Les stratégistes et les analystes proposent majoritairement d’investir en Inde plutôt qu’en Chine. La Chine devient une place risquée pour les investisseurs ; on parle de «découplage» des économies chinoise et américaines, mais les US préfèrent parler de de-risking (diversification des risques). Ne soyons pas dupes, un sondage montre que 75% des entreprises européennes découplent leurs systèmes informatiques de la Chine. Selon Global Trade Alert, les mesures protectionnistes dans le monde sont passées de 9000 à près de 35 000 en dix ans.

En monnaies locales et en dollars, la bourse indienne (SENSEX) surperforme la bourse chinoise (CSI 300). Depuis 2021, la Chine a fortement sous-performé en raison de la fermeture totale de l’économie et de la vie sociale chinoise à cause du Covid. En décembre 2022, les investisseurs ont trouvé des arguments pour revenir sur les actions chinoises avec la réouverture du pays après 3 années de confinement Covid, mais les problèmes structurels continuent de tirer la bourse vers le bas. Les tensions sino-américaines se sont accrues, les consommateurs chinois restent prudents, la crise immobilière perdure et le Parti communiste ne fait plus de l’économie sa priorité. Le Sensex se trouve sur ses plus hauts historiques.

2023.08.18.Chine vs Inde

La Chine a plusieurs problèmes: régime autoritaire, une très mauvaise gestion du président Xi dans tous les domaines (Covid, immobilier, relance économique), l’économie n’est plus la priorité face à la nouvelle géopolitique, retour des principes du communisme, contrôle total du Parti communiste sur les Big Tech chinoises, pression sur l’innovation et les milliardaires, difficultés pour les entreprises chinoises à trouver des financements étrangers (limitation des cotations aux US des sociétés chinoises), tensions sino-américaine (semiconducteurs, Taiwan), restrictions du gouvernement américain sur les investissements américains faits dans des industries chinoises critiques (quantique, IA, puces électroniques avancées), les étrangers n’investissent plus en Chine dans des industries sensibles, surveillance chinoise sur les entreprises étrangères travaillant en Chine pour des raisons de sécurité nationale (loi «anti-espionnage»), faiblesse économique, crise immobilière, déflation, manque de visibilité sur les sociétés chinoises cotées sur la bourse américaine, etc …

Les Etats-Unis ont annoncé la semaine dernière l’interdiction prochaine d’investissements américains en Chine dans certaines industries sensibles pour leur sécurité nationale. Ils veulent s’assurer que la China n’envahisse pas Taiwan grâce à la technologie américaine. Cela affectera des participations américaines dans des sociétés chinoises (acquisitions, fusions, private equity, venture capital), dans des joint-ventures, des filiales établies en Chine et dans des transactions de financement. Les secteurs critiques sont les semiconducteurs avancés, l’informatique quantique et l’Intelligence artificielle. Le gouvernement US veut également interdire les investissements dans certaines sociétés cotées et ETF. Ce décret exécutif est attendu début 2024. Les Européens, UK compris, et le Japon hésitent à suivre les Etats-Unis immédiatement. Compte tenu de ses relations économiques avec la Chine, le Japon aimerait adopter une approche plus constructive.

Les mauvaises performances économiques chinoises avec une entrée en déflation le mois dernier, une crise immobilière toujours présente (des promoteurs sont encore sous pression comme Country Garden), un fort taux de chômage chez les jeunes et une consommation domestique mitigée inquiètent les investisseurs. L’endettement public élevé et l’intérêt croissant porté à la géopolitique, plus particulièrement à l’invasion annoncée de Taiwan, compliquent l’arrivée d’un grand plan de relance économique. Les faucons américains croient que la Chine envahira Taïwan en 2024.

L’Inde a une position ambigüe. Elle n’a pas dénoncé l’invasion russe, mais elle a besoin des Etats-Unis, en particulier dans la technologie et l’armement. L’Inde est intégrée dans une alliance militaire Quad avec les Etats-Unis, le Japon et l’Australie pour contrer l’influence militaire chinoise dans la région du Pacifique. En juin 2023, les Etats-Unis et l’Inde ont convenu d’une feuille de route sur un coopération militaire pour réduire la dépendance indienne à l’armement russe.  L’Inde et la Chine se disputent (militairement) depuis 2006 3’500 kilomètres de frontière dans l’Himalaya. Après une longue période d’hésitation et de réticence, l’Inde resserre les liens avec quelques pays d’Asie du Sud-Est, en collaborant par exemple plus étroitement avec l’armée vietnamienne. Sa posture diplomatique est délicate avec sa dépendance croissante au pétrole russe.

Pour les Occidentaux, l’Inde pourrait être une alternative à la Chine en termes d’investissements et de production. La croissance économique est supérieure (le FMI a révisé en juin sa prévision de croissance du PIB à 6.1% pour 2023) à celle de la Chine, les prêts accélèrent, la qualité des banques indiennes est meilleure que celle des banques chinoises, la démographie est favorable, les investissements étrangers directs augmentent, les ménages indiens sont en train de mettre une partie de leur épargne dans les actions domestiques. Les entreprises étrangères adoptent la stratégie China Plus One, c’est-à-dire la diversification des sites de production et des chaînes d’approvisionnement hors de Chine et l’Inde semble un des meilleurs candidats, comme pour le Vietnam et la Thaïlande. Mais tout n’est pas aussi facile : en juillet, Foxconn, un important fournisseur de technologie pour Apple, annonçait l’arrêt des discussions avec un partenaire indien, Vedanta, sur un projet de $19.4 milliards pour la construction d’une usine de semiconducteurs ; un échec pour le gouvernement Modi qui veut faire de l’Inde une superpuissance de la technologie. Les raisons de cet échec n’ont pas été évoquées. Remplacer Taïwan, face au risque chinois, ne sera pas aisé. Remplacer la Chine n’est pas facile non plus, car l’écosystème industriel et technologique en Inde, ainsi que sa logistique (ports d’exportation) ne sont pas à la hauteur, de loin, de ceux de la Chine.

Les analystes recommandent les secteurs bancaires, de la consommation (68% de la population indienne est en âge de travailler entre 15 et 64 ans), industriel (une alternative à la Chine) et de la santé. Pour les investisseurs américains, et occidentaux en général, il va être de plus en plus difficile d’acheter certaines actions chinoises. La Chine offre une croissance économique faible et la crise immobilière n’est pas terminée. La perspective d’une invasion chinoise à Taïwan est un risque majeur pour les investisseurs occidentaux. L’Inde cherche à étendre son influence en Asie du Sud-Est pour contrer la Chine. Le momentum indien est donc favorable.