Après l’énorme rallye de mardi, la journée de mercredi aura été placée sous le signe de la digestion. Même si le PPI a confirmé le fait que l’inflation était sous contrôle et que plus rien ne mettait en doute la baisse des taux de juin 2024, les indices ne sont que très légèrement montés alors que l’on prenait le temps de gérer tout ce qui nous tombait dessus durant la séance. Les chiffres de Target, l’état de la consommation, les messages négatifs de grosses banques qui persistent à peindre le diable sur la muraille. Mais rien n’y fait. Après une longue période d’incertitude, le marché donne l’impression d’avoir tout compris, tout anticipé et de ne plus avoir peur de rien.

L’Audio du 16 novembre 2023

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Le retour du « greed »

Comme disait Gordon : « GREED IS GOOD!!!”. Les bourses mondiales sont au top de leur jeu et plus personne n’ose mentionner le fait que le recul de l’inflation n’est que temporaire. Tout le monde est en train de célébrer le fait que le pétrole nous a sauvé les fesses et on ne pense même pas que l’or noir puisse remonter un jour. Tout semble réglé dans l’esprit des investisseurs et plus personne n’a peur d’utiliser le mot « Soft Landing ». Si l’on avait encore un doute sur le fait que l’inflation pouvait poser problème, le PPI qui est sorti nettement en-dessous des attentes hier, aura mis tout le monde d’accord.

Les prix à la production ont reculé de 0,5% durant le mois des krachs. C’est la plus grosse baisse du PPI depuis trois ans et demi. Sur l’année, les prix à la production montent encore de 1,3%, mais comme on attendait 1,9%, forcément, ça faisait la différence. Si l’on prend « l’autre indice » qui fait fi de l’alimentation et énergie – les trucs dont on n’a pas vraiment besoin – les prix à la production se tassent à 2,4%, là où les stars de la finance attendaient 2,7%. On ne va donc pas revenir sur le fait qu’encore une fois, nous nous sommes largement vautrés sur les prévisions économiques, cela ne ferait pas de sens et ça serait simplement pour dire du mal. Mais ce qu’il faut retenir c’est qu’à la publication, les intervenants se sont donc empressés de noter dans leurs agendas qu’en juin 2024, la FED n’aura PAS D’AUTRES CHOIX que de baisser les taux.

On peut s’occuper du reste

Si l’on prend juste le temps de la réflexion durant 15 secondes, on notera tout de même que le discours tenu par « l’ensemble du marché » à l’heure actuelle – est tout de même diamétralement opposé à ceux tenus par les membres de la FED AVANT la publication du CPI et du PPI. On se réjouit donc d’entendre ce que diront Powell et ses amis lors de leurs prochaines interventions. En tous les cas, il y a tout de même un des perma-bears de ces derniers mois qui – le stratégiste de JP Morgan – qui a saisi l’occasion de venir nous dire que ce marché était complètement débile et qu’à ce niveau-là, il n’y a aucun intérêt à acheter des actions. On retiendra aussi que le stratégiste en question est parfaitement aligné avec les prédictions apocalyptiques faites par Jamie Dimon – son patron – ces dernières semaines.

Mais passons sur le sujet de l’inflation qui dorénavant est à nouveau transitoire, sous contrôle et qui mènera inévitablement à la baisse des taux en juin 2024 et prenons le temps de revenir sur les premiers chiffres des retailers et des ventes de détail. Il est intéressant de voir que le marché a tout de même bien tendance à voir les verres à moitié pleins. Dans les chiffres publiés hier – que ça soit sur les chiffres trimestriels de Target ou que ce soit sur les ventes de détail elles-mêmes – on peut se rendre compte que la consommation est toujours bien présente, mais il semblerait tout de même que les ventes « ralentissent » – si l’on tient compte de la communication de Target – et que les dépenses continuent d’être soutenues par une augmentation massive de l’endettement via carte de crédit (avec des taux à 21%).

Mais tout va bien, que l’on ne s’inquiète pas

Alors vous me direz que ça n’est « pas si grave » de s’endetter massivement sur sa carte de crédit. Après tout, le gouvernement américain fait pareil avec la sienne. Gouvernement américain qui semble d’ailleurs être aussi bien noté – en termes de dette – que certains pays émergents comme le Vietnam. Mais là n’est pas le problème. Le problème se situe plus dans le fait que le taux de « non-remboursement des cartes de crédit » et « le nombre de factures qui sont en retard de paiement » sont en train de prendre l’ascenseur à la vitesse de la lumière. Mais visiblement, on s’en contrefout parce qu’en juin, la FED elle va baisser les taux et que les taux des cartes de crédit vont probablement passer de 21% à 20.5% et ça, ça va TOUT CHANGER ! Comme l’endettement du pays qui va immédiatement…. Ah non, lui il va continuer d’augmenter de 1’500 milliards par mois, mais c’est normal.

Donc hier, le titre vedette de la séance, c’était Target qui prenait 17% – PAS parce que leurs ventes étaient en baisse et en dessous des attentes des analystes – NON ! – mais plutôt parce que le management a su toucher le cœur des investisseurs en leur expliquant que leurs perspectives étaient bonnes et que ça ira mieux demain. Un peu comme l’inflation qui va chuter à 1.9% et un peu comme les taux qui vont baisser en juin. Un coup sûr. Le second titre de vedette de la séance, c’était Alstom qui se prenait 15% dans les dents alors que tout va mal et qu’ils sont en train de réfléchir à une augmentation de capital. En revanche, on notera tout de même que l’engouement est toujours absolument phénoménal sur les semiconducteurs. Je ne sais pas exactement le pari que l’on prend soudainement sur le secteur, mais à voir la vitesse à laquelle ça monte sur les bonnes nouvelles (comme sur les mauvaises, d’ailleurs), je commence à croire qu’ils vont trouver un remède contre le cancer d’ici le mois de juin 2024. Hier Infineon a pris 9% sur des « bons chiffres », sans plus.

Optimisme exacerbé

On ne va donc pas se mentir, le marché est complètement bullish et surexcité de la hausse. Hier soir nous avons eu des chiffres en demi-teinte de la part de PaloAlto et de Cisco. Les deux se sont montrés prudents pour l’avenir, Cisco a massivement coupé ses prévisions futures et PaloAlto – bien que la consommation de leurs produits de cybersécurité explose quand même – constatent que les clients demandent de plus en plus d’arrangements de paiements, à cause de l’argent. Cisco était en baisse de 10% after close et PaloAlto, de 6%. Mais ce n’est pas grave, parce que les médias financiers se sont empressés d’expliquer que ça n’était pas un signe qui allait faire qu’il y aurait des prises de profits sur la tech.

Nous nous baignons dans un optimisme absolument impressionnant, alors que le 31 octobre, la tentation de s’ouvrir les veines à coups de couteaux à beurre était palpable. Les craintes vis-à-vis de l’inflation ne sont plus qu’un mauvais souvenir, le pétrole est dorénavant notre meilleur ami, puisque la baisse récente du prix des hydrocarbures est tout de même LE RESPONSABLE de ces bons chiffres liés à l’inflation et la crainte d’un embrasement du Moyen Orient fait plus partie d’un scénario de science-fiction que d’une probabilité qui pourrait foutre les jetons à Wall Street. Non, le marché est solide, l’économie est solide, Biden est un leader indiscutable qui a l’œil vif et la parole fringante et la question n’est plus de savoir si nous allons aller à 5’000 sur le S&P500, mais plutôt quand !!! Personnellement, vu l’engouement actuel sur NVIDIA, lorsqu’elle va prendre 143% lors de la publication de ses chiffres « meilleurs » que les attentes le 21 novembre, la chose devrait être réglée.

En Asie

Ce matin les bourses asiatiques étaient en baisse – le Nikkei recule de 0.56%, le Hang Seng abandonne 1.65% et la Chine est en baisse de 0.64%. Les données sur les ventes au détail aux États-Unis ont poussé les rendements du Trésor à la hausse et ça, ça faisait douter les bourses de la région, tandis que les actions chinoises se faisait taper sur la tête parce que l’immobilier local s’enfonce toujours un peu plus dans une crise qui semble insoluble. Pendant ce temps, Xi Jinping et Biden sont en train de jouer à frotti-frotta à San Francisco. La rencontre aura donné lieu à pas grand-chose si ce n’est que les deux leaders maximo ont tenté de trouver des solutions pour que leurs désaccords ne se transforment pas en troisième guerre mondiale. Dans le but d’assouplir les relations entre les USA et la Chine, le Président Américain a tout de même tenu une conférence de presse dans laquelle il a traité Xi Jinping de dictateur.

On peut se demander si le Monsieur n’est pas complètement con ou juste complètement sénile. Lorsque l’on voit les images d’hier, on peut clairement se rendre compte que le gars est totalement liquide et qu’il serait bon que l’on trouve une bonne raison pour le mettre en gériatrie avant que ça finisse mal. Mais peu importe la géopolitique, tout le reste va bien. L’Américain s’endette toujours plus loin, l’Amérique a perdu toute notion du concept d’une dette qui part en vrille, mais tant que l’inflation est sous contrôle, il n’y a pas de raison de se poser de question – sans compter que Nvidia, c’est quand même génial comme boîte et ils font EN PLUS de l’intelligence artificielle. Actuellement, notre ami le pétrole qui nous arrange bien et nous fait des « sales de Black Friday à 1.85 le litre » est à 76$, l’or se traite à 1964$ et le Bitcoin s’échange 37’500$.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, les politiciens américains n’auront même pas attendu vendredi soir à minuit pour trouver un accord sur le budget, c’est chose faite. Il est absolument hallucinant de voir comment c’était compliqué il y a six semaines et là – pouf – en trois jours ils ont plié le truc et tout le monde s’aime comme au premier jour – God Bless America et merci à Harry Potter d’avoir donné un coup de main pour régler le problème du budget. Reste à espérer que ça sera pareil pour le plafond de la dette en janvier 2025 quand les Américains auront élu une chèvre à la Maison Blanche. Du côté de l’inflation et des visions de la FED – comme je vous le disais plus tôt ; Mary Daly, présidente de la FED de San Francisco a déclaré que les récentes données économiques montrant une nouvelle décélération de l’inflation étaient « très, très encourageantes » et indiquaient que les politiques de la Fed s’avéraient efficaces. MAIS, parce qu’il y a toujours un MAIS : Madame Daly a refusé d’exclure une nouvelle hausse des taux d’intérêt… Bon, nous on s’en fout parce qu’on SAIT QUE LA FED BAISSERA LES TAUX en juin. Comme on SAVAIT que Powell allait pivoter et devenir DOVISH en août 2022.

Autrement, on notera que Jim Cramer de CNBC est HYPER-BULLISH pour la suite des évènements. Cramer est le mec le plus faux de ces 8 dernières années. On peut prendre ça comme un signal de vente. Et puis il y a aussi des rumeurs qui commencent à circuler comme quoi Musk voudrait mettre Starlink en bourse dès 2024. Alors je ne sais pas combien sera valorisée son IPO ; mais Starlink est une merde sans nom. Ça fait bientôt 18 mois que je l’utilise et mis à part faire des grillades sur la parabole et espérer dans mesrêves les plus fous – pouvoir parler à quelqu’un du Help Desk – ce truc ne m’aura offert qu’instabilité et déception. En plus, à chaque guerre Musk redirige ses satellites pour donner un coup de main aux insurgés, c’est une daube instable innommable avec un service après-vente inexistant. Après, je comprends que Musk veuille se refaire avec ce qu’il a perdu sur Twitter.

Chiffres du jour

En ce qui concerne les chiffres du jour, nous aurons le Philly Fed, les Jobless Claims et la production industrielle. Il y aura aussi pas mal de collègues de Madame Daly qui vont parler et on se réjouit de les entendre confirmer que la première baisse des taux aura lieu en juin 2024. Du côté des sociétés, il y aura les chiffres d’Alibaba, Walmart, Macy’s, Applied Materials et GAP.

Pour l’instant, les futures sont toujours en baisse de 0.2%, mais ça ne devrait pas durer étant donné que le marché est officiellement en bull market et qu’il n’a plus le droit de baisser. En ce qui me concerne, je vais me repasser en boucle les vidéos de Biden qui insulte Xi-Jinping et celles de Macron qui fait des bisous dans le cou de Berset. Passez une excellente journée et on se retrouve demain pour boucler la semaine et justifier une nouvelle séance de hausse à cause de l’inflation qui est en train de se faire péter les genoux à coups de batte de baseball grâce à nos merveilleux banquiers centraux au travers du monde qui ne se trompent jamais.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Life is not measured by the number of breaths we take, but by the moments that take our breath away.” —Maya Angelou