Je ne vais pas vous mentir, LA PRÉOCCUPATION principale reste la décision de la FED de la semaine prochaine. Chaque jour qui passe, nous essayons d’accumuler des informations qui nous permettraient de nous mettre dans la tête de Powell, afin de savoir ce qu’il pourrait bien faire la semaine prochaine. Beaucoup de conditionnel et pas mal de supputation pour une situation qui se résumerait assez simplement en se disant que l’on a une chance sur deux de voir les taux monter (même un peu moins) et que l’on ne sait même pas comment les bourses vont réagir en cas de hausse ou de statu-quo. Mais hier, après l’Australie, c’est le Canada qui faisait parler de lui.
L’Audio du 8 juin 2023
Pas que les feux de forêt au Canada
Alors que tout le monde a pu voir à la télé que les feux de forêt canadiens sont en train de polluer la moitié des États-Unis et que même New-York en subit les conséquences, rappelant à certains Américains qu’il y a encore quelque chose au Nord de Chicago. Les Canadiens ont fait diversion et ont fait parler d’eux d’une manière différente. Hier la Banque Centrale Canadienne a décidé – par surprise – de monter les taux de 0.25% à 4.75%. Le marché et les experts qui en font partie avaient tous parié sur un immobilisme prolongé pour le moment.
Autant dire que le contrepied annoncé par les Canadiens hier n’a pas forcément plu aux intervenants. Surtout que cette hausse surprise intervenait dans le sillage de la Banque Centrale Australienne qui avait fait de même la veille. Alors vous me direz que 0.25% de plus ou de moins, ça ne devrait pas changer la face du monde, mais le problème n’est pas tant dans l’amplitude de la hausse ou dans le fait que c’est une « SURPRISE ». Il provient plus du contenu du communiqué de presse. Que ce soit en Australie ou au Canada, la réflexion est la même : les banquiers centraux se sont rendu compte que l’impact des premières hausses avait bien freiné l’inflation, mais que depuis quelques temps, les données économiques démontrent que l’économie est un peu plus résiliente que prévu et que le consommateur continue de consommer comme si sa vie en dépendait. Les responsables de la politique monétaire des deux pays ont donc décidé d’anticiper en montant encore une fois les taux, se basant sur le fait qu’il vaut mieux se tromper et redescendre les taux en cas de ralentissement surprise, plutôt que de courir après une inflation qui repartirait violemment à la hausse. Dans la seconde situation, personne ne le leur pardonnera.
Conséquences et analyses
Même si le Canada et l’Australie ne sont généralement même pas considérés comme des « vraies places de bourse » par les traders new-yorkais, la réaction des deux banques aura tout de même fait réfléchir Wall Street. En effet, si les gars du Nord montent les taux parce que l’économie va trop bien, que penser de la situation des USA qui revendique sans cesse le fait que chez eux, tout va bien et qu’ils sont trop forts ? Quel est le risque que la FED se dise que vu que tout le monde le fait, pourquoi ne pas faire comme les autres et monter les taux à 6% ?
Hier les intervenants se sont donc dit qu’il ne fallait peut-être pas être plus royalistes que le Roi et se sont souvenus que le secteur technologique est plus sensible à des taux élevés que le reste du marché. Les paris sur la futur-réaction de la FED ont donc été pris et si l’on en croit les indications des FED FUNDS et du 10 ans US ; les experts pensent qu’il y a 30% de chance d’assister à une hausse de 0.25% mercredi prochain. Mais en revanche, il y a près de 60% de chance de voir les taux en juillet. VOILÀ !!! ENFIN ON PARLE DE JUILLET !!! Les intervenants ont donc enfin décidé de voir un peu plus loin qu’une semaine et se sont rappelés que si EUX sont en vacances, ça ne veut pas dire que la FED ne peut rien faire. Du coup, le stress est monté d’un cran (un tout petit cran, d’accord, mais un cran quand même) et tout le monde s’est mis à taper sur le secteur technologique qui, on le sait, vivrait assez mal une nouvelle hausse des taux. Intelligence Artificielle ou pas.
Prendre les profits et revenir la semaine prochaine
Dans le doute, et emmené par les Canadiens (une fois n’est pas coutume), l’ensemble des places boursières ont donc pris la décision de vendre légèrement pour se donner bonne conscience et laisser croire qu’il y avait une vraie réflexion fondamentale derrière la baisse d’hier – alors qu’en fait on vole à vue et que le moindre chiffre publié aujourd’hui par une sombre agence gouvernementale pourrait largement faire tourner la veste à tout le monde.
C’est bien évidemment le Nasdaq qui cotisait le plus, puisque les « Magnificent Seven », les sept titres qui ont fait monter tout le marché depuis 6 mois, étaient les premières victimes des sanctions canadiennes. En revanche, on notera que le Dow Jones terminait en hausse, emmené par… tous les titres que plus personne ne voulait il y a encore deux semaines et qui paient des dividendes ET QUI N’ONT PAS encore revendiqué leur désir de faire de l’intelligence artificielle. En Europe, les machés ne faisaient pas grand-chose mais terminaient tout de même dans le rouge. En gros, nous avons vécu une séance qui aura été concentrée sur la thématique de la hausse des taux et certains intervenants se sont soudainement rendu compte qu’il y avait aussi des banques centrales au Canada et en Australie. Parce qu’autant vous dire que le reste de l’année, les commentaires à propos de ces deux banques ne sont pas légion. On notera aussi que les FAUCONs européen continuent de hurler à la mort et demandent encore plus de hausses des taux à Madame Lagarde qui garde sa ligne directrice et qui va continuer à lire les chiffres économiques pour prendre une décision « last minute ».
Des prévisions
Pendant que les Macro-Économistes se concentraient sur le travail des banques centrales, on retiendra tout de même qu’il y avait pas mal de mouvements et de déclarations spectaculaires. Que ce soit les stratèges ou que ce soit les analystes, nous avons eu droit pas mal d’annonces qui n’ont pas été saluées comme il se doit à cause de la banque centrale canadienne, mais quand même. On notera donc au passage qu’un analyste a upgradé son objectif sur Netflix à 500$, le titre a bien aimé l’annonce mais s’est dégonflé tout le reste de la séance. Du côté de Nvidia, les recommandations stratosphériques continuent de débarquer sur les marchés toutes les cinq minutes. À ce rythme-là, il y a sûrement un gars qui va nous sortir un target à 1’000$ – parce qu’il ne faut jamais oublier que lors de tout rallye technologique, nous ressortons à chaque fois la règle d’investissement qui a été mise au point au début des années 2000, la fameuse règle qui dit que :
« Tout ce qui passe au-dessus des 10$, va forcément à 100 et tout ce qui dépasse les 100$, va forcément à 1’000$ »
Règle qui fonctionne merveilleusement bien. Jusqu’à que la musique s’arrête. Malgré les chaudes recommandations de plusieurs stars de la finance sur Nvidia hier, on sentait que (momentanément) le cœur n’y était plus et les prises de profits made in Canada prenaient le dessus et ce, même si le stratège de Goldman Sachs a déclaré que : « l’arrivée de l’intelligence artificielle dans l’entreprise allait permettre au marché de monter de 14% ». J’avoue que j’adorerais avoir fait des études pour connaître le calcul magique qui fait que l’on arrive à intégrer l’intelligence artificielle dans un spreadsheet et que ça nous crache l’impact qui en découlera sur un indice. Reste juste à savoir d’où est-ce que l’on part pour calculer la performance de 14%. Et quand. Hier, en plus du fait que Netflix semble avoir trouvé la martingale pour récupérer du fric chez ceux qui empruntaient des mots passe jusque-là et que Tesla était le seul titre techno qui montait un peu parce que le gouvernement va filer 7’500$ de rabais sur certains modèles, il y avait aussi la star de Wedbush, Dan Ives qui pense qu’Apple va à 220$ et que d’ici 2025, la société vaudra 4’000 milliards de dollars. Mais Apple terminait quand même en baisse de 0.8%. Oui, hier soir le Canada a exporté plus que la fumée de ses feux de forêt, ils ont exporté la peur de voir monter les taux la semaine prochaine et surtout : le doute.
En Asie et le reste
Ce matin l’Asie est dans le rouge. Le Japon est à nouveau en baisse de 1% – malgré un PIB de 2.7% qui est supérieur aux attentes – Hong Kong recule de 0.4% et la Chine ne fait rien. On a appris que certaines banques chinoises ont baissé leurs taux sur les dépôts en Yuan, mais toujours rien du côté de la seule banque qui compte : la banque centrale. Le pétrole est à 72.33$, l’or est à 1960$ et le Bitcoin est à 26’400$.
Dans le reste des nouvelles, il faudra retenir l’interview de Madame Yellen sur CNBC. La patronne du Trésor Américain s’est montrée très prudente sur l’immobilier commercial, le ralentissement qui va avec et les tôles potentielles que pourraient se prendre les banques. Il est vrai que ça serait vraiment top de voir le marché immobilier commercial s’effondrer et se rendre compte que les banques avaient sous-estimé le risque. Je suis persuadé que ça serait une bonne chose pour le secteur bancaire qui a déjà un « track-record » impeccable en 2023.
Coup de sac !
Il y aussi un gros coup de sac chez GameStop lors de la publication des résultats trimestriels. Tout d’abord les chiffres n’étaient pas terribles et montraient que la planche restait très savonneuse et que le business plan était quand même vague. Ensuite, le CEO s’est fait virer et Ryan Cohen devient l’équivalent de Macron en France, mais chez GameStop. À savoir : il fera ce qu’il veut, n’écoutera personne et pensera toujours que tout le monde l’adore. Le marché lui, n’a pas trop aimé les annonces de GameStop et le titre s’est fait déglinguer after close. Il perdait 21%.
Autrement on parle toujours de l’emprunt que le Trésor US va lancer ou, a lancé, ou lancera bientôt. On sait que ça va être compliqué pour le marché et pour les banques. Mais ça l’est surtout pour les experts en finance, sachant qu’ils savent tous qu’il va se passer un truc, mais que personne n’a la formule magique qui nous dira ce qui va exactement se passer. Et puis, on notera aussi qu’une lettre a été envoyée au CEO d’Amazon – de la part de plusieurs investisseurs – qui lui ont gentiment expliqué que sa stratégie du « je pars dans tous les sens et je fais tout et n’importe quoi », n’est pas viable sur le long terme et qu’il doit se concentrer sur ce qui fonctionne et pas sur ce qui pourrait éventuellement fonctionner. Ça doit toujours faire plaisir quand t’es le CEO d’une boîte et que t’as un mec qui n’a jamais fait rien d’autre dans sa vie que lire des bilans assis au fond de son fauteuil en simili-cuir, vient te dire comment faire. Non, parce que lui il le ferait s’il voulait, mais il n’y aurait pas assez de challenge et ça serait trop facile à cause qu’il est vraiment trop brillant.
Chiffres
Pour ce qui des chiffres économiques, nous aurons les Non Farm Payrolls made in Macronie, le PIB et le chômage en Europe et les Jobless Claims aux USA. Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.14% et les Américains sont en train de chercher sur la carte du monde, quel pays pourrait bien venir monter les taux aujourd’hui.
En ce qui me concerne, je viens de regarder mon agenda et je me rends compte qu’il y a encore un jour avant le week-end. Il me reste donc à vous dire :
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
« If you really look closely, most overnight successes took a long time. » -Steve Jobs