou «assommant», finalement je crois que « chiant » était plus approprié. Enfin, peu importe. Ce qu’il faut retenir c’est surtout le fait que personne ne fait rien si ce n’est de brasser de l’air. Tout le monde attend vendredi comme si ça allait TOUT CHANGER (alors que l’on sait que ça ne va rien changer et qu’on passera à autre chose après) – sans compter que vendredi, c’est congé et que tout reprendra mardi. Ça n’aide pas trouver la motivation.

L’Audio du 27 mars 2024

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On s’occupe comme on peut

Alors en attendant que les choses bougent, on s’occupe comme on peut. En Europe on est complètement obsédés par la hausse et même l’annonce de déficit record de la France n’a pas fait broncher le CAC40 qui s’offrait même sa seconde clôture la plus haute de l’histoire. Bon, il est vrai qu’en ce qui concerne le déficit de la Macronie, ça n’était finalement « que » 0.6% en dessus des 4.9% attendus. Ils n’ont même pas été foutu de l’anticiper correctement et hier, nous avons eu droit à une armada de politiciens – avec Bruno Le Maire en tête de gondole – qui sont venus nous expliquer que c’était la faute de TOUS LES FRANÇAIS COLLECTIVEMENT, mais SURTOUT PAS DE LA FAUTE de l’armée de clowns à Macron.

Selon le spécialiste des romans de cul, il faut absolument que les Français trouvent des moyens d’économiser pour réduire le déficit et cela ne passe absolument pas par couper dans les dépenses ahurissantes du gouvernement ces dernières années. On ne va pas commencer à les citer, sinon on en sera encore là mardi prochain et on aura raté le week-end de Pâques et la publication du PCE. De toutes façons, peu importe l’état du pays, c’est surtout les indices qui comptent. Cela fait d’ailleurs bien longtemps que Wall Street et Main Street sont tellement déconnectés que s’ils se croisaient dans la rue, ils ne se reconnaîtraient même pas. L’Europe continuait donc de monter et une fois que tout fût terminé pour la journée sur le vieux continent, les marchés US ont pu commencer leur introspection.

Essayé pas pu

Les indices américains ont entamé la journée dans le vert avec l’optimisme chevillé au corps. Un peu comme depuis le 29 octobre 2023. On s’est concentré sur les « bonnes nouvelles » de la journée – comme les chiffres des commandes de biens durables qui étaient plus fortes que prévues, montrant encore une fois la force toute relative de l’économie. Mais il y avait aussi la première journée de cotation du SPAC de Trump après merger et qui traite sous le symbole « DJT » – les initiales de l’ancien Président. Le titre a pris 16% et « techniquement », Trump qui détient 58% de la boîte, a encaissé 6 milliards et des poussières. Bon, d’accord, c’est pas tout à fait vrai, puisqu’il y a un lock-up et qu’il ne peut rien vendre avant 6 mois. On en reparlera, mais on en parlait beaucoup hier, parce qu’il fallait bien s’occuper. Dans les « autres » bonnes nouvelles, Tesla parvenait enfin à clôturer en hausse et à passer une séance sans se faire downgrader.

La société de Musk a marqué des points en annonçant que ses clients allaient pouvoir bénéficier gratuitement pendant un mois, de leur nouveau système de conduite autonome. C’était ça, la bonne nouvelle qui faisait monter Tesla. Disons que perso, je préfère me fracturer les tibias moi-même à coup de marteau, que de monter dans une Tesla qui serait pilotée par un Terminator qui vit en Californie. Mais comme je ne suis pas un échantillon représentatif du client standard de Tesla, c’était considéré comme une bonne nouvelle. Après, on retiendra que Wedbush estime que Microsoft va monter ENCORE de 18% lors des 12 prochains mois. Ça n’a pas eu d’impact sur le titre, parce qu’à l’heure actuelle, l’investisseur moyen, il ne voit pas les 12 prochains mois et les 12 prochains jours, c’est une éternité. On va dire que la durée la plus longue de détention pour un investisseur de mars 2024, c’est « jusqu’à vendredi 14H30 », mais ça va changer vendredi à 14h31.

On notera encore qu’Apple a annoncé qu’entre le 10 et le 14 juin, se tiendra leur « journée des développeurs » et c’est à ce moment-là qu’ils vont dévoiler leur projet INTELLIGENCE ARTIFICIELLE !!! En temps normal, c’est le genre de news qui pourrait déclencher quelque chose, mais là c’est plus compliqué parce qu’il y a le PCE vendredi et que du coup, l’intelligence artificielle, on s’en fout un peu… Enfin, jusqu’à vendredi 14h31. D’ailleurs même Nvidia terminait en baisse hier soir. C’est dire si l’IA c’est pas drôle…

Le côté obscur

La journée s’est d’ailleurs plutôt bien déroulée durant toute la séance. Mais tout s’est dégonflé en fin de journée. Il semblerait que les « experts » peinent à trouver des justifications pour aller plus haut. En tous les cas, personne n’ose vraiment prendre des risques à quelques jours du PCE et à 24 heures du PIB américain. On notera que si hier les Durables Goods étaient bons, la confiance du consommateur américain est sortie nettement en dessous des attentes et nous avons eu droit à un troupeau de stratégistes bearishs qui sont sortis dans les médias. JP Morgan réitérait son objectif à 4’200 sur le S&P500, Morgan Stanley parle de 4’500 et mentionne le fait que les valorisations actuelles sont débiles, tout comme David Rosenberg qui expliquait que le marché avait perdu de vue les fondamentaux et ne montait que sur base d’avidité et d’attentes délirantes.

Alors je ne sais si c’est pour ça que les indices se sont dégonflés hier soir, mais disons que l’on sentait bien que l’envie de conserver des positions durant la nuit n’était pas vraiment à la mode. Ce matin les futures sont déjà en hausse de 0.4%, comme si on ne voulait pas prendre de risque avant d’aller se coucher, mais que l’on ne voulait surtout pas NON PLUS prendre de risque de rater le train le lendemain. Aujourd’hui nous n’aurons pas beaucoup de chiffres à nous mettre sous la dent et il faudra attendre le PIB américain de demain, histoire de voir si tout continue d’aller tellement bien aux USA. À ce propos, je suis tombé sur un rapport assez intéressant sur la dette américaine :

Actuellement, les États-Unis ont un ratio dette/PIB de 124 %, en hausse de plus de 20 % depuis 2020. Sur la base de l’endettement actuel et des espoirs de croissance du PIB, les États-Unis dépasseront le seuil des 130 % d’ici 2033. On parle même d’un ratio de 150% d’ici 2050. Entre-temps, un budget de 1’200 milliards de dollars vient d’être adopté et le plafond de la dette n’est pas plafonné jusqu’en 2025. Et si les USA dépassent le ratio de 130%, ils vont rentrer dans la liste des 52 pays (ils seront le 53ème) à avoir eu un ratio dette/PIB de plus de 130%. Il faut reconnaître que comme titre de gloire, il y a mieux, mais il faudra surtout retenir que sur les 52 pays qui ont atteint ce ratio sur les 224 dernières années, 51 de ces pays ont fait défaut. Alors oui, l’Intelligence Artificielle est une révolution, mais suffira-t-elle à renverser la tendance d’un endettement ingérable ? Rien n’est moins sûr, mais une chose est sûre en revanche, c’est qu’on en va reparler et qu’on peut réellement se demander si tout cela est bien raisonnable.

Et ce matin en Asie

Ce matin les marchés asiatiques sont partagés. Du côté de la Chine et de Hong Kong, nous sommes un peu dans le sillage de Wall Street ; pas trop envie de prendre des risques à quelques jours de ce chiffre qui devrait changer la face du monde. Shanghai recule de 0.7% et Hong-Kong est en baisse de 1.05%. Par contre, le Japon rebondit d’un peu plus de 1% avec le yen qui s’effondre est qui au plus bas depuis 1990. Les commentaires DOVISHS de la Banque du Japon ont également joué un rôle clé dans le comportement du yen, après que Naoki Tamura, membre du conseil d’administration de la BOJ, a déclaré que la banque centrale devait procéder lentement et régulièrement à la normalisation de sa politique ultra-libre. La hausse de ce matin, permet au Nikkei de se rapprocher des records de 41’000 points déjà atteints il y a quelques jours.

Pendant ce temps, le baril continue sa plus belle vie dans sa tendance haussière et se traite à un cheveu des 81$. L’or est à 2174$ et le Bitcoin s’échange à 70’500$, parfaitement positionné pour le prochain move à la hausse, bien sûr. Du côté des news du matin, on retiendra que GameStop a publié des chiffres trimestriels nettement en-dessous des attentes et le titre se faisait démonter after close. L’action se négocie à 13$ et 13 cents en baisse de 15% par rapport au prix de clôture. Comme il est loin le bon temps de GameStop qui devait aller à 1’000$, à la fin ils vendent toujours des jeux vidéo et ne se sont jamais vraiment réinventés. On notera encore que Viking Therapeutics continue de publier des données optimistes pour ses médicaments contre l’obésité, le titre bondissait encore une fois de 17%. Ils vont bien finir par se faire racheter. Et pour terminer, si vous avez décidé d’arrêter de manger du chocolat cette année, vous avez bien fait parce que le Cacao ne cesse de battre de nouveaux records et en termes de performance brute depuis le début de l’année, il fait nettement mieux que le Bitcoin.

Graphique du CACAO – Source : Tradingview.com

Chiffres du jour

Pour ce qui est des chiffres de la journée, il y aura le chômage en France et les inventaires pétroliers. Pour le reste, nous allons faire comme depuis le début de la semaine : attendre et chercher les petites news individuelles qui nous permettent de brasser encore un peu d’air et de se donner une légitimité en attendant vendredi. Et puis on se souviendra que vendredi c’est fermé, qu’on ne sera pas là et qu’on aurait eu tout intérêt à aller se poser sur une plage ensoleillée quelque part à l’autre bout de la planète en attendant de voir ce que donne le PCE et d’en assumer les conséquences mardi prochain.

Passez une excellente journée sous vos parapluies et on se retrouve demain pour boucler la semaine ! Que la force soit avec vous !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“The best time to plant a tree was 20 years ago. The second-best time is now.” – Chinese proverb.