Ce début d’année 2023 aura été exceptionnel. L’enthousiasme qui plane autour des marchés actions est toujours impressionnant et on a le sentiment profond que « l’on veut y croire ». Que l’on veut croire au fait que le pire est derrière nous et que nous pouvons déjà commencer à parier sur une reprise économique qui viendra plus tard. Plus tard une fois que l’inflation aura vraiment atteint des niveaux corrects et que l’on aura mis derrière nous toutes ces angoisses qui auront émaillé l’année 2022. Mais parfois, comme hier, l’inflation reprend sa place au centre de nos préoccupations. Et qui dit inflation dit aussi que les banques centrales n’ont peut-être pas fini de nous mener la vie dure.

L’Audio du 10 février 2023

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À boire et à manger

Pourtant la journée avait plutôt bien commencé en Europe, puisque les chiffres de l’inflation en Allemagne étaient plus faibles que prévu. Bon, quand tu annonces une inflation autour de 9% et que tu te réjouis que ça soit quand même « moins important que prévu », c’est que t’es quand même un peu désespéré. Mais comme l’Allemagne est en Europe, on ne peut pas toujours comprendre la méthode de réflexion. Enfin, toujours est-il que les investisseurs semblaient très contents de savoir que le mois dernier, ils n’ont payé que 9% de plus qu’il y a un an. Cette excellente nouvelle n’empêche quand même pas les gars de la Banque Centrale à Christine, de venir dire qu’ils vont quand même monter les taux et même plus que ce que l’on attend. Mais peu importe, hier l’Europe terminait en hausse. Le DAX grimpait de 0.72%, le CAC progressait de 0.96%, emmené par les bons chiffres et les bonnes perspectives de Legrand et du Crédit Agricole, l’Italie remportait la palme de la séance avec une hausse de 1.26%, pendant qu’en Suisse, le Crédit Suisse s’est fait littéralement décimer lors de la publication de ses chiffres et le SMI terminait en baisse de 0.52%. Y en n’a point comme nous.

Le patron du Crédit Suisse, Monsieur Ulrich Körner, a déclaré : « 2022 a été une année cruciale pour le Crédit Suisse. Nous avons annoncé notre plan stratégique pour créer une banque plus simple, plus ciblée, axée sur les besoins de ses clients et depuis octobre nous le mettons en œuvre à un rythme soutenu ».

Bon. J’ai le regret de vous dire que les mots « banque plus simple et plus axée sur les besoins de ses clients » n’ont pas forcément bien fonctionnés. Il fallait peut-être y penser avant, de s’occuper des besoins de ses clients. Enfin, avant de se lancer dans des plans financiers foireux qui finissent dans le mur. Et puis, autre constatation, le marché n’a pas « super-bien pris » la notion du plan qui se met en œuvre à un rythme soutenu. Non, ce que le marché a retenu hier c’est que la perte annuelle était abyssale : 7.29 Milliards en 2022. C’est dommage, parce qu’après 1.5 milliard en 2021 – si on avait fait un PETIT effort, on touchait presque le chiffre rond de 10 milliards de pertes sur deux ans. Mais ce n’est que partie remise. Bref, le Crédit Suisse a perdu 14%. La bonne nouvelle, c’est que l’on s’est arrêté juste avant les plus bas de 2022. Les plus courageux pourrait même penser que l’on reteste les points bas avant d’entamer le rebond du siècle et de se faire racheter par l’UBS dans six mois. Ou alors, j’ai peut-être une solution pour faire remonter le Crédit Suisse à 25 francs suisses, c’est d’annoncer que :

« La banque aux deux voiles remplace la totalité de son management par de l’intelligence artificielle »

Je ne suis pas loin de penser que ça peut changer la donne et puis si en plus, ils se lancent dans la crypto et les voitures électriques, je crois que l’on tient quelque chose.

L’inflation qui revient dans nos pires cauchemars

Et puis, alors que nous en Europe, on se félicitait de notre bonne journée et que l’on se gaussait au sujet du Crédit Suisse, les Américains se sont fait quelques sueurs froides. Il ne s’est pas passé grand-chose sur la séance en elle-même, si ce n’est la bonne journée de Disney qui terminait un peu mollement après l’annonce du retrait d’un des actionnaires-activistes qui semblait satisfait par la stratégie de Bob Iger. Mis à part le fait que Pepsi a publié de bons chiffres qui ne surprennent plus personne. Mis à part le fait que Google s’est encore pris 5% dans les dents après sa tentative d’intelligence artificielle manquée d’avant-hier et que ça en devient pathétiquement ridicule.

Non, mis à part ça, pas grand-chose à se dire. Enfin, sauf que plein de membres de la FED se relayent en permanence pour annoncer que « la FED n’a pas fini de monter les taux » et qu’au bout d’un moment, ça devient pénible. Et sauf le fait que certains bruits de couloir font état du fait le CPI aurait déjà fuité par erreur et qu’il serait plus fort que les attentes de 6.2%. Dans la foulée de ces soi-disant rumeurs, il y a eu Monsieur El-Erian, ex-stratège de PIMCO qui est venu annoncer qu’il y avait 75% de chance que l’inflation (ENCORE ELLE) rebondisse est reste élevée et qu’ensuite, la FED va détruire l’économie en essayant de la combattre. Il est clair que ce genre de réflexions constructives et optimistes, auxquelles vous ajoutez des rumeurs de hausse du CPI pour janvier, fourni un terrain propice pour que tout parte en vrille. Sans oublier que si vous saupoudrez le tout avec l’explosion soudaine des prix du jus d’orange et vous avez soudainement la trouille qui vous prend aux tripes :

« Et si l’inflation n’était pas tout à fait sous contrôle et surtout, si la baisse récente n’était que transitoire ??? »

En résumé, en Allemagne l’inflation est moins forte que prévue et on était content, mais si celle des Américains repartait dans l’autre sens, ça risquerait de gâcher la fête. Hier les indices américains terminaient en baisse dans une belle uniformité. Le Dow Jones reculait de 0.73%, le S&P500 de 0.88% et le Nasdaq abandonnait 1.02%. L’amplitude de la baisse n’est pas si terrible que ça, mais si ce qui dérange le plus, c’est qu’encore une fois, le niveau des 4’100 sur le S&P semble crucial. Le clan des Bears est déjà en train de se dire que si ce soir l’indice américain terminait sous les 4’100, on tiendrait quelque chose de pas mal pour la semaine prochaine. Et si en plus, le CPI sortait à 6.7% au lieu de 6.2%, il y aurait sûrement de quoi se goinfrer du miel de la baisse. Surtout qu’hier le rendement du 2 ans est soudainement remonté à 4.5% – un peu comme si certains étaient plus au courant que les autres et savaient déjà que la FED allait devoir en remettre une couche au niveau hausse des taux pour empêcher toute tentative d’évasion inflationniste.

En Asie

Ce matin Tokyo est à peine en hausse alors que la Chine recule de 0.6% et qu’Hong Kong baisse fortement à hauteur de 1.7%. Il faut dire que plus tôt dans la nuit les chiffres de l’inflation (ENCORE ELLE) ont été publié au pays merveilleux de Xi-Jinping – enfin, merveilleux-si-tu-fais-comme-il-veut. Les chiffres ont été publiés, mais il faut reconnaître que c’est un beau bordel, surtout après la réouverture brutale du pays. Donc, l’inflation repart à la hausse assez fortement, pendant que les prix à la production sont en chute libre. Ce qui revient à dire que ça pourrait être mieux le mois prochain en termes d’inflation, mais pour l’instant, on essaie de retrouver une vie normale en Chine et une interprétation normale des chiffres économiques du côté des économistes. Ce qui ne veut pas dire grand-chose. D’où la petite forme des bourses chinoises en ce vendredi matin.

Du côté du pétrole, après la récente hausse de ces derniers jours à cause de la Chine et de la Turquie, le baril repart à la baisse. Forcément, il faut prendre les profits sur les positions pétrole avant de partir au ski ce soir. Le baril de brut se traite à 77.77$. L’or repart à la baisse et tape les 1863$ ce matin, quant au Bitcoin il s’échange à 21’800$ alors que tout le monde se demande s’il faut s’inquiéter de la « Death Cross » sur le graphique hebdomadaire ou s’il faut sabrer le champagne pour la « Golden Cross » qui apparaît sur le graphique journalier. Pour le moment, c’est le côté obscur de la force qui gagne.

Les nouvelles du jour

Hier soir il y a Lyft qui a publié ses chiffres trimestriels. UBER avait annoncé un bon trimestre en milieu de semaine, mais visiblement, ils ne sont pas du même monde puisque Lyft vient d’annoncer des chiffres qui sont 1 milliard en-dessous des attentes. Le ratage est énorme, on dirait les chiffres de l’emploi de la semaine dernière. Le titre perdait 30% hier soir after close. Autrement, au chapitre « bonnes relations européennes », on retiendra que la Première Ministre Italienne a jugé « inapproprié » le traitement qui a été offert au Président Ukrainien lors de son « european tour » cette semaine. Visiblement Macron n’est pas d’accord avec elle, même s’il estime que livrer des avions de chasse à l’Ukraine ça va pas être possible à cause de l’argent. Du coup, le mari de Brigitte a proposé de remplacer les avions de chasse par une belle médaille de la Légion d’Honneur. Bon, en même temps, la Légion d’Honneur en France, y a tellement de tocards qui l’ont reçu, qu’il paraît que cet été, ils vont mettre des médailles directement dans les paquets de céréales et distribuer ça au hasard. Mis à part ça, le Président Ukrainien veut VRAIMENT devenir membre de l’Union Européenne et si possible la semaine prochaine. Ensuite ça sera l’OTAN et ça sera moins drôle.

Mais revenons au monde merveilleux de la finance. On retiendra aussi que Yahoo ! va se débarrasser de 20% de son staff et que NewsCorp va virer 1’250 personnes. Non, je dis ça juste au cas où vous pensiez que c’était fini les licenciements. On retiendra aussi que Tesla a pratiquement récupéré tout ce qu’elle a perdu l’an passé, tout ça en promettant des ventes exceptionnelles dans 12 mois, des robots– taxis (comme chaque trimestre) et qu’Elon Musk ait fait son show lors des trimestriels – bien que 4 jours avant, on lui vomissait dessus parce qu’il s’occupait trop de Twitter. Et pour terminer, il n’y a pas un jour qui passe sans que je tombe sur un journal qui annonce une sélection de titres sur l’intelligence artificielle qui pourraient prendre entre 80 et 100% cette année. Plus j’y pense, plus je me revois en l’an 2000. Mais en fait, je dois juste être trop vieux pour ces conneries.

Chiffres du jour

Côté chiffres à attendre, il y aura la confiance du consommateur de l’Université du Michigan, les « Leaders de l’Europe » qui se rencontreront pour passer de l’huile de massage dans le dos de Zelensky – et puis, côté sociétés, il y aura Zurich et rien d’autre de très sexy, parce que c’est vendredi et c’est vraiment la bonne nouvelle de la semaine. Moi je vais dormir pendant 48 heures, je vous souhaite un très bon week-end et on se voit lundi matin pour parler CPI et inflation. Mon Dieu que j’ai hâte !!!

Excellent week-end !

Thomas Veillet
Investir.ch

“On est gouvernés par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis.”

Michel Audiard