Après plus de 10 années de laisser-faire, les états fourbissent-ils leurs armes pour une mise à mort annoncée?
Le 3 janvier 2009 a vu naitre le bitcoin. Douze ans plus tard, la fête pourrait se terminer. D’une petite soirée entre initiés, la crypto est devenue the global place to be avec un marché dépassant les 2’000 milliards de dollar et attire les regards de plus en plus critiques des gouvernements.
Libra, Diem… la fin d’un rêve utopique
Juin 2019, lancement officiel de Libra, la cryptomonnaie de Facebook. L’annonce avait suscité les espoirs les plus fous chez certains. Dès le début, j’avais émis de sérieux doutes sur la viabilité d’un projet s’attaquant de front au droit régalien des états de frapper monnaie. Qui plus est, le projet était porté par Facebook, alors éclaboussé par divers scandales liés à la protection de la vie privée.
Après un démarrage en fanfare et une couverture médiatique des plus enthousiaste pour ne pas dire complaisante, premiers revers pour le plan monétaire hégémonique imaginé par Zuckerberg et ses followers. Les états lèvent les sourcils, puis les froncent. Révision à la baisse des ambitions, chamboulement des partenariats et nouveau nom, Diem, pour effacer en partie l’échec du plan initial. Finalement, le couperet est tombé la semaine dernière, Diem quitte Genève et abandonne ses ambitions globales. Le nouveau projet relocalisé aux Etats-Unis sera de s’associer à une banque tout ce qu’il y a de plus classique pour lancer une forme de dollar digital. Tu parles d’une révolution…
Elon, le roi fou
Est-il besoin de revenir sur les déclarations d’Elon Musk à propos des cryptomonnaies et du bitcoin ou du dogecoin en particulier? A coups de tweets, nous avons assisté en direct à rien d’autre qu’une opération de manipulation de marché. Ceci aura des conséquences légales. Je ne puis imaginer que les autorités de contrôle permettent ce genre de pratique encore bien longtemps. Surtout maintenant qu’elles ont les cryptomonnaies dans le viseur.
Et pour en revenir à l’argument favori des bitcoin-lovers, à savoir que la cryptomonnaie serait l’équivalent de l’or digital, une réserve de richesse sécurisée échappant à toute influence des autorités… disons que la moindre des choses qu’on attendrait d’une telle «sécurité» serait que son cours ne fasse pas des loopings à chaque tweet d’Elon Musk. Et pour ce qui est de la préservation du pouvoir d’achat, on repassera…
Plateformes et voleurs
Tout le monde n’a pas les compétences pour gérer des wallets, des clés privées, ni toute la technologie à maitriser pour transférer correctement des cryptos d’un portefeuille à l’autre. Mais heureusement, il y a les plateformes. Il suffit d’ouvrir son compte, de l’alimenter en dollars ou autre devise, et on peut commencer à acheter des cryptos. Un peu de patience et on devient très vite riche sans rien avoir à faire. Magique! Avec en prime ce parfum sulfureux d’aventure, traiter anonymement dans la devise des contrebandiers du dark web en achetant son nouvel aspirateur sur digitec.ch, c’est tellement romantique. Sauf que d’habitude on n’est pas si anonyme sur une plateforme qui a correctement réalisé son KYC… et encore moins quand on fournit l’adresse de livraison de l’aspirateur.
Retour sur terre. Parfois le client de la plateforme fait face à une mauvaise surprise et… perd tout. Car les sommes en jeu attirent les voleurs. Parmi les plateformes piratées, on citera Bitstamp, Mt. Gox, Bitfinex dont les noms font désormais partie de l’histoire. Et plus récemment, la plateforme turque Thodex, dont le fondateur a disparu en emportant l’équivalent de 2 milliards de dollars volés à ses clients. Des pirates anonymes qui volent des monnaies intraçables. Zut alors, les clients lésés ne l’avaient pas vu sous cet angle. Rendez-moi mes espèces sonnantes et trébuchantes!
Plateformes et shérifs
D’aucuns diront qu’il s’agit également de voleurs: les administrations fiscales. Si celle du canton de Zoug propose aimablement aux contribuables de régler leur facture en bitcoin, d’autres voient d’un mauvais œil le développement à large échelle de flux financiers échappant à leur supervision.
Coinbase a récemment fait son entrée en bourse. Le succès de la plateforme démontre l’intérêt croissant des petits investisseurs à récolter leur part de miettes du gros crypto-cake. Et comme chaque fois, lorsque quelque chose de nouveau devient mainstream, le shérif vient y jeter un œil.
Ainsi Binance, l’une des principales plateformes d’échange crypto est depuis la semaine dernière sous enquête de l’IRS, le fisc américain. Les soupçons portent sur des chefs de blanchiment et d’évasion fiscale. Quand on se rappelle l’énergie avec laquelle les autorités américaines s’étaient attaquées au secret bancaire suisse, on aura du mal à imaginer un happy end pour ces plateformes et leurs clients aux mœurs fiscales trop légères.
Liberté, j’écris ton nom sur la blockchain
Bien entendu, ces histoires de plateformes, c’est pour les amateurs. Le véritable libertarien agit sans intermédiaire, il gère ses wallets et ses clés privées, jongle avec les adresses numériques et échappe à tout contrôle. Il se méfie de l’état corrompu et appelle de ses vœux la décentralisation. Il se méfie de la monnaie officielle qui ne vaudra bientôt plus rien à cause des interventions des banques centrales. Il se méfie aussi des banques, rouages du grand complot capitaliste mondial visant à le déposséder de ses avoirs. Il veut échapper à l’œil inquisiteur du pouvoir, il recherche l’anonymat, il se cache sur le web, il utilise TOR. Il est prêt !
Mais à quoi est-il donc si bien préparé? A l’effondrement du système bancaire et de l’état, rien que ça! Il n’a pas encore compris que dans son fantasme à la Mad Max, ses bitcoins ne seront guère utiles, sans électricité, sans réseau de données et face au chaos des foules affamées.
L’innovation, la disruption… c’est le futur qu’on assassine!
Bien sûr, et le progrès et la liberté d’entreprendre. De quel droit emmerde-t-on ainsi les inventeurs de la finance de demain?
Déjà, il faut faire la différence entre ce qu’on pourrait appeler un exercice de style et une solution réellement utilisable et utile pour l’humanité. Qui donc aurait besoin de ces cryptos? En quoi l’individu moyen se porterait-il mieux grâce à elles? De mon avis personnel, les cryptos en l’état actuel mériteraient un nouveau 6e étage en lévitation au-dessus du sommet de la pyramide de Maslow. Car si l’idée est séduisante sous certains aspects, trop de questions restent sans réponse satisfaisante quant au progrès réellement apporté.
De plus, penser à l’avenir c’est également gérer les futurs plus ou moins proches et établir des priorités. La consommation énergétique de certaines cryptos en est un bon exemple. Avec les moyens actuels, le minage de certaines monnaies digitales reste trop gourmand en ressources à la raréfaction annoncée. Aujourd’hui, les technologies plus vertes déployées par certains mineurs seraient mieux allouées si elles étaient utilisées à autre chose que du minage. La prise en compte croissante des aspects énergétiques par les gouvernements leur fournit un argument de poids pour mettre un frein au développement des cryptomonnaies.
Pour l’instant, nous vivons encore toujours dans un monde où l’état a le pouvoir de décision. Et les gouvernements semblent bien décidés à en user contre le développement des cryptomonnaies et à protéger leur pré carré: la création monétaire et les recettes fiscales. D’autant plus que l’offre de monnaies digitales officielles se précise.
Pour terminer, nous vous proposons de participer à un petit sondage.
En 2021, voyez-vous l'environnement pour les cryptomonnaies
- devenir plus difficile, sous la pression réglementaire (66%, 423 Votes)
- repartir de plus belle grâce à Ste-Cathie et St-Elon (34%, 217 Votes)
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