600 milliards. Hier soir en moins de deux heures le S&P500 a effacé 600 milliards de capitalisation boursière. Pour donner un ordre d’idée, 600 milliards de market cap, c’est ce que l’on avait gagné pendant les 5 dernières séances de hausse. Hier, le marché est passé de « la FED va baisser les taux en 2024 et c’est bien quand la FED baisse les taux » à « si la FED baisse les taux, c’est que l’économie est en train de ralentir ». Et tout ça en moins de 8 secondes sans que rien ne se soit produit. Powell n’a pas parlé pour dire qu’il s’était gouré dans son discours de la semaine dernière, le CPI n’a pas été revu à la hausse. On a juste tourné la veste et le marché US a « pris les profits ».

L’Audio du 21 Décembre 2023

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Fin de partie ou début de vacances de Noël ?

On ne va pas se mentir, personne n’est surpris de ce qui s’est passé hier soir. D’ailleurs si l’on prend le temps de lire la presse de ce matin, ce qui s’est passé hier s’est fait en toute décontraction entre bons professionnels qui ont juste pris leurs profits après 7 semaines de hausse quasiment permanente. Personne n’est en train de se dire que « la machine elle est cassée », c’était une simple prise de profits sans autre conséquence. D’ailleurs les futures sont déjà en hausse de 0.3% à l’heure où je vous parle. Ben oui, ça serait dommage de rater l’opportunité d’achat que nous offre le marché après avoir corrigé de 1.47%.

Le plus impressionnant que l’on constatera ce matin, c’est la sérénité avec laquelle la baisse d’hier a été intégrée dans les esprits. Alors bien sûr, 1.47% de baisse sur le S&P500 ou 1.5% de baisse sur le Nasdaq, c’est vraiment pas si grave, surtout lorsque l’on sait que la FED va baisser les taux l’année prochaine et que le S&P500 va à 5’100 à la fin de l’année – selon la plupart de banques d’affaires de la planète. Mais nous sommes tellement habitués à la hausse que personne ne doute qu’elle va continuer encore pour des siècles et des siècles, amen. Je suis même tombé sur un article qui expliquait que l’Intelligence Artificielle allait alimenter le Bull Market pour les 10 prochaines années. Alors pourquoi s’inquiéter de ce qui s’est passé hier. Pourquoi s’inquiéter de la violence de la baisse soudaine et des volumes massifs mis en application pour cela, ce n’est qu’un intermède pour permettre à ceux qui n’était pas dedans de pouvoir racheter avant Noël.

C’est exactement cela, la baisse d’hier n’était qu’un cadeau de Noël pour les intervenants qui étaient un peu en retard. C’est en tous les cas l’impression que ça donne.

La confiance absolue

D’ailleurs si l’on doit résumer l’état d’esprit actuel des marchés, il ne faut pas oublier que nous avons pris la confiance et que nous savons exactement ce qui va se passer à l’avenir. Hier soir – avant que l’on dérape – l’indice GREED & FEAR était au plus haut et Bank of America estimait même que le sentiment BULLISH n’avait plus été aussi élevé qu’au top de 2022. Pour ceux qui aiment jouer l’effet contrariant, c’était sans doute du pain béni.

Il est cependant intéressant de noter que – depuis hier soir – les experts en finance ont commencé à intégrer d’autres faits macro-économiques dans leurs esprits. Jusqu’à maintenant, la seule réflexion qui circulait dans le marché était la suivante :

« Si les taux baissent c’est bon pour les actions »

On ne réfléchissait pas plus loin que cela. Et puis, soudainement, nous avons intégré le fait que si les taux baissent, c’est peut-être aussi parce que l’économie ralenti. Et si l’économie ralenti, on ne peut pas exclure le fait que la « RÉCESSION » n’est peut-être plus si loin que cela. Et cela même si Madame Yellen et l’ensemble des banquiers centraux pensent que c’est du délire de l’imaginer alors que nous vivons dans un monde parfait. Cependant, on laissait entendre que la FED imaginait tout de même l’éventualité de voir une récession en novembre 2024 – la probabilité étant de 51% – pendant ce temps, le marché estime qu’il y a 71% de chances de voir une baisse de 150 points de base sur les taux d’ici la fin de l’année 2024.

Bref. Quoi qu’on en dise, peu importe les projections à 12 mois que l’on veut bien faire, hier c’est en moins de deux heures que l’on a effacé 600 milliards de market cap sous prétexte que si les taux baissent, c’est que l’économie est en train de ralentir. Et on n’y pensait même pas 5 minutes avant le début de la baisse, alors les projections statistiques de la FED à 12 mois autant vous dire que ça sert surtout à remplir des chroniques boursières à trois jours de Noël.

Pour le reste

Autrement, on retiendra aussi que l’inflation est en chute libre en Angleterre, ce qui a permis au Footsie de reprendre 1% hier. Il est encore une fois phénoménal de voir la joie que procure un chiffre plus faible sur l’inflation, c’est comme si soudainement les prix à la consommation baissaient, alors qu’en fait, ils montent juste moins fort. Dans les autres évènements de la séance on notera donc que FEDEX s’est fait décalquer de près de 12% suite à ses chiffres et ses prévisions déprimantes. Google grattait quelques points après l’annonce de la restructuration de leur division publicité et after close, Micron a publié de bons chiffres. Des chiffres qui montraient qu’ils avaient une nette amélioration dans leur business À CAUSE de l’intelligence artificielle. Le titre prenait 5% after close. Après avoir perdu 5% durant la séance parce que l’économie allait sûrement ralentir, puisque les taux baissaient.

Ce matin en Asie, c’est le Japon qui est sous les projecteurs puisque le Nikkei est en baisse de 1,6 % à cause du sell-off massif sur le secteur automobile. Toyota – le plus grand constructeur automobile du Japon – a chuté de près de 4% après avoir déclaré que Daihatsu suspendrait toutes les livraisons de véhicules suite à de graves violations de la réglementation en matière de sécurité. Toyota est le plus grand perdant du Nikkei et celui qui pèse le plus lourd dans l’indice. Le scandale concerne 64 modèles, ainsi que des modèles que Daihatsu a produit pour Mazda et Subaru. Les deux marques sont en baisse de respectivement 2,7 % à 4 %, tandis que Nissan perdait 3,1 %. Toyota n’a pas (pour l’instant) pas précisé l’impact financier de cette affaire. Daihatsu représente environ 7 % des ventes globales de Toyota. Pendant ce temps, la Chine et Hong Kong ne font rien.

Les nouvelles neuves

Du côté des matières premières, le pétrole est à 74.16$ et l’on digère les inventaires d’hier soir. On notera que les exportations américaines de pétrole ont atteint un nouveau record. L’essor de la production ayant contribué à éroder la domination de l’OPEP sur les marchés mondiaux du brut. Les exportations au cours du premier semestre 2023 étaient proches de 4 millions de barils par jour. Le chiffre est en hausse de 19 % par rapport à l’année précédente et c’est le plus élevé pour le premier semestre depuis 2015. Pendant ce temps, l’or est à 2048$ et le Bitcoin frôle les 44’000$ alors que l’on parle tant et plus de l’arrivée d’un ETF ou plutôt de plusieurs ETF’s sur le Bitcoin lors du premier semestre 2024.

Pour ce qui est des annonces des stratèges à l’aube de Noël, parce qu’il faut bien meubler en attendant les vacances, on retiendra que le stratège de JP Morgan pense que le cash sera bien plus intéressant que les actions l’année prochaine, parce que la FED ne va pas baisser les taux aussi vite qu’on le pense. D’ailleurs, pour corroborer la chose, il y a un membre de la FED, Le président de la Fed de Chicago, Austan Goolsbee, qui a répété mardi soir que les 2% d’inflation serait un facteur décisif pour baisser les taux. Reste encore à y aller. Aux 2%. Et puis alors, dans la précision et dans l’organisation de notre année de trading en 2024, nous avons eu droit à un cours magistral de la part de Marko Papic, le stratégiste de Clocktower (oui, moi non plus je ne le connaissais pas). Monsieur Papic pense que le marché va plonger de 20% en voyant la récession arriver – et cela AVANT l’été – puis ensuite, la baisse des taux va redynamiser tout ça et on finira l’année 2024 au plus haut de tous les temps. Voilà, si vous ne saviez pas quoi faire en 2024, maintenant vous savez : short en attendant 20% de baisse et ensuite, on vend la PS5 des enfants et on bourre la caisse jusqu’à Noël, elle est pas belle la stratégie ???

Les chiffres

Côté chiffres économiques, aujourd’hui nous aurons le PIB américain ainsi que les Jobless Claims et puis demain, ça sera PCE pour fêter la fin de l’année. On retiendra aussi que la confiance du consommateur qui a été publiée hier aux USA, montre que le consommateur en question est au top de sa forme et que visiblement, il n’en a rien à foutre d’être endetté jusqu’au cou. C’est peut-être les banques qui devraient commencer à s’inquiéter…

Pour le moment, les futures continuent de monter gentiment – histoire de profiter du rebond après le KRACH BOURSIER d’hier soir. Et en ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter une excellente journée et on se retrouve demain pour la dernière chronique de l’année.

Très belle journée et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

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