On a arrêté de compter depuis combien de jours on monte parce que l’on est optimiste et plein d’espoir sur le déconfinement. Pendant ce temps, il n’y aucun signe de rebond économique concret, des tensions avec la Chine qui ne cessent de grimper (aussi), sans compter que la moitié des USA est dans la rue pour protester contre les violences policières et que le Président provoque la foule en menaçant d’appeler l’armée à la rescousse. Mais peu importe, Wall Street s’en contrefout puisque la seule chose qui fait encore fonctionner le marché, c’est le fait que l’on est plein d’espoir en ce qui concerne le redémarrage de l’économie. N’importe quelle nouvelle qui laisse supposer que quelque chose va rouvrir et que l’on va retrouver une vie « normale » suffit pour faire monter le marché de 2%. Plus rien d’autre n’a d’importance que la réouverture de l’économie mondiale – même si le jour où tout est rouvert les USA ne parlent plus aux Chinois et qu’ils auront transformé le contrat du Trade Deal en rouleaux de papier toilette. Même si d’ici-là, le couvre-feu sera en place dans les 50 plus grandes villes des Etats-Unis, Wall Street s’en fout, parce que tout sera ouvert.

L’Audio du 3 juin 2020

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Insensible à tout

Aujourd’hui, on ne s’intéresse plus au chômage, plus au fait que le GDP ne ressemble plus à rien. Les chiffres économiques ont perdu leur importance parce que l’on sait que ça sera « pas bon » pendant un moment, mais que l’on espère tellement fort que l’économie va retrouver son état « d’avant la pandémie », MAIS qu’en plus on va être noyé sous les plans de soutien et les crédits gratuits que plus rien ne semble pouvoir faire baisser la bourse et que l’on commence même à croire qu’un jour on sera comme l’Oncle Picsou, à se baigner dans une piscine de pièces d’or. Quoi que l’or c’est encore le seul truc qui ne monte pas en ce moment.

Pourtant, nous sommes tous conscient qu’à force d’acheter sur « l’espoir » que tout redevienne comme avant est peu utopique et qu’un jour, pour je ne sais quelle raison, le marché va arrêter d’y croire, va commencer à trouver le temps long et la machine à rêves que Wall Street a mis en place va s’arrêter de fonctionner et que la réalité d’une économie blessée et placée sous respirateur va remettre en question le fait que l’on est monté trop vite, trop haut en se basant sur une drogue de synthèse qui ne fait que créer la dépendance : l’espoir que tout redevienne comme avant. Même si sur les réseaux sociaux on continue de nous dire que le monde d’avant ne reviendra pas et que nous sommes dans un nouveau monde. Mais comme le disait je ne sais plus qui : « En fait le monde d’après, c’est le monde d’avant qui se fout de l’après comme avant ».

Disneyland ouvre un nouveau parc au Sud de Manhattan

Quoi qu’il en soit, on peut râler, on peut se rouler par terre, on peut essayer de rationaliser, d’être logique et de taper contre les murs en hurlant que c’est débile ce qui se passe – mais en attendant, ça monte. Il est absolument fascinant de se rendre compte que Wall Street fonctionne avec des œillères et quoiqu’il se passe en dehors de son champ de vision, ça ne l’intéresse pas, mais en attendant, ça monte et comme disait l’autre : il ne faut jamais se battre contre la tendance. Vendredi dernier on montait parce qu’on était optimiste pour le déconfinement, lundi on montait parce que le déconfinement rendait optimiste, mardi l’optimisme régnait parce qu’il y avait plein d’espoir pour la suite du déconfinement et ce matin encore, les futures sont en hausse parce que le déconfinement va faire du bien et sera positif pour les marchés. Le reste : ON – S’EN – FOUT.

Hier en Europe on a commencé à entendre que le gouvernement Allemand pourrait annoncer un nouveau plan de soutien à l’économie germanique. Un plan de 100 milliards. Autant vous dire que de nos jours, 100 milliards de plan de soutien c’est une goutte d’eau dans la mer. En temps normal, si t’es un gouvernement et que t’as envie que l’on parle de toi, le tarif c’est 1’000 milliards minimum, sinon t’es un « chicken ». Mais bon, comme en ce moment on est quand même hyper-réceptif aux bonnes nouvelles, on a quand même joué le jeu et le DAX s’est envolé de près de 3.75% – 3.75% de hausse pour un plan de 100 milliards – on avait presque l’impression que Berlin avait annoncé un plan qui allait distribuer 10 millions d’Euros cash par Allemand, sauf Sebastian Vettel, parce qu’il gagne assez et qu’il n’habite plus en Allemagne depuis longtemps. Depuis les plus bas du 18 mars à Francfort, l’indice Allemand est en hausse de 45%. C’est pratiquement 1% de hausse par jour de trading, le tout avec le chômage qui explose et les usines à l’arrêt pendant la plupart de ces 10 semaines. Je ne sais pas ce que l’on est en train d’anticiper, mais ça va être champagne et cotillons pour tout le monde tellement l’avenir va être radieux beau et merveilleux. En tous les cas c’est ce que les bourses mondiales sont en train d’anticiper. Ce qui me fait le plus peur, c’est que l’on soit à cours de champagne le premier juillet quand on se rendra compte que tout est redevenu comme avant, sauf qu’en plus on croule sous le pognon des plans de sauvetage.

Sous perfusion

Aux USA c’était pareil, pas de plan de sauvetage annoncé parce que le gouvernement est un peu occupé à ne pas s’écrouler sur lui-même entre Biden qui donne des leçons de gestion de crise, que l’on ne comprend pas bien – probablement à cause de toutes les casseroles qu’il traîne derrière lui qui font trop de bruit et qui couvrent ses paroles. Sans compter Trump qui n’arrive pas à aligner deux phrases ou deux tweets sans dire une connerie, mais on n’a pas besoin de plan de sauvetage, parce qu’on a la pilule magique du déconfinement – une mauvaise nouvelle ? Pas grave on avale une pilule du déconfinement et on sent immédiatement une envie délirante d’acheter parce que ça ira TELLEMENT bien quand on sera déconfiné. Et puis tout va bien déjà, hier Zoom a annoncé des chiffres tellement fabuleux que l’on sent bien que la société va continuer à cartonner même au-delà du déconfinement pour ceux qui ne retourneront pas au bureau. On a aussi Amazon qui a emprunté 10 milliards sur le marché obligataire – il n’y a pas de raison, au niveau où se traite l’obligataire autant se faire un peu d’argent de poche pour les nouveaux projets du patron.

Et puis même Pfizer remontait hier parce que le CEO a annoncé qu’il lançait un nouveau projet de 500 millions destiné à racheter des biotechs qui ont un « pipeline » intéressant. Une nouvelle fabuleusement originale à laquelle AUCUNE pharma au monde avait pensé avant. Si même ça c’est considéré comme une bonne nouvelle, autant vous dire que plus rien ne peut nous arriver. En tous les cas, je ne sais pas ce que c’est l’euphorie, mais ce que nous vivons y ressemble de plus en plus. Sans compter que pour rajouter un peu de fun à tout cela, l’OPEP s’est empressé de venir annoncer qu’ils augmentaient encore la durée des coupes de production pétrolière, le baril montait à 37.38$ au plus haut de la journée et il continue de monter ce matin. Je vais vous dire ; tout va tellement bien, on a tellement confiance et les nouvelles sont tellement bonnes, que je suis même prêt à croire que toute cette histoire de Coronavirus c’est une gigantesque « caméra cachée » et que Marcel Béliveau va arriver en disant «C’est pour Surprise Sur Prise ». C’est en tous les cas ce que soupçonne fortement Wall Street actuellement, rien qu’en analysant le comportement des marchés.

L’Asie, c’est tout vert

Ce matin c’est la couleur verte qui prime en Asie, le Japon monte de 1%, Hong Kong de 1.2% et la Chine progresse de 0.5%. Les raisons de la hausse en Asie sont les mêmes que pour le reste du monde « l’optimisme de l’effet déconfinement », même si eux sont déjà déconfinés depuis un moment. Finalement, le seul truc qui ne monte pas actuellement, c’est l’or qui a encore une fois échoué sur les 1750$. Et puis, entre vous et moi, qui voudrait de l’or alors que tout le reste monte et que tout va si bien et que même lorsque l’on finira en hausse de 30% sur l’année et que la croissance sera de 11% dans tous les pays du monde et que PLUS JAMAIS il y aura d’inflation, hein ? Qui ?

Pour ce qui est des nouvelles du jour, inutile de vous dire que l’on surfe sur la vague du bonheur et de l’optimisme. On se roule dans les pétales de rose à l’idée que tout redevient comme avant et que les restaurants qui rouvrent sont pleins pour trois semaines tellement les gens ont été frustrés de faire la cuisine pendant deux mois et que le reste cartonne tellement que tout le monde dépense son argent économisé pendant 2 mois. Il n’y aura aucune faillite et si ça se trouve, le chômage devrait rapidement rebaisser au niveau des chiffres de janvier, voir en dessous. Et puis, ne dit-on pas : « so goes January, so goes the year » – après tout janvier était pas mal et ce n’est pas non plus une petite grippe qui va remettre l’économie en question ! Il n’y a donc pas un média qui ne parle pas de la joie et de l’euphorie ambiante et si l’on fait abstraction des articles concernant les émeutes, les tensions avec la Chine et les cacas nerveux de Trump et de Biden, le reste n’est que bonnes nouvelles et douceur de vivre, je pense même qu’il n’est pas nécessaire de perdre trop de temps avec ces détails sans importance, puisque l’on sait que nous sommes dans un film hollywoodien et qu’à la fin, c’est les gentils qui gagnent et les gentils, c’est nous !

Chiffres et blabla du jour

Si l’on va sur le site de CNBC on pourra trouver Monsieur Fauci, le responsable de la santé aux USA qui estime que SI on trouve un vaccin, il pourrait n’offrir qu’une immunité temporaire – mais pour être honnête, on s’en fout, puisque plus personne ne publie les chiffres du COVID19 et que l’on ne parle plus que du monde d’après. Le Barrons pense qu’Apple pourrait facilement atteindre une valorisation de 2’000 milliards, soit près de 35% plus haut que maintenant. Et puis, si vous cherchez bien, vous trouverez plusieurs articles sur plusieurs médias différents qui expliquent pourquoi les marchés vont continuer à monter même si c’est le bordel un peu partout dans le monde et pourquoi plus personne ne se préoccupe des mauvaises nouvelles. Personnellement, je n’ai pas lu ces articles, mais disons que tant que l’on est dans cet état d’esprit du « je vais bien tout va bien », il se peut que l’on soit un poil déconnecté de la réalité et aujourd’hui on ne peut espérer qu’une chose : que ça dure ! Parce que sinon le réveil pourrait être difficile.

Pour les chiffres de la journée, nous aurons le GDP en Suisse, pas mal de PMI un peu partout, les chiffres de l’emploi ADP qui devraient être « moins pires » et offrir un peu de soutien au marché. Il y aura aussi l’ISM non-manufacturing, là aussi : moins pire et les inventaires pétroliers qui devraient être super parce que le pétrole : c’est vraiment trop cool. Actuellement les futures sont en hausse de 0.4% et on peut lire partout que ça monte parce que l’optimisme du déconfinement fait rage… J’ai écrit 5 pages de chronique pour revenir là où j’avais commencé.

Finalement je crois que Microsoft a raison. Hier ils ont annoncé qu’ils vont remplacer leurs journalistes par des Robo-Journalistes qui écriront eux-mêmes les nouvelles. Je vous annonce donc que dès demain je me fais remplacer par un algorithme qui écrira mes chroniques à ma place. Ça ne sera pas forcément meilleur, mais au moins je pourrais dormir le matin et ça fera un job de perdu de plus, mais en même temps, comme on est optimiste pour le déconfinement, ça devrait bien se passer.

Excellente journée à tous et on se revoit lors de la prochaine panne d’électricité quand mon alter-ego- algo ne pourra pas écrire.

Thomas Veillet

Investir.ch

“We have a chance to do something extraordinary. As we head out of this pandemic we can change the world. Create a world of love. A world where we are kind to each other. A world where we are kind no matter what class, race, sexual orientation, what religion or lack of or what job we have. A world we don’t judge those at the food bank because that may be us if things were just slightly different. Let love and kindness be our roadmap.”

― Johnny Cornr