Alors que l’Europe termine sa journée en fanfare, comme si plus rien ne pouvait lui arriver et comme si la problématique des taux américains impactait directement l’Europe AVANT les États-Unis, les bourses du Vieux Continent continuaient de surfer sur la vague du premier novembre – il aura fallu attendre l’arrivée de Jerome Powell au FMI pour que le ciel se couvre et que l’on se demande si c’était le MÊME Jerome Powell qui avait parlé lors du meeting de la FED et lors de la conférence d’hier. Le ton n’était pas le même et s’il y a dix jours on avait commencé à amorcer la transition de Hawkish à Dovish, hier soir on nous a retiré le tapis de sous les pieds.

L’Audio 10 novembre 2023

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Le retour des interrogations

Hier j’avais tendance à me plaindre qu’il ne se passait pas grand-chose et que le marché était profondément ennuyant, ce matin ça n’est pas tout à fait la même salade. La volatilité n’est pas encore remontée là où elle était en octobre, nous ne sommes pas encore retournés en zone « d’extrême peur » et on n’a pas encore remis en question le Christmas Rally, néanmoins la clôture américaine a tout de même jeté le doute sur la suite des évènements.

Il y avait donc un AVANT Jerome Powell et un AVANT l’auction des bons du trésor à 30 ans et un APRÈS Jerome Powell et un APRÈS l’auction des bons du trésor à 30 ans. Tout d’abord, en début de journée et en Europe, nous avons passé la matinée à se repasser la vidéo du discours de Powell qui a été fait JUSTE après le FOMC Meeting du 1er novembre. On se l’est repassée et on s’est convaincu au plus profond de nous-même que tout se passait bien et qu’à priori il fallait retenir deux choses :

– La hausse des taux est probablement terminée aux USA
– Jerome Powell est en train de se faire greffer des plumes blanches afin de pouvoir passer dans le camp des DOVISH’s

Dans la foulée, nous avons eu de très bons chiffres de Schneider Électrique qui participait à la hausse du CAC40 et on avait réellement l’impression que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu’un nouveau bull market était en train de naître devant nos yeux. Même le fait que le S&P500 était en hausse constante depuis 8 jours ne semblait pas pouvoir remettre en cause la bullish attitude qui était la nôtre durant la plupart de la séance européenne. Les deux indices qui font l’Europe ont terminé au plus haut de la journée et juste en-dessous de la moyenne mobile des 200 jours. Est-ce que c’était un signe pour la suite ? Allez savoir.

Plus Hawkish qu’un hawkish

La seconde partie de la journée s’est donc déroulée de l’autre côté de l’Atlantique et c’était Jerome Powell qui tenait la destinée du marché dans ses mains. Enfin, pas complètement. Il y avait bien Jerome Powell qui parlait sur le podium du FMI, mais il y avait aussi l’auction des bons du trésor à 30 ans et ça n’est pas simple de savoir qui est responsable de quoi. Mais disons que la conjonction des deux aura mis fin à la série gagnante du S&P500, du Nasdaq et des indices américains. Elle aura aussi mis le doute dans nos esprits en ce qui concerne le fait que les taux ne monteront plus et sur le fait que les étrangers ont encore envie d’acheter des obligations d’état américaines.

Mais parlons tout d’abord du patron de la FED. Lors de son discours d’hier – en dehors du fait que ce discours restera dans les annales parce qu’il a été interrompu par des activistes pour le climat et que le monde entier aura entendu Jerome Powell dire : « just close the fucking door », alors que la sécurité virait cette bande d’abrutis – on aura surtout retenu le fait que Jerome Powell a soudainement paru bien plus HAWKISH qu’il ne l’était le premier novembre. Restera à voir si les mots d’hier vont faire tourner la veste aux investisseurs, mais toujours est-il que l’on avait clairement l’impression qu’il y avait un truc qui avait changé dans son attitude. Pas la même cravate, pas la même décontraction, pas de rameau d’olivier dans le bec pour faire la paix avec les taux.

Les mots et l’interprétation que l’on en fait

  • M. Powell s’est montré beaucoup plus HAWKISH que lors de la conférence de presse de la FED d’il y a 10 jours.
  • Il a laissé entendre que de nouvelles hausses des taux d’intérêt n’étaient pas à exclure.
  • Il a également indiqué que la Fed n’était pas encore convaincue d’avoir atteint un niveau de politique monétaire suffisamment restrictif pour ramener l’inflation à son niveau cible. Et en français, ça veut dire que ça n’est pas impossible que l’on voit ENCORE des hausses de taux.
  • Heureusement, il a temporisé à la fin en réitérant que la Fed continuerait à « avancer prudemment » et n’a pas non plus annoncé une hausse de 0.75% en décembre.

Toujours est-il que ceux qui avaient anticipé que Powell était sur le point de pivoter en ont été pour leurs frais. Dans le sillage de Powell, il y a aussi eu deux autres membres de la FED qui ont parlé et qui n’ont pas été moins hawkish que le patron. Autant dire que le marché n’a pas trop aimé. La série de hausses consécutives s’est donc achevée dans la foulée.

Pas que Powell

On notera aussi qu’hier il s’est passé un évènement assez inhabituel – il y a eu l’auction du des bons du Trésor à 30 ans et ça ne s’est pas bien passé. Alors moi ça fait 18 ans que j’écris des chroniques et je ne crois pas me tromper en disant que c’est la première fois que j’en parle. C’est la première fois parce que d’habitude, tout le monde s’en fout. Enfin, sauf ceux qui font du 30 ans. Toujours est-il qu’hier ça s’est mal passé et il semblerait que le gouvernement ait eu toutes les peines du monde à placer son papier et que les étrangers sont un peu moins friands de ces trucs que d’habitude. Il faut dire que quand on voit ce qu’ils font de la dette du pays, on peut douter.

Toujours est-il que ça s’est mal passé et que les rendements ont donc repris l’ascenseur et comme actuellement nous sommes corrélés en direct avec les rendements en mode « vase communicants », dès que ça a commencé les actions sont parties à la baisse – ça plus le discours de Powell qui ferme cette putain de porte et la journée était pliée. Néanmoins, certains se demandent si l’échec de l’auction est un one-time-event, ou si c’est plutôt que les gros investisseurs étrangers, type Chine ou Japon sont en train de perdre l’envie. La réponse n’est pas connue pour le moment, mais comme hier la ICBC Bank en Chine s’est faite hacker et qu’ils n’ont pas pu participer à l’auction à cause de ça, il y a peut-être un lien de cause à effet… Mais la prochaine auction sera intéressante à observer. Je ne pensais pas dire ça un jour, comme quoi tout arrive.

En Asie

Ce matin la plupart des marchés asiatiques sont en baisse. Tokyo recule de 0.34%, Hong Kong abandonne 1.48% et la Chine baisse de 0.45%. Les messages subliminaux hawkishs sur les taux américains, ainsi que les faibles bénéfices des grands noms de l’industrie, comme Softbank ont pesé sur les valeurs technologiques au sens large. Le fait que les « craintes des hausses des taux » refont surface du côté de la FED n’a pas aidé les marchés de l’autre bout du monde à trouver ses marques ce matin. Le sentiment à l’égard de l’Asie reste cependant très mitigé, tout particulièrement après une série de chiffres économiques décevants du côté de la Chine. Chiffres qui ont démontrent que la plus grande économie de la région lutte toujours pour retrouver un semblant de croissance post-covid.

Du côté pétrole on est à 80.40$ et personne n’est encore venu dire que le baril va à 12 dollars, on a donc pas encore eu officiellement un signal d’achat. Le ministre de l’Énergie saoudien a plus ou moins laissé entendre qu’ils n’étaient pas près de rouvrir les robinets et qu’il ne fallait pas se méprendre, la demande restait forte. Néanmoins, si le brut continue de baisser, pas sûr que Saoudiens et les Russes ne nous remettent pas une petite couche de fermage de robinet pour les fêtes de Noël. L’or est à 1962$, le Bitcoin est à 36’600$ et on entend à nouveau parler de Michael Saylor – le patron de Microstrategy – qui vient à nouveau faire le malin sur les plateaux télé, puisque son action est en hausse de 250% depuis le début de l’année. Forcément, quand ta boîte est indexée au bitcoin, tu rigoles de nouveau.

Les nouvelles neuves

Dans les nouvelles du jour, on commencera par la plus belle de toutes. Nouriel Roubini – ou plutôt la société d’asset management de Nouriel Roubini vient d’annoncer qu’ils lançaient un token maison indexé à un de leur portefeuilles. Roubini c’est quand même le gars qui avait hurlé contre les cryptos en déclarant que c’était la plus grosse association de malfaiteurs de la planète. Et là, le gars il se pointe pour lancer son propre token. HEUREUSEMENT que le ridicule ne tue pas, sinon ce matin j’aurais dû me farcir l’éloge funèbre de Roubini. Dans les autres nouvelles, on retiendra que Plug Power s’est pris 25% dans les dents au hors bourse, il semblerait qu’ils n’auraient plus suffisamment de cash pour maintenir leurs opérations de l’an prochain. L’hydrogène ne semble pas tout à fait être « the place to be » en ce moment.

Il y a aussi un nouveau BEAR sur Tesla qui vient d’arriver en ville sous le visage d’HSBC. L’analyste qui a pris la couverture de la société de Musk a fixé un target à 135$, soit une baisse potentielle de 35%. Dans la foulée, le gars estime que Tesla est clairement surévaluée et que ça ne sent pas bon. Il y a aussi SMIC – le premier fabricant de semiconducteur chinois qui a annoncé une baisse de 80% de ses bénéfices, histoire de démontrer encore une fois que la Chine va VRAIMENT bien. Il y aussi The Trade Desk qui a perdu 30% hier soir après que la société de publicité ait déçu les analystes. On voit que les sanctions sont encore terribles et ce, même si la FED ne monte plus les taux. Il faudra aussi retenir que les Jobless Claims sont sortis en-dessous des attentes – ce qui signifie que moins de personnes sont en demande d’allocations chômage. Ce qui signifie également que le marché de l’emploi n’est pas encore si faible qu’on voulait bien le croire après les NFP’s de la semaine dernière.

Côté chiffres

Du côté des chiffres du jour, ça sera très calme puisque c’est le jour des Vétérans aux USA et que pas mal de monde va être en congé – bien que les marchés seront ouverts. Il y aura néanmoins les chiffres de la confiance du consommateur version Université du Michigan et Madame Lagarde qui parlera. Pour le moment les futures sont en légère hausse et l’impact post-Powell semble relativement limité même si l’Europe devrait tout de même ouvrir en baisse.

En ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter une très belle journée et un excellent week-end ! Comme d’habitude, on se revoit lundi pour parler inflation – oui parce que la semaine prochaine, on publie le CPI !!!

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“You can’t blame gravity for falling in love.” —Albert Einstein”