Actuellement, si l’on devait résumer ce qu’il se passe sur les marchés, je crois que l’on pourrait largement dire que l’on vit au jour le jour et même heure par heure. Autant durant ces quelques derniers jours, nous nous étions presque emballés en se disant que les Ukrainiens et les Russes allaient finalement se mettre d’accord et que l’on allait tous pouvoir retourner à une vie normale nous occuper de l’inflation et de notre cinquième, sixième et septième dose de vaccin anti-COVID, autant depuis hier matin on se rend compte que l’on ne peut pas vraiment faire confiance aux Russes et à Poutine et ses yeux chafouins.
L’Audio du 31 mars 2022
Nous n’avons pas les mêmes valeurs
On ne peut pas vraiment leur faire confiance, puisque même pendant les pourparlers, tant que c’est pas signé, l’armée russe continue à bombarder comme si de rien n’était.
En gros ; on n’a pas tous la même notion du terme « signe détente ». Alors que nous, experts du monde merveilleux de la finance, avons tendance à interpréter la chose comme une période de calme pour se laisser le temps de trouver des solutions pacifiques (des solutions à trouver en trois jours alors que ça fait 50 ans qu’ils ne sont pas d’accord), les Russes ont l’air de faire comme si de rien n’était sur le terrain en disant : tant que c’est pas signé, il n’y pas de paix qui tienne. Et si y a pas de paix, c’est que c’est la guerre. Oui, l’homme est ainsi fait et largement assez con depuis plus de 3’000 ans pour que ça continue de la même façon. Autant sur plein de points, l’être humain a évolué, autant pour ce qui est de la guerre et de la politique il est resté aussi con qu’à l’époque où les gars se massacraient au sabre dans les grandes plaines des Highlands pour savoir qui serait celui qui resterait tout seul à la fin.
Donc hier les marchés se sont rendus compte que l’on ne pouvait pas compter sur les Russes pour faire la paix aussi facilement et la plupart des indices se sont repliés, victimes de ce que l’on appelle, dans le monde des experts en finance de marché : des prises de profits. Oui, quand ça baisse et que l’on ne sait pas trop pourquoi on vend alors que les théories que l’on tenait la veille étaient plutôt basées sur la construction du futur sur une base long terme, on utilise la phrase « prises de profits » – ça veut que l’on ne sait pas trop qui vend, comment ni pourquoi ça baisse, mais ça fait classe et ça fait surtout le gars qui a toujours une explication pour ce qui se passe. Les indices américains étaient donc tous en repli, mais les destins étaient un peu différents. Alors que le Dow Jones ne reculait « que » de 0.20%, le S&P500 était en baisse de 0.63% et le Nasdaq était – comme d’habitude – un peu plus volatile que le reste et abandonnait 1.21%.
L’inflation en Europe
On peut donc largement dire que les prises de profits sur les secteurs de croissance étaient nettement privilégiées, ce qui fait encore plus « pro » dans notre approche explicative de ce qui s’est passé hier. En Europe c’est le DAX qui tirait tout le monde à la cave, l’indice allemand reculait de 1.45% et réintégrait son canal descendant alors que la veille on avait presque l’impression qu’il était en train d’en sortir – à l’image de ce que ses cousins américains avaient déjà fait depuis quelques jours. Le CAC40 baissait de 0.74%, la Suisse de 0.66% et l’Italie ne faisait rien.
En ce qui concerne l’Europe, au-delà de la problématique guerrière qui semblait obnubiler les marchés hier, il faudra aussi retenir que les chiffres de l’inflation qui ont été annoncés durant la séance était carrément monstrueux. Ça fait un moment que l’on suit attentivement ce qui se passe aux USA et que l’on se moque du fait que l’inflation est totalement hors de contrôle, mais depuis les annonces d’hier, on a l’impression que l’on n’a clairement pas de quoi faire les malins en se comparant aux compatriotes de Joe Grabataire Biden.
Récession en Europe ?
En effet, les économistes allemands ont révisé leurs prévisions de croissance pour 2022 de 50%. Pour faire simple, on passe de 3.6% auparavant à 1.8% – alors qu’au mois de décembre, on parlait encore de 4.6% – en résumé, le premier trimestre devrait se terminer par une croissance nulle dans le meilleur des cas – ou une récession dans le pire…
L’inflation du mois de mars vient d’être mesurée à 7.3%, chose que l’on n’avait plus vu depuis 1990, alors qu’en Espagne, on annonçait une inflation à 9.8%, au plus haut depuis 1985 et pour couronner le tout, les prix à la production en Italie sont en hausse de 33% sur une année. Autant dire que le plat de spaghetti va rapidement devenir un repas gastronomique. Pour l’Europe entière, les chiffres de l’inflation pour mars devraient s’établir à 7% et on s’attend à la même chose en avril. Alors soit, c’est moins que les USA, mais y franchement pas de quoi la ramener.
Les matières premières dans l’ascenseur (de nouveau)
D’ailleurs hier on pouvait aussi constater que le fait que les Russes ne rendaient pas les armes avait aussi des conséquences sur les matières premières qui étaient toutes fortement recherchées ou presque. On a un peu une manière de fonctionner assez basique en ce moment , puisque l’on fonctionne sur deux axes différents :
Axe 1 – l’hypothèse que la guerre va se terminer et que dans trois semaines, on recommence à reconstruire l’Ukraine et que cet été, Poutine part en vacances avec Zelensky et ils vont retrouver Biden pour jouer au golf en Floride sur le terrain de Trump. Auquel cas on achète les actions de croissance, on vend le pétrole et les matières premières et on se ronge les sangs au sujet de l’inflation et de la hausse des taux à venir.
Ou l’autre alternative que l’on appelera l’Axe 2 – qui est l’hypothèse que la guerre va continuer en Ukraine pour les 12 prochaines années et que les Russes vont continuer à déverser tout ce qu’ils ont comme stocks de bombes sur Kiev, auquel cas on vend les actions de croissance, on achète le pétrole et les matières premières parce que ça va être un shortage d’à peu près tout un peu partout, en attendant que ça se tasse – tout en ne croyant pas un instant que ça se tassera. Et dans ce cas de figure, on se ronge également les sangs au sujet de l’inflation et de la hausse des taux à venir.
Il y a aussi une minorité qui parient sur le fait que Poutine va disjoncter et sortir son arsenal nucléaire. Mais dans ce cas-là, il vaut mieux commencer à chercher une alternative de vie différente sur une île déserte loin de tout vie humaine ou de ce qu’il en restera après.
Hier le pétrole était fortement recherché, tout comme le reste. Le baril était à nouveau dans la zone des 108$ et les matières premières agricoles suivaient le mouvement également. Ce matin c’est plus vraiment la même, puisque le baril s’est fait exploser pendant la nuit suite aux rumeurs de l’annonce qui devrait être faite aujourd’hui par Joe Biden.
Le pétrole à la casse
En effet, encore une fois ce ne sont que des rumeurs, mais au vu des détails qui sont déjà connus, cela serait assez surprenant que cela ne soit pas confirmé – il semblerait que le Président américain pourrait annoncer la vente de 1 million de barils par jour pour contrer la hausse du pétrole. Les barils concernés viendront donc de la réserve stratégique et cette opération « faire baisser le prix du gallon pour faire remonter ma cote de Président qui est en train de s’effondrer » pourrait durer plusieurs mois. Enfin, plusieurs mois, on ne sait pas exactement, puisque la réserve stratégique en question ne détient que 568 millions de barils aux dernières nouvelles.
Si j’ai bien compris le concept des divisions, cela voudrait dire que Biden peut balancer 1 million de barils par jour sur le marché mais seulement pendant 568 jours – autrement dit : 18 mois. Après, les Américains seront à poil et il faudra vraiment que la guerre soit terminée et que les Chinois ne foutent pas le bordel à Taïwan entre deux. Enfin, toujours est-il que cette « annonce to be » qui devrait être faite ce jeudi lors d’un meeting qui est prévu par la Maison Blanche pour parler de « sa stratégie pour combattre la hausse du prix de l’essence et la chute de Biden dans les sondages ». Depuis que les « deux personnes proches du dossier » qui préfèrent garder l’anonymat parce qu’ils ont quand violé le secret de fonction, ont parlé de cela, le baril s’est fait déglinguer de 108.75$ hier soir à 101.80$ ce matin sur le WTI. Ça calme. On va peut-être pouvoir faire le plein d’essence lundi matin sans avoir besoin de vendre un rein.
L’Asie
Ce matin l’Asie est dans le rouge de façon uniforme. On est poussé à la baisse par la guerre et par le fait que les chiffres économiques en Chine étaient pourris. Oui, parce qu’aussi fou que cela puisse paraître, le fait que la moitié du pays soit confiné n’aide pas franchement la croissance manufacturière du pays. Le Japon recule de 0.2%, tout comme Shanghai, alors qu’Hong Kong est un peu plus mal, en baisse de 0.7%.
Pendant que le pétrole se fait exploser, l’or ne fait pas grand-chose puisque le métal jaune est toujours plus ou moins à 1930$. Côté cryptos, l’Ether et le Bitcoin sont plus ou moins inchangés et attendent la prochaine vague d’acheteurs pour aller chercher plus haut, mais semblent à nouveau en panne de motivation.
Nouvelles du jour
Pour ce qui est des nouvelles du jour, je crois que l’on ne va pas y aller par quatre chemins, on a déjà abordé le sujet des réserves stratégiques pour le pétrole, on parle aussi de la mise en place d’une loi pour favoriser le développement des entreprises dans les métaux rares aux USA – il semblerait que l’on commence à flipper sur le fait qu’éventuellement peut-être les USA pourraient se trouver à court de métaux pour faire des batteries pour les voitures électriques. Tout le secteur « Lithium » était en hausse hier. Que ce soit Lithium Americas qui prenait 14.6% ou Piedmont Lithium qui montait de 7%. MP Materials, Standard Lithium et Livent étaient également tous en hausse. Ce plan devrait être également annoncé d’ici la fin de la semaine. En tous les cas, quand on voit la qualité des infos qui sortent de la Maison Blanche avant que cela soit annoncé, j’espère vraiment que la CIA ne bosse pas sur les mêmes standards, sinon on est mal.
Donc, mis à part la guerre, les mesures économiques de Biden pour sauver le pays et son cul, le même Biden qui se fait la quatrième dose en public et le lancement d’un nouveau site internet qui s’appelle COVID.gov, il n’y a que très peu de nouvelles fondamentales. On peut encore parler des chiffres de l’emploi ADP qui ont été annoncé pile-poil dans les attentes hier – ce qui est assez rare pour être signalé. Que l’on attend impatiemment les chiffres des NFP de demain, il n’y a pas grand-chose d’autre à signaler. D’ailleurs la première nouvelle importante après la guerre et les réserves stratégiques américaines, c’est la gifle de Will Smith, c’est dire si on n’a rien à se raconter en ce moment, puisque si Poutine a réussi à faire oublier le COVID avec sa guerre, Will Smith a fait oublier le COVID, la guerre, la fin dans le monde et les LGTBTQQ++, la future élection de Macron et l’écriture inclusive en une seule gifle.
Les chiffres
Côté chiffres, il y aura le GDP anglais, le chômage en Allemagne et les Jobless Claims aux USA. Pour le moment les futures sont en hausse de 0.10% et on se demande si on peut encore faire confiance à Poutine.
Passez une très belle journée et on se retrouve demain en plein forme. Enfin, on va essayer !!
À demain.
Thomas Veillet
Investir.ch
“In the end, it’s not the years in your life that count. It’s the life in your years.” -Abraham Lincoln