Généralement, lorsque l’être humain s’assoit sur un siège qui est situé derrière un volant, il se passe un truc assez unique : il se transforme. Immédiatement, il pense qu’il sait conduire, c’est souvent bien plus frappant chez l’humain de sexe masculin.

L’Audio de la chronique

On ne peut rien faire contre. On est calibré comme ça. On nous donne un volant et on pense qu’on sait. Direct derrière, on est certain que l’on SAIT prendre un virage, qu’on sait faire un freinage appuyé et c’est pas ce tocard d’Hamilton qui va nous expliquer comment on fait. D’ailleurs, pour ceux qui s’intéressent un tant soit peu à la F1, on a tous une opinion sur le pourquoi du comment Vettel est nul. C’est vrai quoi, une demi-seconde plus lent qu’une Mercedes, faut VRAIMENT être nul.

NOUS ON SERAIT au volant, ça serait réglé depuis longtemps ! Parce vous je ne sais pas MAIS MOI JE SAIS CONDUIRE.

Enfin, en ce qui me concerne; je PENSAIS que je savais conduire.

Mise en bouche

Ce matin je suis arrivé sur le circuit du Spielberg. Le but de cette journée était de faire des tours de circuit avec une F488 Pista de l’année dernière – en général quand on dit « l’année dernière », c’est que c’est nul. Surtout dans ce bas monde où si t’as pas l’iPhone X, t’es perdant d’avance. Alors imaginez une Ferrari qui a plus de 12 mois et plus 20’000 kilomètres !!! Je vous dis même pas. C’est vite vu, j’ai carrément hésité à y aller.

Je vous passerais les détails sur la description touristique de l’Autriche, si ce n’est que je les soupçonne de repeindre leurs maisons tous les six mois, en même temps qu’il repeignent leur gazon toutes les trois semaines, comme dans le canton de Berne. Si je devais décrire le pays en un mot je dirais que c’est propre. Et en plusieurs mots, je dirais qu’à côté de l’Autriche, la Suisse c’est la grande banlieue marseillaise en terme de propreté.

L’équipement

Le team Ferrari qui nous encadrait ce matin là nous a immédiatement emmené dans les stands du circuit, un stand vide avec une paroi en grillage avec une F488 Pista préparée pour le circuit juste derrière, comme si elle restait inatteignable et inaccessible. Mais là n’était pas la question. Nous étions là pour récupérer notre équipement de « pilote ». Chaussures de pilote, occasion unique de mettre des baskets puma sans avoir l’air ridicule, parce que tu vas VRAIMENT dans une voiture de course, gants ignifugés, sous vêtements ignifugés , cagoule et la fameuse combinaison qui, paraît-il, va à tout le monde.

Par une conscience journalistique au-delà de l’imaginable, je me sens obligé de vous narrer l’essayage, bien qu’il ne me mette pas en valeur. Il faut donc savoir que ces combinaisons sont taillée sur des types qui ont le physique de Lewis Hamilton. Et si vous me mettez à côté de Lewis Hamilton, nous sommes à peu près aussi proche l’un de l’autre qu’une bouteille de Perrier et … Lewis Hamilton.

Comique involontaire

À partir de là, essayez d’enfiler une combinaison de pilote à une bouteille de Perrier d’un mètre septante et un (je tiens particulièrement aux « un », c’est tout ce qui me reste) et cela vous donnera lieu à une scène qui restera probablement dans les annales cinématographiques autant que celle de la crêpe au sucre.

Une fois ces comparaisons alimentaires terminées et une fois que nous pûmes trouver une combinaison qui correspondait à mes mensurations athlétiques, l’équipe qui nous encadrait, nous emmena au bord de la piste. Pour de vrai. À ce moment très précis, alors que tu es boudiné dans ta combinaison qui a été taillée pour quelqu’un d’autre et que l’on te présente le gars qui va t’emmener faire un tour dans cet espèce de missile sol-sol bardé de publicité, tu te demandes vraiment si t’as bien fait de venir et tu n’aurais pas mieux fait de rester devant ta télé à hurler sur Bottas ou Vettel pour leur expliquer COMMENT prendre un virage.

Tu aurais eu l’air tout autant ridicule, mais il y aurait eu moins de monde autour.

La pression

Après avoir observé plusieurs de mes camarades de jeu monter tour à tour dans la F488 pour aller faire leur tour de piste, je constatais assez rapidement que les sourires éclatants qu’ils offraient AVANT de monter dans le siège baquet, laissaient à une moue un peu plus dubitative lorsqu’ils revenaient. Un moue qui oscillaient entre le mal des montagnes et le type qui a mangé des huîtres pas fraîches et qui fait des efforts pour les garder à l’intérieur de son corps.

C’est à ce moment très précis que mon égo surdimensionné prit le relai afin de ne pas me dégonfler, surtout quand le gars qui gérait les entrées et les sorties de la voiture en piste prononça mon nom. Pendant un bref instant, je songeais à faire celui qui n’a rien entendu, juste avant de sprinter afin de m’enfuir et disparaître pour de bon. Lâchement. Je me suis dit que ça allait se voir et que ça ferait mauvais genre.

Top 5

Si l’enfilage de la combinaison devait rentrer dans le top 20 des scènes humoristiques sur Facebook, mon entrée et ma sortie de la F488 aurait largement pu rentrer dans le Top 5. Merci au photographe et au cameraman présents ce jour là de m’avoir épargné l’humiliation, ce qui m’aurait forcé à changer de nom et à disparaître à l’étranger.

À ce stade-là de mon histoire, si vous n’avez pas encore compris que j’ai des kilos en trop et que se glisser dans le siège baquet d’une voiture de sport devient assez rapidement un sport extrême, je ne peux plus rien pour vous. Imaginez, vous devez enjamber l’arceau de sécurité, vous plier en deux pour rentrer vos fesses dans la voiture ET réussir à rentrer votre tête ensuite, puis ramener la seconde jambe par-dessus l’arceau, alors que vos fesses sont déjà coincées dans le baquet et que sur votre tête vous avez un casque, que sur vos épaules vous avez un HANS (le HANS c’est le système qui est censé vous empêcher de vous briser les cervicales et de finir définitivement dans un baquet le reste de vos jours)… Le HANS est une fabuleuse invention, mais elle n’améliore pas votre flexibilité lors de l’entrée dans le siège.

Legoland

Finalement après que deux mécaniciens eurent fait pression sur mes épaules et mon casque afin de me « plugger » dans la voiture, tel un bloc de LEGO, je me retrouvais sanglé dans mon siège, avec un harnais qui me serrait de partout et qui me laissait assez clairement entendre qu’après 1 tour dans cette essoreuse, je n’aurais plus jamais d’enfants. Dans l’hypothèse peu probable où j’arrive encore à respirer durant les deux prochaines minutes. J’ai les photos de ce moment-là, mais je vous en ferais grâce, tant à vous qu’à mon égo et afin de m’éviter des longues heures de psychothérapie.

À peine installé dans mon siège, le pilote me serra la main avec des yeux rieurs qui laissaient supposer qu’il n’avait pas raté un instant de la scène que je viens de vous narrer. Puis il enclencha la première avec les palettes au volant, immédiatement je me demandais POURQUOI je ne m’étais pas tiré en courant alors que je le pouvais encore.

Mode essorage

Dans la ligne des stands la vitesse est limitée à 100 km/h – ce qui fait que pendant quelques secondes vous vous imaginez que « ça va encore ». Puis à l’instant très précis où la Ferrari franchit la ligne des stands, vous comprenez que la dimension dans laquelle vous êtes n’est plus la même.

Sur le circuit du Spielberg, la sortie des stands est en montée, entre deux glissières de sécurité qui ne laissent que très peu d’espace entre la voiture et la glissière. Ce qui n’empêche mon chauffeur UBER du jour de monter à fond de 5ème ou 6ème avant d’entrer sur la piste. Peu importe la vitesse enclenchée, ce qu’il faut retenir c’est que ça va très vite. Mais pas le très vite du style je fais le malin sur l’autoroute, non. Le très vite, qui vous fait vous demander si c’était pas mieux d’aller faire un article sur le curling.

À fond à fond


Les moments qui viennent ensuite ne sont qu’une longue accélération jusqu’au bout de la ligne droite où vous vous rendez subitement compte qu’il a complètement oublié de freiner. Ou alors que le pilote est tombé dans le coma et que vous allez mourir dans un déferlement bruit et de fureur et de caoutchouc fondu. Et à ce moment très précis, le type assis à côté de vous fait un espèce de mouvement qui donne l’impression que tout son corps est impliqué et se jette sur les freins. En fait, c’est de là que vient l’expression « se jeter sur le freins » – on a l’impression que le type mets tout son corps en action pour freiner sa voiture qui se rapproche dangereusement de ce qui ressemble furieusement à la fin de ma vie.

Mais le plus fou dans tout ça, c’est que la voiture freine et parvient même à prendre le virage à toute vitesse alors que vous êtes pendu dans votre harnais qui est en train délicatement de vous sectionner les artères fémorales et de vous compresser les poumons de manière tellement forte que soudainement vous vous dites que faire des choses comme respirer, c’est vachement surfait.

Vivant..

La suite de l’expérience se résume avec un enchainement d’accélérations et de freinage, de virages sur les vibreurs qui laissent penser que la voiture va se casser en deux, le tout dans un bruit effarant et surtout de la prise de conscience qu’essayer de prendre un selfie avec mon iPhone est complètement débile. Lors du retour au stand, je me fais encore une dernières frayeur – alors que j’étais en train de marmonner mon « moto » du jour dans ma cagoule – « vivant, je suis vivant » – la glissière de sécurité qui sépare la ligne droite d’arrivée de la ligne des stands fait penser à la lame d’un couteau. J’imagine immédiatement la voiture se couper en deux. Mais non, visiblement mon pilote sait ce qu’il fait.

La suite de cette expérience se résume à une autre humiliation lors de ma sortie de la voiture, une nouvelle envie de ne me nourrir de salade verte sans huile et d’eau pour le reste de ma vie et l’énorme prise de conscience qu’après 30 ans de permis de conduire moins les quelques retraits classiques pour faire plaisir aux autorités de mon canton de naissance ; je ne sais pas conduire. Lors de mon voyage retour je me consolais en me disant que je n’étais pas le seul et de loin et que bien des petits malins avec des Audi RS3 ou des Impreza’s feraient bien d’aller se faire secouer là dedans, histoire de voir ce que c’est de «piloter ».

Précision

Pour conclure, vous verrez dans les photos qui accompagnent cet article, que j’ai l’air assez décontracté et rassuré. C’est surtout que les photos ont été prises APRÈS mon expérience et que je prends pleinement conscience que la vie est pas mal quand même.

Thomas Veillet
Investir.ch

Merci à toute l’équipe Ferrari-Race qui couvre les courses du championnat F488, merci pour avoir été si gentils, ouverts et serviables lors de cette expérience et merci à eux ne de pas avoir rit quand je suis sorti de la Ferrari .

 

(toutes les photos ont été fournies par le service de presse de Ferrari)