Les nouvelles macro-économiques sont clairement le centre du monde. Le centre du monde merveilleux de la finance. Parce qu’il faut reconnaître que mis à part ceux qui s’intéressent un minimum à la performance du Nasdaq et de ses frères, le reste de la planète n’en a strictement rien à foutre. Mais c’est pas grave, nous, nous sommes totalement concentrés et toxico-dépendants de notre batterie de chiffres économiques qui sont et qui seront notre raison de vivre cette semaine. Hier on a commencé avec la première salve de ces chiffres et c’était vraiment trop BON…tellement c’était mauvais. Ah oui, parce que j’ai oublié de vous dire, à l’heure actuelle, nous cherchons les mauvais chiffres…

L’Audio du 30 août 2023

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Le bon, la brute et le truand

Nous cherchons les mauvais chiffres parce que si l’économie va mal, la FED ne montera plus les taux et c’est (pour l’instant) la seule chose qui nous intéresse. Si hier matin vous aviez demandé aux « experts » ce qu’ils pensaient de la situation des taux – 90% vous auraient répondu que les taux ne monteront plus et que la pause va se prolonger. Mais avec les chiffres d’hier, 90% des experts sont toujours convaincus de la même chose, MAIS PLUS !!! Avant ils étaient convaincus couci-couça, mais là ils sont convaincus en mode « coup sûr ». Et puis il faut aussi dire qu’après le discours de Jackson Hole, les « stars de la finance » s’attendaient quand même à une hausse des taux en novembre – mais avec les JOLTS d’hier, ça n’est plus d’actualité. Alors il est évident que tout peut ENCORE changer avec les chiffres d’aujourd’hui, mais hier soir on s’en fichait, on était en mode « rallye de soulagement » après un mois tout pourri.

Donc les chiffres des JOLTS sont sortis et le nombre d’emplois disponibles est plus faible qu’attendu. Il y a quand même 1.5 offre d’emploi par chômeur, mais c’était plus faible que les attentes. Signe comme quoi l’économie rigole un peu moins et que l’emploi s’affaibli et donc ils ne vont plus monter les taux. Je suis tout à fait conscient que ma logique de réflexion frise le raccourci bon marché mais c’est pas moi qui ai commencé. Il ne faut pas tirer sur le messager, je ne fais que résumer ce que pense le marché. Sur les JOLTS on s’est donc dit que comme c’était moins bien, ça voulait dire que le plan de la FED fonctionne et que tout est train de ralentir gentiment – et c’est bien – surtout pour l’inflation qui va se prendre une bonne petite claque derrière les oreilles.

Confiance en berne

Après il y a aussi eu les chiffres de la confiance du consommateur qui est en train de fondre comme neige au soleil. Je précise que le soleil dont je parle est un bon soleil de réchauffement climatique. Un truc brûlant qui nous motive à bien sagement acheter des voitures électriques pour sauver la planète. Le marché attendait un chiffre autour des 116 et c’est sorti à 106. En règle générale, dans marché normal (ce qui n’est pas le cas de celui dans lequel nous nous trouvons – toutes proportions gardées, puisque personnellement, ça fait 35 ans que je cherche à savoir ce qu’est un marché NORMAL). Donc, dans un marché normal, la confiance qui s’érode, c’est jamais une bonne chose, puisque si le consommateur n’a pas confiance, il arrête de consommer et s’il arrête de consommer c’est la machine économique américaine qui chope le COVID.

Mais là tout de suite, on s’en moquait éperdument, parce que le SEUL ET L’UNIQUE truc qui nous obsède ; c’est d’être certains que la FED ne montera plus les taux. En tous cas : plus CE MOIS. Et là, hier, avec des JOLTS en mode coup de frein et une confiance du consommateur en mode : « je ne sors plus de chez moi et je coupe le Wi-Fi pour être sûr de ne pas commander sur Amazon », on avait tous les arguments pour s’assurer que les taux resteraient bien là où ils sont. C’est d’ailleurs la seule chose qui nous intéresse à l’instant. Là tout de suite. Après, à un certain moment, on va se rendre compte que si tout ralenti, les taux ne monteront plus – en effet – mais on va soudainement vriller parce que ça voudra dire que l’économie est en train de caler et que la récession nous guette. Mais c’est encore un peu trop tôt pour aborder le sujet. À l’heure actuelle on salue le fait que la FED est en train de réussir son pari et que les taux sont sous contrôle, tout comme l’inflation.

Vous admettrez que si vous êtes détenteur d’un doctorat en psychologie, c’est quand même facile la bourse !!!

La bourse c’est aussi des actions

On ne va donc pas perdre plus de temps et nous pourrons résumer la chose en disant : « les marchés sont repartis à la hausse de plus belle parce que nous sommes contents de voir que l’économie ralenti. Je suis d’ailleurs persuadé que lorsque dans 5’000 ans, les archéologues reliront cette phrase, ils vont se dire qu’on était bien tarés en 2023.

Ceci mis à part, si les bourses mondiales retrouvaient le sourire et que les journalistes financiers utilisaient le terme « rallye de soulagement » à profusion (comme quoi c’est quand même assez fou que nous soyons soulagés que ça aille plus mal et pire qu’avant), à l’intérieur des indices il s’est quand même passé des trucs. Et quand je dis « passé des trucs », je parle d’actions individuelles. Tout d’abord, il y avait Nvidia qui terminait sa séance au plus haut de tous les temps. Pas besoin de justification, mais après les prises de profits « post-résultats du trimestre », les acheteurs sur faiblesse étaient de retour et comme tout le monde parlait à nouveau d’intelligence artificielle – bon, Nvidia a AUSSI signé un partenariat avec Google AI. Nvidia a terminé la séance à 1’200 milliards de capitalisation boursière. Il faut donc retenir que sur 12 mois, la société de semiconducteurs à grandit de 1’000 milliards. Une bricole.

Voilà, Nvidia, c’est fait. Parlons d’un autre usual suspect maintenant : Tesla. Les autorités américaines leur sont tombés dessus en estimant que le fabricant de voitures électriques met en danger la sécurité en ne s’assurant pas que les conducteurs soient attentifs lorsqu’ils utilisent le système Autopilot, ils ont également demandé un maximum de « datas » sur le sujet à Elon Musk. C’est pas « FORCÉMENT » le genre de nouvelle que l’on aime entendre. Mais dans la foulée, l’analyste d’Oppenheimer a estimé que Telsa était en train d’investir MASSIVEMENT dans l’intelligence artificielle en achetant des tonnes de CPU de chez Nvidia. Donc. À votre avis, le marché a retenu quoi comme info ? Et oui, l’intelligence artificielle c’est un peu le truc magique qui fonctionne à tous les coups. Tesla a donc pris 7.7% et affichait sa plus forte hausse intraday depuis le mois de mars. Autrement, on notera des chiffres et une guidance pourrie chez Hewlett Packard, résultat : 10% dans les dents. Box Inc. a publié des résultats trimestriels qui ont à peine dépassé les attentes des analystes et annoncé que la suite ne serait pas simple, résultat : 8% de baisse after close et puis Ambarella a foiré son trimestre aussi et plongeait de 15% vers 22h00 hier soir.

En Asie…

Ce matin en Asie, c’est plutôt calme. Les futures sont en hausse de quelques poussières de pourcent et les marchés principaux ne font rien. C’est en tous les cas le cas à Hong Kong et en Chine, même si de nouvelles rumeurs circulent en Chine comme quoi l’on s’apprêterait à mettre une nouvelle baisse des taux en place. Mais en l’occurrence, le marché aurait besoin d’une baisse de 100 bp et les rumeurs font état de 15. Autant dire que le compte n’y est pas. Le Japon est en hausse de près d’un pourcent et puis l’Australie bondit de 1.43% parce que l’inflation locale a chuté de près de 1% sur un mois et était nettement plus faible que les attentes. Actuellement, l’inflation australienne est à 6%.

Du côté matières premières, le baril repart à la hausse et se traite à 81.50$ et quant à l’or, il est à 1964$. Petit détour par les cryptos pour prendre note que le Bitcoin s’est envolé de près de 5% à 27’400$. Lui qui était collé sur les 26’000 depuis une semaine, il vient de se réveiller parce qu’un jugement a été rendu en faveur de Grayscale. Grayscale c’est un des pionniers de l’ETF Crypto et ce jugement pourrait bien ouvrir la porte à des vrais ETF type BlackRock qui a déjà mis le pied dans la porte. Du coup, le Bitcoin explosait et Coinbase aussi, ce qui défiait toute logique, puisque si les ETF « physiques » Bitcoin voient le jour, ils risquent de perdre du business. Des fois il ne faut pas chercher à comprendre la logique de certains traders, juste simplement noter que Coinbase a pris 15%, tout ça parce qu’un juge a donné raison à Grayscale face à la SEC…

Les histoires du jour

Dans les nouvelles du jour, on notera que la date du 12 septembre sera officiellement la date de sortie de l’iPhone 15. Vous pouvez donc déjà vous rendre chez votre banquier pour hypothéquer la maison afin d’acheter un nouveau smartphone qui ne sera qu’une évolution du précédent et qui risquera – au pire – de vous forcer à changer tous vos câbles de connexion et vos chargeurs. Du côté des banques régionales, la pression est maintenue ; les autorités américaines ont dévoilé leurs projets visant à obliger les banques régionales à émettre de la dette et à renforcer leur bilan – ce qui est censé être des mesures destinées à protéger le public en cas de nouvelles faillites. Toutes les banques américaines disposant d’au moins 100 milliards de dollars d’actifs seraient soumises à ces nouvelles exigences, qui ressemblent aux règles applicables aux plus grandes banques du monde. Ça risque de devenir de plus en plus compliqué de faire des conneries dans le secteur bancaire, ce qui risque de casser l’ambiance ces prochaines années.

Et puis, dans la série « plus con, tu meurs », il faut parler de l’histoire de VinFast. Alors Vinfast est un fabricant de voitures électriques vietnamien. Ils sont récement venus en bourse aux USA via un SPAC (oui, ça existe toujours). Le titre valait 10 balles et des poussières lors des premiers jours de trading et c’était déjà complètement débile comme valorisation pour une marque inconnue qui vend 19’000 voitures (moches) par année. Mais comme on ne peut pas s’empêcher de chercher la prochaine révolution, les génies de la finance se sont jetés sur le titre. Problème, le flottant mis en circulation par la boîte est de 0.3%. Il n’y a que 7 millions d’actions en circulation sur 2.3 milliards d’actions existantes. C’est le CEO qui détient le reste des actions. Au plus haut, il y a quelques jours, la valorisation de VinFast était de 192 milliards de dollars, soit plus que la valeur de BMW, Volkswagen et Stellantis réunis. Tout ça pour 19’000 caisses par année. Comme disait Jim Chanos – VinFast s’attend à fabriquer 40’000 voitures dans les 12 prochains mois et Toyota va fabriquer 40’000 voitures dans les 40 prochaines heures.

Mais VinFast vaut quand même plus que Toyota, en termes de capitalisation boursière. En gros, c’est dommage qu’il n’y ait pas de puts sur ce truc, parce qu’à 46$ hier soir à la clôture ça valait encore 100 milliards de capitalisation et c’est une quasi-certitude que ça va perdre 90% de sa valeur. Le CEO lui-même est un milliardaire vietnamien qui pesait 5.7 milliards il y a un mois et qui « valait » 192 milliards vendredi dernier. Plus con, tu meurs. Il n’y a pas d’autre manière de formuler la chose. Et puis si vous voulez encore plus con : Burger King se retrouve face à un « class action » qui lui reproche que ses hamburgers ont l’air plus gros en photos qu’en vrai. Il y a donc un groupe de « consommateurs » de hamburgers qui se sont sentis suffisamment frustrés pour monter un « class action » sur le sujet. Et après, on parle du déclin de l’empire américain, je crois que ça n’a jamais été aussi réel.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, le monde merveilleux de la finance va donc continuer son « investigation » sur l’économie américaine et en tirer les conclusions qui s’imposent, quitte à qu’elles soient différentes de celle d’hier. Ce matin nous aurons le KOF en Suisse et ça n’est pas ça qui va faire bouger Nvidia. Et puis il y aura le CPI en Allemagne qui va nous rassurer et nous démontrer que tout est sous contrôle en Europe. Ensuite, il y aura les chiffres de l’ADP dont on se fout TOTALEMENT depuis des années, mais qui sont devenus soudainement extrêmement populaires et nécessaires pour scanner le futur de la FED. On attend 195’000 créations d’emplois. Et puis il y aura aussi le PIB américain qui donnera une idée de la force relative de l’économie, puis on terminera la journée avec les pending homes sales et les inventaires pétroliers.

Alors attention, parce que n’importe lequel de ces chiffres – et je dis bien N’IMPORTE LEQUEL, peut permettre au marché de corroborer les preuves comme quoi les taux ne monteront plus jamais ou de flipper totalement parce que peut-être que les taux monteront ENCORE en novembre. Le suspense est à son comble et on se croirait dans le dernier Mission Impossible, sauf que l’on sait tous qu’à la fin, Ethan Hunt, il ne meurt pas.

Passez une excellente journée et à demain ! Pour de nouveaux chiffres et une nouvelle analyse pointue de la macro-économie mondiale faite en directe par les experts de Wall Street.

Thomas Veillet
Investir.ch

« Go ahead, make my day. » — « Sudden Impact, » 1983.