Je l’admets, nous ne sommes pas encore à la fin du mois et tout peut encore arriver, mais à ce rythme-là, ça va pas être simple de garder la tête sur les épaules. Si l’on en croit l’adage boursier ”As goes January, so goes the year” – l’année n’est pas loin d’être pliée, le S&P500 est déjà en hausse de 2.66% et le Nasdaq de 4.29%. Evidemment, ça n’est pas aussi simple, mais toujours est-il que le marché n’arrête pas de se satisfaire de nouvelles réchauffées et il n’est pas facile d’aller à contre-sens.
L’Audio du 17 janvier 2020
Le post-Trade Deal
Il est assez intéressant de constater que, si l’on en croit les experts, que le marché est monté jusque-là parce que les investisseurs attendaient beaucoup du Trade Deal. Mais aujourd’hui le Trade Deal est signé – en tous les cas la première partie – et nous sommes tous d’accord que l’accord qui a été présenté il y a 48 heures n’a tout de même pas réinventé la roue – peu importe, le marché monte encore parce que c’est « encourageant » pour la suite. En revanche, si l’on reprend l’histoire depuis le début, on peut se poser des questions.
Au printemps 2018 Trump lance sa Trade War et annonce officiellement son intention de « se faire les Chinois » avec la manière. On peut donc dire qu’à partir de là, les plus optimistes se sont dit qu’il fallait acheter, parce qu’une fois que Trump aura trouvé un deal avec les Chinois, ça sera la période de l’expansion économique indéfinie. Le S&P500 a pris 30% depuis le mois de mars 2018. La question que l’on peut tout de même se poser est donc : « mais qu’est-ce qui est dans les prix » (je serais même tenté de dire « mais qu’est-ce qui est dans les prix : bordel !!! ») – on se demande bien ce que l’on attend réellement de tout ça, puisque le pré-Trade Deal faisait monter le marché – la période pré-signature aussi – et maintenant que c’est signé, ça monte encore parce que le Trade Deal, c’est de la balle. Aurions-nous trouvé la recette magique pour que finalement les arbres montent au ciel ?
Et pendant ce temps-là
Hier les marchés européens n’ont rien fait. Encore une fois. Par contre les USA sont montés – encore une fois. Encore une fois le S&P500 termine au plus haut de tous les temps, comme le Nasdaq, comme le Dow Jones et comme le SOX qui a enfin fait péter les résistances qui le bloquaient depuis des jours. Si l’on en croit les journaux, la hausse est due à la publication de « bons chiffres économiques ». Ne me faites pas rire, ça fait des mois que l’on se fout totalement de la réalité économique et là, tout d’un coup, on est tout excité parce que le Philly Fed est légèrement meilleur et que tout d’un coup on va remodeler nos portefeuilles en fonction de cela ? Non, globalement on donne l’impression que l’on achète parce que ce qui arrive aujourd’hui avec la Chine est de bonne augure pour ce qui arrivera demain avec la Chine, bien que les deux gouvernements risquent de nous faire encore patienter un moment pour la seconde étape. Mais ça n’est pas grave, parce que rien qu’à l’idée qu’il y aura une seconde étape, puis une troisième, on donne l’impression d’être dans un confort absolu.
Pendant que le marché monte tous les jours avec rien de nouveau, personne ne montre le moindre stress à l’approche du procès en destitution de Trump. Pire ; on a l’impression que si par hasard il n’est pas destitué, le marché va encore monter puisque Trump est devenu l’homme qui a fait monter la bourse de 60%. Tout ça pour vous dire que ça donne tout de même l’impression que l’on est dans une série télé produite par Disney et que personne n’a peur parce que l’on sait bien que les gentils finissent toujours par gagner à la fin. Et là, les gentils, c’est nous.
Interview réalisé par Vauban Editions
Don’t fight the trend
Quoi qu’il en soit, les marchés boursiers font preuves d’une sérénité exemplaire depuis quelques jours. Rien ne semble pouvoir les ébranler. Les trends sont établis à la hausse et tout le monde se remémore le concept du « don’t fight the trend, trend is your friend » – et tant qu’il ne se passe pas un vrai truc moche, ça donne l’impression que rien ni personne ne peut nous arrêter. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir des mises en garde de tous les côtés, les signaux alarmistes apparaissent un peu partout, mais rien à faire. Bon, en même temps, à croire les bruits de couloir, tout le monde a déjà vendu la plupart de ses positions juste pour ne pas « être dedans » le jour où ça plonge. Sauf que ça ne plonge pas du tout et que plus personne n’a rien à vendre.
Vu le niveau des « outflows » des fonds d’investissements depuis 2 ans, on peut largement se demander qui peut bien acheter. Mais peu importe. La journée d’hier aura donc été symptomatique d’un marché qui monte tout seul, sans raison, avec plein de monde qui le regarde monter sans rien faire en se disant « c’est pas possible, c’est pas possible ». Même moi qui suis « bullish » devant l’éternel et qui ai juré allégeance aux bêtes à cornes, jusqu’à me le faire tatouer, je commence à me demander ce qui se passe et à quel moment il va falloir s’accrocher au pinceau parce que quelqu’un va enlever l’échelle. Depuis longtemps je persiste à dire que tant que nous n’avons pas d’euphorie dans ce marché, il ne pourra pas vraiment baisser… Quelque chose me dit que les premiers signes de cette euphorie sont parmi nous, même si l’orchestre n’a pas fini de jouer sa partition.
En conclusion, hier le marché est monté parce qu’il est en train de se faire aspirer par le haut par une conjonction de chiffres économiques pas trop mauvais, des bons chiffres trimestriels chez les bancaires – hier soir Morgan Stanley a encore mis tout le monde d’accord avec les siens et le titre terminait en hausse de près de 7% – et puis si on a un doute sur la hausse, on peut toujours utiliser le Placebo du Trade Deal. Ce qui reste cependant effarant, c’est que l’on pulvérise des records d’altitude tous les jours, que certaines technos ont des configurations graphiques qui se rapprochent plus de la face nord de l’Eiger que d’un graphique boursier classique et tout est calme, personne ne s’excite. À la limite tout le monde s’en fout.
L’Asie suspendue au reste du monde
Ce matin la Chine est en hausse de 0.05%, Hong Kong est en baisse de 0.05% et le Japon monte de 0.47%. Pas de quoi la ramener à l’extrême est de la planète. L’engouement et l’enthousiasme reste relativement contenu. Eux aussi ils regardent les USA benoitement en se demandant quand est-ce que la machine va se gripper. Et puis si la machine ne se grippait pas ? Si dans 2 mois les marchés américains étaient en hausse de 12% sur l’année ? On va faire quoi ? Se dire qu’on a raté le train et qu’on fera mieux la prochaine fois ? – J’avoue que je ne suis pas fan de cette zone actuelle qui donne l’impression que l’on est au centre du cyclone, là où tout est calme. Tout est trop calme. Ce qui annonce simplement qu’à un moment où un autre, les vents vont remonter à 300 km/h et là, il faudra courir chez Hornbach pour acheter du bois pour barricader les fenêtres.
L’or et le pétrole semblent tous deux avoir trouvé un fond après le retour en arrière de ces derniers jours. L’or est à 1557$ et le baril à 58.20$ et on dirait que les deux compères attendent justement de sortir de l’œil du cyclone pour reprendre leur fonction de support psychologique en période de stress.
Nouvelles du jour
Dans les nouvelles du jour, on commence avec le GDP chinois qui a été annoncé à 6.1% – ce qui le plus bas niveau depuis 29 ans, mais ce qui est également parfaitement en ligne avec les attentes. Autrement on notera que mercredi Tesla est devenu le titre le plus « shorté » des Etats-Unis – puisque même si Musk est en train de danser sur le ventre de tout le monde, les Hedge Funds persistent à parier très gros qu’un de ces quatre, le roi de la voiture électrique et du pétard va se faire démonter. Cependant Tesla n’est pas resté le titre le plus « shorté » des USA bien longtemps, puisque depuis hier c’est Apple qui a repris la place de « champion ». On voit donc que malgré les hausses verticales de ces deux titres – hausse verticales qui ont la particularité de rendre très difficile d’identifier l’instant où elles vont cesser – ça peut-être aujourd’hui ou 30% plus haut – les Hedge Funds continuent de taper dessus en espérant un miracle. Mais ces tentatives d’anticipations qui se sont souvent soldées par des échecs ces dernières années, pourraient aussi donner du carburant à la hausse en cas de panique haussière et donc, de « short-covering massif ».
Côté obligataire, après le succès de l’auction sur le 30 ans italien il y 48 heures, les gens se jettent maintenant sur l’Espagne. Les investisseurs sont désespérément à la recherche de rendement supérieur à 2% avec un minimum de garantie étatique derrière, mais pour être franc, ça sent un peu le désespoir. Et puis on ne peut pas terminer cette « revue de presse » sans signaler qu’hier Google est devenue la troisième action américaine à franchir le seuil des 1’000 milliards de valorisation boursière et la question que tout le monde se pose est de savoir si ça ne vaut pas bien plus que ça, finalement. Google qui a tout de même pris 40% depuis juin, contre 80% pour Apple ou encore 190% pour Tesla. Ouais. Peut-être qu’il y a quand même un peu d’euphorie quelque part.
Chiffres à venir
Côté chiffres économiques, il y aura le PPI en Suisse, le CPI en Europe, les permis de construire aux USA ainsi que la production industrielle américaine, les JOLTS et les chiffres de la confiance du consommateur version Université du Michigan.
Pour le moment les futures sont en hausse de 0.06% et la semaine prochaine nous parlerons destitution. Ou pas. En attendant, je vous souhaite un excellent vendredi, un très bon week-end et je vous retrouve lundi matin !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Switzerland is a place where they don’t like to fight, so they get people to do their fighting for them while they ski and eat chocolate.”
-Larry David