Indubitablement, les 140 derniers jours auront été marqué par un optimisme incontrôlable. Depuis que, fin octobre dernier, Jerome Powell a laissé entendre qu’éventuellement peut-être, il se pourrait – même si c’est même pas sûr – que la FED ARRÊTE DE MONTER LES TAUX et que même, il se pourrait qu’ils envisagent de les baisser, les marchés n’ont pratiquement pas arrêté de monter. Tout cela sur le fait que les taux allaient commencer à baisser et que tout le monde sait que les bourses mondiales ADOOORENT les taux qui baissent. Cependant, depuis 140 jours on nous bombarde avec des chiffres qui ne correspondent pas vraiment au scénario vendu par Powell.

L’Audio du 18 mars 2024

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Contrôle or not contrôle, zat is ze question

Depuis la fin de l’année dernière, nous avons commencé à voir des chiffres qui démontrent que l’inflation ne baisse plus autant que c’était prévu dans le plan de marche de la FED. Depuis les premiers chiffres du CPI qui sont sortis en janvier, nous avons pu commencer à nous rendre compte que l’inflation n’était plus autant sous contrôle. Mais peu importe, les intervenants et autres vils spéculateurs que nous sommes, ont tous estimé que c’était temporaire et que ces légers rebonds n’étaient dû qu’à des facteurs momentanés et que si l’on cherchait bien en détail, les choses se passaient bien mieux que ce que les chiffres voulaient bien nous montrer.

Sauf que, à force de monter en se basant sur le fait que les choses allaient revenir à la normale et qu’un jour, la FED finirait bien par baisser les taux – nous avons battu des records d’altitude et nous nous sommes emballés. On a signé des chèques en blanc en partant du principe que Powell et ses amis allaient bien finir par baisser les taux. Si ça n’était pas en mars, ça serait en mai et si mai était hors de question, c’est juin qui prendrait la place du FOMC Meeting préféré le plus attendu de l’année. Et puis là, après les chiffres de la semaine dernière, on commence à se dire que juillet, ça serait pas mal comme mois, pour baisser les taux pour la première fois.

On repousse

Dans nos têtes et dans nos scénarios, la baisse des taux attendue est sans cesse repoussée. Nous en sommes même arrivés à nous auto-convaincre que « si la FED ne baisse les taux qu’à l’automne, ça n’est pas grave, TANT QU’ELLE les baisse »… Alors je ne sais pas si c’est grave ou pas, mais ce que je sais, c’est que depuis le premier novembre, bien des valorisations ont littéralement explosé, je ne connais pas le chiffre de la « création de capitalisation boursière » basée uniquement sur les attentes de baisse des taux. Mais lorsque l’on voit que le S&P500 a progressé de 25% sur le principe de base que « la FED elle va baisser les taux » et l’autre principe de base qui est que l’IA, c’est quand même une révolution, on peut se demander si à un certain moment, il n’y aura pas comme une déception parce que les attentes ne se confirment pas.

Cette semaine sera donc la semaine du « reality check ». On va enfin savoir si l’on peut encore s’accrocher à ce bon vieux scénario basé exclusivement sur le fait que les taux ils vont baisser et que les marchés ils vont monter, monter et monter encore. Oui, car cette semaine – c’est LA SEMAINE durant laquelle on ressort les banquiers centraux, la semaine durant laquelle on peut faire tourner la veste au bullish le plus convaincu et réanimer la conscience des bears qui ne savent même plus s’ils ont la moindre légitimité dans ce marché.

Mercredi soir, c’est ton soir

Le drame de la semaine va donc s’articuler en trois actes. Tout d’abord, en guise d’échauffement, nous aurons la Banque du Japon qui va parler demain. Ils devraient annoncer l’éventuelle possibilité d’abandonner leur politique taux zéro. Actuellement, les intervenants ne savent pas encore si c’est une bonne nouvelle parce que cela voudrait dire que l’économie japonaise repart enfin – après des années de coma – ou est-ce que c’est une mauvaise nouvelle, parce que monter les taux : c’est mal.

Et puis, dès mercredi soir nous allons pouvoir décortiquer un nouveau speech de Powell qui interviendra après le FOMC Meeting. On sait déjà que la FED ne devrait pas baisser les taux mercredi, mais on attend de voir si le discours du patron de la FED diffère de ce qu’il nous a dit il y a 2 semaines en arrière. Et surtout si les chiffres clairement inflationnistes de la semaine dernière, lui ont fait revoir sa position par rapport au fait que les taux allaient et devaient baisser en 2024. Vous l’aurez compris, les mots qui seront prononcés mercredi soir ont le pouvoir de nous faire repenser notre scénario de marché qui ne peut plus rien faire d’autre que monter. Après la FED américaine, il y aura aussi la Banque d’Angleterre et la Banque Nationale Suisse qui feront part de leurs décisions à propos des taux. On va faire comme si cela avait de l’importance pour leur faire plaisir, même si l’on sait très bien que tout le monde s’en tape et que la seule chose qui intéresse vraiment le marché, c’est la conclusion du FOMC Meeting, histoire de voir si le plan élaboré par la FED au milieu de l’automne dernier est toujours valable.

Pour être très honnête avec vous, on craint que la position de Powell ne soit plus la même – ce qui serait somme toute logique, lorsque l’on regarde les chiffres que l’on nous balance jour après jour, que le prix de l’énergie prend l’ascenseur et que les Américains financent de plus en plus l’inflation en s’endettant encore un peu plus profondément avec des taux de crédit qui prennent toujours un peu plus l’ascenseur – que ça soit sur l’immobilier ou sur les cartes de crédit. En conclusion, les premiers jours de la semaine vont être très longs en attendant mercredi soir.

L’Asie et le reste

Un peu à l’image de ce que je viens de vous dire, le Hang Seng ne fait rien et la Chine est péniblement en hausse ce matin. En revanche, le Japon s’envole de plus de 2% « en attendant » demain et tout en sachant que l’on ne sait même pas ce qu’il faut attendre. Le pétrole frise les 81$, l’or est à 2’150$ et le Bitcoin se traite à 68’500$. Nous voici dans un de ces lundis où il ne se passe rien, parce que tout le monde sait que c’est mercredi que tout va se décider, j’en suis à me demander si je ne devrais pas retourner me coucher en attendant mercredi soir.

Pour le reste, Poutine a été réélu sans forcer avec 88% des voix en sa faveur. Ce score fleuve nous apprend deux choses :

1) La notion de démocratie en Russie est toute relative
2) En Russie il y a 12% de la population qui n’a plus vraiment envie de vivre puisqu’ils osent voter contre Poutine

Mis à part la victoire totale de Poutine, il y a Macron qui continue d’annoncer qu’il n’exclut pas d’envoyer des troupes au sol, tout en disant « pas tout de suite et pas pour l’instant » dans l’interview suivante. Aux USA, Biden a commencé sa campagne en levant des plus de 150 millions de dollars en quelques jours et en déclarant que Trump était mentalement incompétent pour devenir Président. Et pour terminer, la Corée du Nord recommence à tester des missiles. Je m’attends à tout instant à que les Chinois fassent des manœuvres proches des côtes taïwanaises.

Chiffres et taux

Du côté des chiffres du jour, la production industrielle chinoise est sortie en hause de 7% – en dessus des attentes du marché et ce matin nous aurons encore le CPI en Europe ainsi que le Trade Balance. Du côté taux, Goldman Sachs vient d’annoncer « qu’ils pensaient que la Banque du Japon allait monter les taux demain ». Pour le reste, nous sommes lundi matin et j’ai rarement eu l’impression qu’il n’y avait autant rien à dire, comme si tout le monde était suspendu aux lèvres de Powell et aux visions de la FED. Mercredi soir ne m’a jamais paru aussi loin !

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.3% et pour l’instant, le marché a toujours l’air indestructible. Pourvu que ça dure. D’ici-là, passez une excellente journée, un très bon début de semaine et je vous revois demain à la même heure !

À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

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