Gestion thématique, gestion passive et gestion ESG dans un monde globalisé.

Autour de la Table Ronde organisée par Quantalys à Genève en début de semaine, Jean-François Bay, Directeur Général de Quantalys et Laurent Auchlin, Managing Partner de Anglo Swiss Advisors ont débattu des tendances majeures observées dans le secteur de la gestion d’actifs, avec Fabio Lopes du site investir.ch comme modérateur.

 

Thème 1 : la globalisation de l’offre

QUANTALYS Table ronde
Des intervenants de grande qualité
(JF Bay, L. Auchlin et F. Lopes)

La Suisse bénéficie d’une longue tradition de gestion et les acteurs locaux ont toujours eu pour habitude de chercher les meilleurs produits en dehors des frontières. Le cas helvétique est cependant particulier, du fait qu’il s’agit d’une petite nation accueillant une large clientèle internationale présentant de nombreuses typologies différentes, allant du choix de l’exposition monétaire à un éventail de perceptions du risque. L’ «ouverture au monde» était donc un passage obligé.

Par contre, durant une longue période, un tel niveau de sophistication et d’ouverture n’a pas été nécessaire dans les grands pays européens ou aux Etats-Unis. La clientèle locale était servie par des acteurs locaux leaders sur leur marché domestique et proposant souvent des produits au sein desquels le marché boursier national était surpondéré.

Mais le monde change et aujourd’hui, des acteurs globaux sont en mesure d’offrir leurs produits sur l’ensemble des marchés. Ainsi au niveau européen, les 3 sociétés de gestion ayant collecté le plus d’argent frais sur le premier semestre de l’année sont les mastodontes américains BlackRock, J.P.Morgan AM et Vanguard, comptabilisant à eux 3 le tiers des montants souscrits. Notons tout de même qu’en 4e position par société de gestion, on trouve UBS et si l’on regarde l’ensemble des acteurs par pays, les USA occupent la première marche, suivis de la France et ensuite la Suisse.

Thème 2 : la gestion ESG devenue incontournable

Les trois lettres E-S-G sont désormais omniprésentes. Cependant, le focus est souvent sur E (et plus spécifiquement sur la décarbonisation), peu sur G et presque jamais sur S.

Par ailleurs, les attentes sont différentes entre caisses de pension, fondations, private banking, family office ou encore clientèle retail. Chaque investisseur aura sa propre interprétation de l’ESG et de facto une méthodologie d’analyse spécifique et des choix de produits différents sur base de critères plus ou moins stricts.

Que l’on parle de best-in-class, d’exclusion ou d’impact, chacun trouvera les produits répondant à ses attentes, allant de l’ETF aux fonds actifs focalisés sur des thématiques ESG (New Energy, Climate Change, Water, Circular Economy, etc.). L’analyste, du fait de cette disparité de l’offre, doit effectuer un travail complexe mais absolument indispensable afin d’éviter au maximum le risque de greenwashing.

Une forme de standardisation de l’approche ESG se met cependant en place avec le CFA Institute qui propose désormais un module spécifique et une certification qui fera probablement office de référence dans l’industrie. Une industrie qui repose d’ailleurs sur un nombre restreint de producteurs d’indices (seulement 4 leaders mondiaux) proposant désormais une offre ESG.

N’oublions pas non plus l’impact du géant BlackRock sur l’approche de l’ensemble des acteurs de la gestion. Depuis que Larry Fink a déclaré son intérêt pour la décarbonisation des investissements, qui serait assez fou pour s’opposer à la première société de gestion mondiale, qui contrôle 10’000 milliards de dollars d’actifs et est souvent le premier actionnaire de la plupart des grandes sociétés cotées. A titre de comparaison, l’ensemble des fonds de placement déposés dans l’ensemble des banques en Suisse dépasse à peine les 1’000 milliards, soit une différence d’ordre de grandeur de 1 à 10.

Thème 3 : la montée de la gestion passive

Ces dernières années, on a également observé un Intérêt croissant pour les ETF, tant de la part des investisseurs institutionnels que retail. Les fonds passifs ont ainsi connu mois après mois une collecte positive, de janvier à septembre 2021. Et cet engouement va bien au-delà des frais de gestion très bas associés aux produits les plus basiques.

On trouve aujourd’hui pléthore d’ETF axés sur des thématiques et souvent gérés activement (actively managed). Ces produits beaucoup plus complexes à analyser ont aussi souvent des frais de gestion plus élevés. L’analystes ou conseiller spécialisé est désormais incontournable au sein d’un secteur de la gestion de fortune qui connait une transformation majeure en passant d’un modèle de rémunération dépendant en partie de rétrocommissions (découlant d’investissements dans des produits financiers lourdement chargés en frais), à une rémunération basée sur la performance (performance fees) ou sur le conseil personnalisé (advisory).

Thème 4 : la gestion thématique plébiscitée

Les fonds thématiques ont longtemps été regardés comme des bêtes étranges par les allocateurs qui ne savaient pas dans quelle case de leur grille d’allocation les placer, ainsi que par l’analyste qui ne savait pas à quoi les comparer. Aujourd’hui, tant le concepteur du produit thématique, que l’analyste, le conseiller et le client final ont décidé d’aller au-delà de l’allocation et de se concentrer sur l’histoire que raconte le produit.

En effet, l’essor des mandats de conseil (advisory) que nous avons déjà évoqué a favorisé la multiplication des produits thématiques. L’advisory impliquant d’avoir quelque chose à raconter au client afin de le convaincre d’investir, le produit thématique s’impose naturellement du fait qu’il repose en grande partie sur du story telling, à savoir les raisons pour lesquelles la thématique représente un investissement tellement prometteur, que l’on parle d’exploration spatiale, d’énergies renouvelables, de cannabis, de santé, de millennials, de vieillissement de la population, de cloud ou encore de blockchain… des histoires effectivement beaucoup plus vendeuses que les habituels rapports financiers.

Conclusion

Les différentes thématiques évoquées se combinent désormais dans un monde de la gestion qui évolue. Les grands acteurs globaux proposent à la fois des produits actifs et passifs, des approches thématiques basées sur des histoires vendeuses, et le tout géré sous l’angle d’une finance plus durable. Une offre qui semble de plus en plus large mais au sein de laquelle la diversité n’est parfois qu’apparente du fait de la concentration des principaux acteurs, que ce soit du côté de la gestion des produits ou du côté de la production des benchmarks.

L’industrie de la gestion de fortune évolue aujourd’hui vers une offre personnalisée et un conseil adapté à chaque type de clientèle. Dans ce contexte, la nécessité devient – aux côtés de grands classiques incontournables – l’identification de produits atypiques gérés par des boutiques spécialisées mais moins connues, permettant au conseiller de se différencier de ses concurrents.

Cela passe obligatoirement par des analyses beaucoup plus sophistiquées nécessitant de nouvelles compétences spécifiques de la part des analystes, mais aussi l’accès à des données de qualité permettant le filtrage quantitatif d’une offre de produits devenue surabondante.