Ça fait longtemps que j’ai arrêté de compter. Longtemps que je ne sais plus depuis combien de temps je suis là. Je dois dire que – sans faire le vieux con – que j’en ai déjà vu deux ou trois, des corrections, des marchés complètement cons et des traders qui changeaient d’avis comme de chemise. À chaque fois qu’il se passe un GROS truc, on se dit : « ah tiens, je l’avais pas vu venir celui-là, pourtant j’étais sûr que ça devait aller à 1’000$ » et puis on se dit qu’on ne sera plus jamais surpris par RIEN, que l’on a tout vu. Bref, que je suis un vieux con. Et puis, il y a des matins comme celui-là, où tu te dis que tu ne comprends plus rien.

L’Audio du 3 juin 2022

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Pourtant j’ai lu

Je ne comprends plus rien parce que quand tu vois que les marchés ont tous terminé en hausse, tu veux bien admettre que personne n’a osé vendre pour célébrer les 70 ans de règne de la Reine d’Angleterre, mais quand tu vois les autres nouvelles – celles qui parlent d’autre chose que de la couleur du chapeau de la Reine et de la huitième grossesse en 14 mois de Meghan Markle, les vraies news financières qui viennent de New York, tu te dis que t’as du rater un épisode de la série dont je parlais dans la chronique d’hier.

Déjà, tu commences par apprendre au réveil que Microsoft a fait un profit warning. UN PROFIT WARNING. MICROSOFT !!! Microsoft c’est donc la boîte qui fait tout juste depuis que Satya Nadella est arrivé comme CEO. La compagnie qui fait tout juste à chaque publication de chiffres trimestriels et qui arrive même à battre les attentes sur la consommation de PQ dans ses bâtiments à chaque trimestre. Microsoft la compagnie qui a un quasi-monopole sur vos PC et que sans elle, aucun analyste financier pourrait faire des prévisions inexactes sur l’avenir des indices, l’avenir des actions et même des fois, se tromper sur les prévisions des stocks pétroliers. Le Microsoft.

L’horreur, l’angoisse, l’apocalypse, le KRACH.. où est ma dose de Prozac ?

Quand on se souvient que lors du dernier profit warning en date, SNAP s’est fait totalement défenestrer de près de 50%, que lorsque Netflix a raté son trimestre on l’a défoncée de 45% et que lorsque Target annonce « de la pression sur ses marges », le titre lâche 30% en 12 secondes et 23 dixièmes. Eh bien lorsque l’on se souvient de tout ça, on se dit que ça a dû être la samba à New York hier soir. Non, parce que quand on sait que Microsoft – le « M » de GAFAM – représente grosso-modo 5% de la capitalisation totale du S&P500, on peut largement se dire qu’en cas de baisse « à la SNAPCHAT », le titre peut clairement déclencher un glissement de terrain sans précédent.

Et puis tu te précipites sur ton système de trading, tu tapes le symbole : MSFT et tu vois que, non seulement le titre a terminé la séance en hausse de 0.8%, mais qu’en plus il monte encore de 0.03%. Oui, bon, d’accord, 0.03% c’est pas une hausse c’est une dose en homéopathie, mais quand même. Les gars ils font un profit warning parce que le dollar il est trop cher et que la neige elle est trop molle. C’est la plus grosse boîte de software du monde qui a sûrement même une division vaccins dedans (pour faire plaisir à son fondateur) et les mecs sont pas foutus d’avoir des gars qui bossent à la trésorerie pour se hedger contre les variations de change ??? Même Nestlé est capable de se hedger contre les monnaies, alors pourquoi pas la boîte à Bill Gates ??? Et donc les gars ils font un profit warning parce que le dollar il est méchant avec eu… et le titre monte ?

Mais que se passe-t-il ?

À ce stade de ma réflexion, il est 3 heures 30 du matin, j’ai encore les yeux collés et probablement encore des restes des excès de la veille dans mon système sanguin. Je me dis donc que j’ai dû rater un truc. Quelque chose qui s’est passé et qui a fait que les intervenants se foutent totalement du fait que Microsoft ait fait un profit warning, parce qu’il y a plus important ailleurs. Je me dis que Powell a dû parler et qu’il a probablement annoncé que l’inflation était dorénavant sous contrôle, qu’elle se situait autour des 2% et que la FED arrêtait donc de monter les taux. Ou alors, me disais-je : « Peut-être que l’OPEP a tellement augmenté la production que le pétrole a chuté à 12$ et que tout à l’heure, quand je vais passer faire le plein à ma station-service habituelle, le caissier va me supplier d’acheter un Snickers en plus parce que sinon il ne pourra plus nourrir ses enfants depuis que le baril est tombé à 12$ et que le litre de sans-plomb se vend – en solde – à 98 centimes »…

Ou alors, me suis-je dis : peut-être que Poutine s’est retiré d’Ukraine et qu’on l’a vu plaisanter avec Zelensky devant les caméras alors qu’ils annonçaient que la guerre c’était en fait une caméra cachée et qu’ils tournaient une nouvelle série qui sortira sur Netflix au mois de septembre. À moins que l’on ait trouvé un remède contre le COVID, la variole du singe, la grippe de la tomate et la diarrhée de la courgette en même temps. Il me semblait plus qu’évident qu’un de ces évènements devait FORCÉMENT s’être produit pour induire un tel comportement des marchés. Eux qui étaient tellement fragiles et terrorisés il y a encore une semaine. Eux qui étaient prêts à perdre 12% en trois séances si Powell prononçait les mots « taux » et « hausse » dans la même phrase, même s’il parlait tout simplement de son taux de cholestérol qui était en hausse.

En fait c’était pire

J’ai donc continué mon enquête et je suis tombé sur les déclarations de Lael Brainard, numéro deux de la FED. La dame a déclaré la chose suivante :

« À l’heure actuelle, il est très difficile de voir les arguments en faveur d’une pause dans la hausse des taux » – « Nous avons encore beaucoup de travail à faire pour ramener l’inflation à notre objectif de 2% ».

Un objectif de 2% sur l’inflation. Comme c’est MIGNONNNNNNNNNNN !!!!! Le pétrole est à 116$, il faut bientôt hypothéquer ta maison pour acheter un trio-pack de céréales Kellogs tellement le prix du blé est monté et le cheeseburger au McDo vaut presque le prix d’un plat de pâtes aux truffes sous prétexte que c’est la guerre en Ukraine et que les chaîne d’approvisionnement sont rompues et qu’il y a un shortage de petits pains pour les burgers parce que les Chinois viennent seulement de se déconfiner et que l’économie est encore au ralenti. Je pense que l’objectif de 2% sur l’inflation c’est comme moi si je me mets au régime avec un objectif à 45 kilos dans six mois, mis à part me couper les deux jambes, je ne vois pas comment c’est possible.
Quoi qu’il en soit et mis à part mes problèmes de gestion de la nourriture, il faut reconnaître que la déclaration de Madame Brainard n’est pas la nouvelle la plus bullish que l’on ait entendu ces 9 derniers mois – surtout quand on connait notre sensibilité à ce genre de déclaration – la dernière fois qu’on a eu un truc comme ça, il s’est passé à peu près la même chose qu’au stade de France quand les flics français ont commencé à taper sur les Anglais pendant que Darmanin hurlait et encourageait ses troupes depuis la tribune principale assis sur son réhausseur pour que les caméras de TF1 puissent le voir, tout est parti dans tous les sens.

Mais en fait hier, après une déclaration pareille, tout est monté. Absolument tout.

Ils ont même essayé de faire parler la présidente de la Fed de Cleveland, Loretta Mester. Elle, elle a déclaré qu’il était trop tôt pour dire si l’inflation avait atteint un pic, mais aussi que la banque centrale doit faire preuve de « force morale » dans sa lutte pour ramener l’inflation sous contrôle, ce qui POURRAIT SIGNIFIER UNE ACCÉLÉRATION DES HAUSSES DE TAUX en septembre.

Attendez… On est passé de « faisons une pause en septembre » à « montons les taux plus fort et plus vite en septembre » ???? – Et le Nasdaq termine en hausse de 2.7%, le S&P500 bondit de 1.8% et Microsoft ne baisse pas sur un profit warning ? Je suis en train de me demander si on n’a pas fait ingurgiter du GHB au marché à l’insu de son plein gré !!!

Tout ça pour dire que…

Les marchés sont donc montés comme un seul homme. Avec quasiment aucune justification. Aucune bonne raison. Ou alors peut-être une… Hier les chiffres de l’emploi du secteur privé sont sortis. Les experts à Wall Street s’attendaient à 299’000 créations d’emplois. Le chiffre officiel est de 128’000… Au-delà du fait que l’on peut supposer que les types ont oublié quelque chose dans leurs calculs de prévision, on peut (À LA LIMITE) imaginer que c’est interprété comme une bonne nouvelle qui pourrait calmer l’inflation – mais qui peut aussi être interprétée comme une mauvaise nouvelle parce que ça fout un coup de frein à l’économie. Visiblement, on va dire qu’hier c’était LA NOUVELLE qui faisait monter les marchés – parce que je ne vois rien d’autre. Ou alors à la limite la couleur du chapeau de la Reine d’Angleterre, mais j’en doute.

L’OPEP a parlé

Reste encore à aborder le sujet du pétrole. Si vous vous souvenez encore ce que l’on s’est dit hier dans cette même chronique, le baril avait baissé parce que l’OPEP devait annoncer une augmentation de la production pour compenser le manque causé par la Russie qui est au goulag pour les 50 prochaines années, sans avoir une carte « sors immédiatement de prison sans passer par le start ». Eh bien l’OPEP a parlé. Mais ils n’ont annoncé qu’une faible hausse qui ne suffira pas à compenser quoi que ce soit et qui sera probablement trop tardive pour avoir un quelconque impact selon les experts – les experts en pétrole, c’est les mêmes qui se gourent sur les inventaires pétroliers du mercredi soir depuis 5 décennies pour les meilleurs.

Ceci dit, la nouvelle a fait remonter le pétrole qui était en baisse parce qu’il anticipait autre chose. Caramba. Encore raté. Ce matin le baril est à 116.60$ – encore un truc en faveur des 2% d’inflation de Madame Brainard.

En Asie, le Japon est en hausse de 1.10% à cause de toutes les bonnes nouvelles que j’ai cité précédemment, mais surtout parce que Wall Street était en hausse hier soir. La Chine et Hong Kong sont fermés pour cause du Festival des Bateaux-Dragons – un truc super-important. Ils sont confinés depuis des mois et là, PAF.. vacances… Le Bitcoin est à 30’500$ et l’or est à 1871$ et se comporte comme une balle magique – dans tous les sens – bon, une petite balle magique.

Les news de la journée

Dans les nouvelles du jour, on retiendra que les diplomates français sont en grève. Je ne commenterais même pas, mais on va dire qu’il vaut mieux entendre ça que d’être sourd. Il y a aussi les USA qui lancent des sanctions contre les « hommes de paille » de Poutine et sur les yachts qui lui seraient rattachés. C’est vrai que ça va sûrement le gêner de ne pas aller boire un Coca à 16 euros chez Sénéquier en plein mois de juillet avec son yacht. Puisque l’on parlait de la hausse des taux, il faut noter que la Banque Nationale Ukrainienne vient de monter les taux à 25%… Et nous on râle pour 0.5%. On notera que Musk déplace son « jour de l’intelligence artificielle » du mois d’août au mois de septembre, il espère ainsi présenter son robot intelligent qui devrait pouvoir tweeter à sa place. Il y a aussi Coinbase qui stoppe ses engagements et Gemini, la société des frères Winklevoss qui licencie 10% de son staff, ça rigole moins dans les cryptos.

Et puis, il est intéressant de noter, dans ce marché qui semble marcher sur la tête (un petit peu) que tous les avis sont dans la nature – on se bagarre entre bulls et bears pour savoir si l’on est dans un rebond dans un Bear Market ou si c’est LE REBOND de la mort qui tue, l’élu, celui qui nous amènera au firmament des bourses mondiales. À ce sujet je vais vous livrer un chiffre sur lequel vous pourrez méditer pendant le long week-end de Pentecôte : « Lors des 26 précédents BEAR MARKETS de l’histoire, il y a eu 17 rebonds de plus de 10% – puis le marché a replongé. »

En gros, ça veut dire que c’est pas parce qu’on a rebondi de 10% qu’on a course gagnée et que ça va rigoler. La seule chose que l’on constatera, en ce vendredi 3 juin, c’est que nous avons l’air d’être immunisés contre à peu près toutes les mauvaises nouvelles qui circulent. Reste à voir si ça peut durer.

Les chiffres du jour

Aujourd’hui, il y a plein de chiffres en Europe, il y a l’Angleterre et la Chine qui sont fermés, mais pour être franc, la seule chose qui comptera, c’est les chiffres de l’emploi aux USA, histoire que l’on puisse tirer plein de conclusions sur l’inflation. On attend un taux de chômage à 3.5% et 325’000 nouvelles créations d’emploi. Si les analystes sont aussi faux que sur les attentes des chiffres d’hier, il devrait y avoir 139’000 nouvelles créations d’emplois.

Moi je vais vous laisser jouer avec les chiffres et attendre 14h30 – j’en profite pour vous souhaiter un excellent week-end -prolongé- et je vous retrouve mardi matin pour faire le point. Soyez forts et dites-vous bien que des fois, les mauvaises nouvelles ne sont pas si mauvaises que ça. La preuve !

À mardi !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Always remember that you are absolutely unique. Just like everyone else. » -Margaret Mead