L'attrait pour des investissements plus responsables fait également son chemin dans le monde des ETF.
Les ETF labellisés ESG ont atteint fin janvier un nouveau sommet en termes de volumes sous gestion, avec plus de 25 milliards de dollars. Cela reste néanmoins une goutte d’eau dans un marché global des ETF qui a dépassé la barre des 5 trilliards de dollars en 2018.
A côté du développement constant de produits plus ou moins farfelus dont la mode ne dure qu’un temps, une tendance de fond semble se dessiner au travers de l’application de filtres ESG à la sélection passive de titres. Rappelons à ce propos que les ETF sont des instruments parfaitement adaptés à la mise en œuvre de règles d’exclusion basées sur des critères plus ou moins complexes. Les définitions non homogènes de ces différents critères suscitent cependant des critiques de la part d’investisseurs qui leurs reprochent une certaine opacité.
Il n’empêche que l’attrait pour ce type d’investissement responsable donne lieu à de nombreuses initiatives dont la récente demande faite par Swiss Sustainable Finance auprès de MSCI de retirer de ses indices les fabricants d’armes controversées, à savoir les mines anti-personnelles, les armes à sous-munitions, les armes chimiques et biologiques ou encore les armes nucléaires, pour reprendre les catégories les plus communément citées et interdites par divers traités internationaux.
L’impact d’un tel changement au niveau des indices rendrait de fait ces derniers «un peu plus ESG». Le raisonnement va même plus loin puisque la législation de certains pays (p.ex. la Suisse, l’Espagne, la France) interdit déjà le financement de la production de telles armes. Or, les investisseurs institutionnels de ces pays se retrouvent de facto face à des indices comprenant des investissements qu’ils ne sont pas autorisés à détenir, ce qui doit les amener à trouver des solutions alternatives (la création coûteuse d’indices et mandats sur mesure) et à éviter l’achat de certains instruments passifs (typiquement des ETF peu chargés en frais).
La demande de Swiss Sustainable Finance a rencontré un fort soutien de la part de nombreux investisseurs institutionnels allant de ABN AMRO à la ZKB, en passant par diverses fondations et caisses de pension représentant conjointement USD 6.8 trilliards d’actifs sous gestion (chiffres à fin janvier). La société MSCI a rétorqué que ses indices se devaient de représenter l’entièreté du marché. Néanmoins, face à la forte demande émanant du monde institutionnel mais aussi d’investisseurs particuliers, MSCI s’est dit prêt à créer une série d’indices spécifiques qui exclueraient les fabricants d’armes incriminés. L’accès à ces indices sur mesure serait cependant payant.
Le Pr. Noël Amenc, CEO de Scientific Beta, société spécialisées en création d’indices smart beta pour l’industrie des ETF a réagi avec dépit face à la posture de MSCI, faisant remarquer que nombre d’acteurs voyaient encore l’ESG comme un bon moyen de réaliser des profits plutôt que comme une opportunité de faire évoluer positivement l’univers de la finance. De son point de vue, la demande de Swiss Sustainable Finance serait d’autant plus facile à mettre en œuvre que les sociétés incriminées ne représentent qu’une toute petite part des indices et que les performances de ces derniers ne seraient donc que marginalement altérées par leur exclusion.
Ce n’est malheureusement pas encore en 2019 que l’on pourra dire «un petit pas pour la finance, un grand pas pour l’humanité».