Plus moyen de consulter les médias sans tomber sur l’une ou l’autre polémique environnementale.

Je pensais que le petit nom poétique de la Terre était la planète bleue. Vu la frénésie actuelle à vouloir tout recouvrir d’une couche de peinture verte, il faudrait sérieusement envisager de le modifier.

Verdisme divergent

Mais au-delà de la perception des couleurs, j’ai surtout l’impression que la plupart des gens deviennent schizophrènes, agressifs et dogmatiques dès qu’on aborde le thème de l’environnement. L’un des plus beaux exemples étant Laurent Alexandre, héraut de l’intelligence artificielle, supporter du transhumanisme, et aujourd’hui détracteur en chef de Greta Thunberg, comme l’a magnifiquement analysé Miguel Quintana dans un récent article publié sur LinkedIn.

Mais ceci n’est que la partie visible de l’iceberg, la pointe qui dépasse dans les médias. A côté de cela, il reste toute une population qui se pose de plus en plus de questions. Ainsi un ami qui s’interrogeait récemment de savoir si ses trajets journaliers à vélo lui permettaient de compenser l’empreinte carbone de ses vacances en avion en Asie, parce que rejoindre Phuket en train c’est long, surtout lorsqu’on n’a que 4 semaines de vacances. Ou si le fait de ne plus manger ni avocats ni mangues pouvait compenser ses envois d’emails et sa présence frénétique sur les réseaux sociaux. Questions légitimes mais reflétant néanmoins des préoccupation quelque peu contradictoires avec le fait de collectionner des baskets made in China ou de remplir de glace pillée (grâce au gadget intégré à la porte de son frigo hi-tech) son verre de jus de fruits 100% bio et végane, choisi grâce à l’app Yuka comme il sied à quelqu’un qui se préoccupe un minimum de l’avenir de la planète.

Et l’on arrive ensuite à l’aspect le plus schizophrénique du personnage: la gestion de son petit portefeuille personnel. En termes d’investissements, les contraintes ESG ne lui effleurent même pas l’esprit. Seuls comptent les résultats et cet ami ne voit donc aucun problème à se vanter d’avoir tellement bien joué sa stratégie de calls sur Raytheon ou son petit coup de trading sur l’action Total. Il faut l’excuser, il n’a pas encore pensé à repeindre en vert son portefeuille d’actifs.

D’autres par contre le font déjà et se sont posé les «bonnes» questions, à l’image de Jean Niklas de la BCV qui arrivait à la triste conclusion qu’il faudrait vendre la totalité de son portefeuille titres, les patrons d’entreprises étant tous d’immondes pollueurs, quel que soit leur secteur d’activité. Heureusement pour lui (et les clients de la BCV), M. Niklas a trouvé une stratégie lui permettant de se mettre en ordre avec sa conscience : devenir un investisseur actif désireux de promouvoir les bonnes pratiques au sein des entreprises.

Et afin d’identifier les bonnes pratiques, l’investisseur peut se baser par exemple sur les Principes de l’investissement responsable ou les Objectifs de développement durable édictés par l’ONU. Ces derniers avaient d’ailleurs fait l’objet d’une série d’articles publiés sur notre site durant l’été et proposent assurément des options moralement plus acceptables que certains gadgets financiers que l’on a pu observer récemment à l’image d’un ETF supposément végane.

La réalité n’est pas très verte

Penchons-nous maintenant sur les entreprises et schématisons le fonctionnement de la plupart des procédés industriels en: input – transformation – output, et l’un des 3 points posera assurément problème, si ce n’est les 3 simultanément. La vraie question est donc de comprendre pourquoi l’entreprise devrait modifier en partie sa manière de travailler. En réponse à cette question je vois la pression – actuelle ou future – des actionnaires, des clients ou partenaires et de l’Etat.

Les actionnaires disposent de divers moyens de pression, que ce soit via leur vote ou via leur refus de détenir les actions ou la dette de la société incriminée. Les clients peuvent refuser d’acheter les produits de la société et lui faire une image négative sur les réseaux sociaux. L’Etat peut établir des réglementations amenant à modifier le processus de production.

L’entreprise peut quant à elle décider de prendre des mesure préemptives ou attendre que le problème survienne. Quoi qu’il en soit, toute transformation de ce type nécessite des investissements et ceux-ci réduisent la rentabilité pour l’actionnaire. Et comme on ne le sait que trop bien, l’actionnaire n’aime pas voir baisser la rentabilité de son investissement. Les entreprises ont donc une incitation forte à en faire le minimum en termes de dépenses mais le maximum en termes de communication. Les anglo-saxons appellent cela du greenwashing et cela revient à poser une bonne couche de peinture verte afin de cacher ce qui ne doit pas être vu. Tout CFO digne de ce nom est en mesure de réaliser une analyse coûts-bénéfices et de décider s’il préfère payer pour s’adapter ou subir une perte financière au final moins coûteuse. Et c’est bien là tout le cynisme du système: même lorsqu’il y a urgence, tout relève encore in fine de petits calculs entre amis au mépris du bien commun ou d’élémentaires principes de prudence.

Conclusion

La seule manière réellement efficace à mes yeux, au-delà de toute la bonne volonté de certains, est la manière contraignante, autrement dit la réglementation assortie de sanctions sévères. Je l’avais écrit dans de précédents articles et je le réitère: afin d’éviter l’usage intempestif de la peinture verte, il est temps que les Etats assument leurs responsabilités face à leur population ainsi que face aux lobbies de tout poil.

L’ouverture cette semaine du procès du dieselgate pourrait d’ailleurs être une occasion unique d’envoyer un signal fort à toutes les entreprises, cotées ou non. Car n’oublions pas que les fameux principes ESG s’appliquent surtout à la partie visible des investissements mais que les sociétés non cotées (la moitié des sociétés cotées aux US ou en Europe ont été délistées ces dernières années) ne sont pas soumises à la même transparence et sont dès lors moins sujettes à la pression actionnariale puisque tout se décide pour celles-ci dans le cercle très privé du private equity.