Je vous préviens tout de suite ; si vous êtes venus pour avoir des infos et en savoir un peu plus sur le sujet du plafond de la dette qu’hier, vous allez être déçus parce que globalement, on est toujours scotché dans la boue et on attend toujours un miracle ou un truc génial pour pouvoir mettre le sujet de côté. Hier les marchés n’ont strictement rien foutu parce que l’on attend d’en savoir plus et qu’à l’heure où je vous parle, mis à part des discours bien réfléchis pour nous dire que ça avance, qu’on va s’en sortir et que si jamais ce n’est pas de la faute de Biden, on n’a pas grand-chose d’autre à se mettre sous la dent. Alors on s’occupe comme on peut.

L’Audio du 23 mai 2023

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Figé dans l’espace temps

Pour commencer, on va se faire un rapide résumé de l’action sur les marchés. Ça va aller vite, il ne s’est strictement rien passé. Alors oui, il y avait bien Micron qui baissait de près de 3% parce que les Chinois leurs ont interdit de vendre leurs produits en Chine et que cela fait craindre une nouvelle guerre économique avec les USA – mais pour vous dire, ça ne fait tellement pas peur aux intervenants, que le SOX ne terminait même pas en baisse. Ou alors c’est peut-être que les traders sont beaucoup trop concentrés sur le sujet de la dette et qu’ils n’arrivent pas à réfléchir à autre chose.

En termes de chiffres, le Nasdaq terminait en hausse de 0.5%, le S&P500 avançait de 0.02% et ne parvenait toujours pas à passer la barre fatidique et psychologique des 4’200. Le Dow Jones reculait de 0.42%, tirés à la baisse par Nike qui reculait de 4% et Procter qui frisait les 3% de baisse. On avait presque l’impression que les gens ne voulaient plus de titres défensifs et que la seule chose qui les intéressait, c’était les boîtes qui font de l’Intelligence Artificielle. En Europe, c’était juste comateux, puisque tout le monde attend de voir ce que McCarthy et Biden vont nous faire. Et pendant ce temps, Madame Yellen continue de faire le tour des médias pour dire que le gouvernement US n’a plus une thune – et cette fois elle montre même les relevés de comptes, puisqu’il semblerait qu’à l’heure actuelle, le compte courant de la plus grande puissance économique mondiale affiche un solde dans la zone des 50 milliards. Bien en-dessous des niveaux de cash de sociétés comme Microsoft ou Apple.

Incapables de penser à autre chose

Et quand je vous dis que nous sommes « mono-produit » et incapables de penser à autre chose que le plafond de la dette, il y a des exemples pour le prouver. Tenez, hier alors que tout le monde faisait le pied de grue dans la salle de presse de la Maison Blanche pour savoir ce qui allait se passer au niveau des négociations, nous avons tout de même eu James Bullard, patron de la FED de St-Louis qui est venu parler. Alors oui, je suis d’accord avec vous, Bullard fait partie des plus gros faucons que la FED ait connu (et non, je ne ferais pas de mauvais jeu de mots, parce que ça n’a aucun sens dans le cas présent). Et donc, de par sa filiation en tant que faucon, il n’est pas étonnant que Monsieur Bullard vienne nous annoncer des trucs qui n’ont rien à voir avec le plafond de la dette et qui ne soit pas forcément encourageant pour le marché.

Pas encourageant pour le maché parce qu’hier soir le banquier central de St-Louis est tout de même venu nous annoncer que, selon lui, il faudrait encore monter DEUX FOIS les taux pour freiner définitivement l’inflation. ENCORE DEUX HAUSSES DE TAUX d’ici décembre et le S&P500 termine en hausse. Bon, ok, de 0.02%, mais en hausse quand même. Je dois dire que l’on a connu des discours de Bullard qui étaient bien plus « dovishs » que ça et qui ont coûté bien plus cher au marché. Mais hier, nous étions immunisés par l’effet « plafond de la dette ». Immunisés parce que forcément, si les USA font défaut la semaine prochaine, le sujet de la hausse des taux se réglera de lui-même, puisque dans ce cas hypothétique, je peux déjà vous dire que le 2 juin, on parlera de combien de fois il faut baisser les taux pour sauver l’économie US et que Bullard pourra revoir son discours.

Concentration maximale

Tout ça pour vous dire que la concentration est maximale et elle est uniquement basée sur « l’accord éventuel » que Biden et McCarthy pourraient signer d’ici vendredi. En attendant, les taux qui montent, les signes de récession qui se renforcent, personne n’en a rien à foutre. C’est plafond de la dette « ONLY », c’est comme essayer de rentrer dans une boîte de nuit privatisée si vous n’êtes pas invité. Aucune chance de placer un autre sujet. Non, parce qu’au cas où vous voudriez vraiment vous intéresser à autre chose, on pourra tout de même noter que le PLUS GROS INDICATEUR de récession utilisé par les génies de WALL STREET – autrement dit : l’inversion de la courbe du 10 ans et du 2 ans – a battu son record de longévité. Enfin, pas exactement, mais ça faisait plus de 40 ans que l’on n’avait plus vu ça.

En effet, le rendement du 2 ans est plus élevé que celui du 10 ans depuis le 5 juillet de l’an dernier. Soit 222 jours de trading avec une inversion de la courbe. Alors je ne suis pas un expert en statistiques et pour être franc, je ne sais pas si la durée de l’inversion renforce la probabilité de récession, mais disons que comme « statistique encourageante et rassurante », on a connu mieux. Mais encore une fois : ON S’EN FOUT PARCE QU’ON ATTEND LA DATE DE LA SIGNATURE DE L’ACCORD SUR LE PLAFOND DE LA DETTE, et puis c’est tout.

Des prévisions

Et autant vous dire que même si l’on ne sait rien de plus après les négociations d’hier soir, nous sommes en revanche, tout à fait capables, de faire des prévisions sur ce qui va se passer si l’on ne trouve pas RAPIDEMENT une solution pour empêcher les USA de faire défaut. Alors je vous préviens, les prévisions qui vont suivre ne sont pas faites par Roubini ou Edwards et encore moins Marc Faber, mais disons qu’elles sont dans la même lignées. Dans la même lignée mais avec un petit plus parce qu’une des deux prévisions vient directement de la Maison Blanche. Alors je ne vous dis même pas ; si la Maison Blanche se lance dans les prévisions boursières, je crois que cette fois, tout est possible…

Donc, hier la Maison Blanche a déclaré que si le gouvernement américain faisait défaut la semaine prochaine, il fallait s’attendre à une baisse de 45% sur les indices. 45% !!! Je ne sais pas d’où ils sortent ce chiffre et quelle est la formule de calcul, mais on sent quand même bien l’influence des jeux de pouvoirs politiques qui viennent balancer des trucs comme ça quelques heures avant les négociations. Comme ça Biden il peut ressortir le truc à McCarthy :

« Non mais t’as vu ce qu’il va se passer si tu n’acceptes pas mes conditions pour monter le plafond de la dette sans couper dans les budgets ??? Le marché va baisser de 45% et ça sera tout de la faute des Républicains ! NA !!! »

Bref. Pendant que la Maison Blanche se lançait dans les prévisions boursières, il y avait aussi JP Morgan qui sortaient leur calcul à eux. Et le chiffre était quelque peu différent. Impressionnant quand même, mais différent. On parle de 17% de baisse seulement. Vous conviendrez que ces paris sur des hypothétiques défauts avec des chiffres que l’on a tiré aux cartes et aux dés, sont absolument passionnants et que tout le monde s’en fout. Mais disons que si défaut il y a, on se réjouit déjà de voir qui avait raison. Même si personne ne croit au fait que ce défaut pourrait se produire…

L’Asie et le reste

Je ne vais pas vous faire perdre du temps avec l’Asie, parce que les préoccupations sont les mêmes et que tout est dans le rouge ce matin. Même Tokyo semble marquer le pas, puisque l’indice est très légèrement en baisse, pendant que les deux autres sont toujours en dépression depuis qu’ils ont compris que là tout de suite, le gouvernement chinois ne viendrait pas à la rescousse. Le pétrole remonte pour les raisons opposées à celles qui le faisait baisser hier. En effet, hier on justifiait la baisse parce que l’on craignait la récession et que l’on pensait que les craintes de récession ne seraient jamais compensées par l’augmentation de la demande induite par la croissance économique et ce matin, c’est exactement l’inverse. Je pourrais tergiverser sur le fait que nos visions à court terme et à long terme sont tellement proches que ça en devient inquiétant, mais c’est pas grave parce qu’on aura changé d’avis rien que le temps de penser à la chose. Le baril est à 72.34$, l’or est à 1964$ et le Bitcoin est à 27’200$.

Au chapitre : NOUVELLES DU JOUR, BONJOUR ; je vous avais gardé le meilleur pour la fin. Oui, en effet, Biden et McCarthy se sont parlé hier soir. On ne sait pas trop ce qu’ils se sont dit, mais les deux parties qualifient les discussions « d’encourageantes ». Les deux parties disent qu’il y a encore des points de désaccord, mais que s’ils travaillent en bonne intelligence (ce que l’on peut douter en politique) et que l’autre partie fait des efforts, ils devraient pouvoir signer la hausse du plafond d’ici vendredi. Bon. Après ils nous ont déjà fait le coup la semaine dernière, alors on ne va pas non plus s’emballer, mais disons que l’on a le sentiment qu’il y a un peu d’espoir. Et puis, sincèrement, laquelle des deux parties a intérêt à faire défaut ??? Le suspense est insoutenable, soit, mais on veut quand même croire que la lutte des égos ne va pas mener les USA au défaut. Enfin, pas encore cette fois.

Du coup la question : « mais quand alors ??? », reste posée.

Dans le reste de l’actualité

Autrement, les Européens ont collé une amende de 1.2 milliard d’euros à Meta parce qu’ils ont transféré certaines données aux USA. Le titre montait de 1% hier soir à New York. Autant dire que 1.2 milliard d’amende pour Zuckerberg, ça doit même pas l’empêcher de dormir. Et puis c’est rigolo, on ne veut pas laisser Meta envoyer nos données aux USA, mais en même temps on continue à afficher nos photos de vacances et tous les plats qu’on bouffe au resto sur des réseaux sociaux américains. Mais bon, le pourfendeur européen a fait son job. Et puis dans les nouvelles VRAIMENT préoccupantes et qui pourraient remettre en cause l’avenir économique de l’Europe, l’Italie vient de demander une réunion d’urgence du gouvernement afin de parler de l’augmentation des prix des pâtes… Selon une statistique récente, les prix sont montés de 17.5% en mars et de 16.5% en avril. Ça commence à faire cher la carbonara.

C’est marrant parce qu’en même temps, le prix du blé est au fond du bac et on pourrait se dire que c’est encore un méchant coup de Panzani et de Barilla qui tentent de faire grimper leurs marges. Mais que nenni, il semblerait que c’est tout simplement parce qu’aujourd’hui, on vend les pâtes d’hier qui ont été fabriquée quand le blé était super cher… En gros, ils appliquent les mêmes méthodes que les pétroliers. En résumé, les USA ne savent pas s’ils vont honorer leurs dettes et les Italiens ne savant pas s’ils vont encore pouvoir manger des spaghettis à la bolognaise encore longtemps. On vit une époque compliquée quand même !

Chiffres du jour

Pour ce qui est des chiffres du jour, nous aurons plein de PMI’s et plein de banquiers centraux qui parleront. Il y aura Yellen qui viendra sûrement dire que les USA pourraient faire défaut dès le premier juin si rien n’est fait et on parlera du fait que demain soir, il y aura les chiffres de Nvidia ET les Minutes du FOMC Meeting. Oui, parce qu’on n’en parle plus des Minutes. Enfin, tant qu’on n’a pas résolu la dette. Non, parce que je vous ai déjà dit que le problème du plafond de la dette n’était pas réglé ? Ah bon, déjà ?

Alors il me reste à vous souhaiter une excellente journée et on en saura plus demain. Ou pas.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

«Technology is dominated by those who manage what they do not understand”

Murphy’s Law