Une année s’achève, une nouvelle s’apprête à débuter. Pour l’occasion, on fait le point sur trois secteurs qui ont connu des bouleversements importants en 2023, en s’interrogeant sur ce que 2024 a en réserve.

Vidéo à la demande: après la stratégie de croissance, place à la monétisation tous azimuts

Sur le marché de la vidéo à la demande, 2023 a été l’année de la grande rationalisation. Après des années à privilégier l’acquisition de nouveaux utilisateurs à tout prix, les grandes plateformes, confrontées au retournement de la conjoncture et à une croissance en berne, ont toutes commencé à opérer un virage vers la rentabilité. Après avoir longtemps refusé de le faire, Netflix a ouvert la chasse au partage de compte et lancé une offre moins chère avec publicités. De Netflix à Hulu en passant par Disney+ et Apple TV+, tous ont également augmenté leurs prix.

L’une des grandes questions concernant l’année à venir est dans quelle mesure ces plateformes vont pouvoir continuer à augmenter leurs tarifs sans faire fuir les abonnés. «48% des adultes américains abonnés à une version sans publicité de Netflix, HBO Max ou Disney+ déclarent que si leur service de vidéo à la demande augmente ses prix pour continuer d’offrir une expérience sans publicité, ils paieront. 50% trouvent qu’ils paient déjà trop cher et 43% envisagent de passer à une offre avec publicité pour économiser», résume Keith Johnston, VP group director de Forrester.

Contrairement aux offres de télévision traditionnelles, caractérisées par des abonnements fixes à long terme, les services de streaming ont l’avantage de pouvoir faire très facilement varier les prix pour tester la réaction de leurs clients et trouver ainsi l’équilibre recherché.

En 2024, il est également probable que les expérimentations menées par les plateformes autour d’œuvres moins chères avec publicité se poursuivent. «Longuement réticents vis-à-vis de la publicité, ces services ont fini par s’y essayer, poussés par un impératif de rentabilité. La combinaison des revenus tirés de la publicité et des abonnements signifie un revenu moyen par client plus élevé, et donc des marges plus confortables.»

Enfin, l’année qui s’écoule a également été marquée par la grève des scénaristes d’Hollywood, demandant notamment une meilleure rémunération de la part des plateformes de vidéo à la demande. Les effets de cette grève, qui s’est étendue sur 148 jours, devraient se faire ressentir à plein en 2024, pour Keith Johnston. «La grève a un effet décalé, mais notable sur les contenus qui poussent les abonnés à s’inscrire et à demeurer loyal à un service. Les conséquences de la grève vont se manifester sous la forme d’une pénurie de contenus, mais toutes les plateformes ne seront pas affectées de la même manière. Netflix, grâce à sa forte présence à l’international, devrait parvenir à maintenir son offre de nouveautés. Apple, de son côté, a fait dès le départ le choix de la qualité plutôt que de la quantité, ses abonnés sont donc conditionnés pour se montrer patients. Mais on ne peut pas dire la même chose des autres rivaux de Netflix.»

Voyage: robots concierges à gogo et tourisme lent

Lors de l’année écoulée, l’industrie du tourisme a pour la première fois renoué avec les volumes qu’elle connaissait avant la pandémie. Malgré l’inflation galopante et les difficultés de la conjoncture économique, le public semble déterminer à clore la parenthèse des années Covid et à renouer avec le voyage. Pour autant, les habitudes ont changé, et le marché devrait s’en ressentir en 2024.

Dans une étude menée sur 27 000 voyageurs issus de 33 pays différents, Booking ouvre une fenêtre sur les tendances qui façonneront l’industrie post-Covid. Sans surprise, tant cette technologie a inondé l’actualité ces derniers temps, l’intelligence artificielle sera amenée à jouer un rôle de plus en plus important. «48% des voyageurs affirment qu’ils pourraient faire confiance à l’IA pour planifier un voyage pour eux, tandis qu’un tiers de baby-boomers prévoit de s’appuyer sur l’IA pour leurs projets de voyage au cours de l’année à venir», confie un porte-parole de l’entreprise.

Booking a lancé en juin dernier son propre produit à cet effet, l’AI Trip planner, un chatbot qui aide les voyageurs à préparer leurs vacances en fonction de leurs besoins spécifiques. L’utilisateur peut par exemple dire qu’il cherche une maison de vacances pour une famille de cinq personnes avec air conditionné et une plage accessible à pied dans telle région et telle fourchette de prix, et l’IA lui fournira une liste de résidences correspondant à ses besoins, ainsi que la possibilité de réserver en un clic.

La pandémie et la prise de conscience croissante de l’enjeu climatique entraînent également l’émergence d’une nouvelle tendance, celle du slow travel ou «voyage lent», qui consiste à privilégier des moyens de transport moins rapides, plus agréables et plus économes en énergie. Un sondage du World Travel and Tourism Council et de Trip.com montre ainsi que 69% des voyageurs font de l’aspect durable une priorité au moment de planifier leurs vacances.

En Europe, les trains de nuit font ainsi leur grand retour: la ligne qui relie Paris à Vienne en une nuit affiche complet avec des mois d’avance, et de nouvelles lignes ont été annoncées, dont un Paris-Venise prévu pour 2025 et un Bruxelles-Prague pour l’an prochain. Si la tendance gagne pour l’heure surtout l’Europe, l’entreprise Dreamstar Lines souhaite également établir un train de nuit de luxe entre San Francisco et Los Angeles.

L’industrie pharmaceutique doit mieux faire dans les pays en développement

 Placée sous les feux de la rampe durant la pandémie, l’industrie pharmaceutique continue d’innover et investit dans la recherche pour préparer l’avenir, alors que le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans devrait tripler au cours des trois décennies à venir pour atteindre 1,6 milliard en 2050. «Les dépenses de R&D continuent de s’accroître, ce qui va permettre à l’industrie de répondre aux besoins pressants en matière de santé», affirme Alexandra Zemp, spécialiste de l’industrie pharmaceutique chez McKinsey.

Un défi pour l’industrie va toutefois consister à s’adresser à un spectre plus large de patients : en effet, comme le note un récent rapport de McKinsey, la recherche est de plus en plus focalisée sur des maladies rares affectant relativement peu de patients: ainsi, alors que les revenus tirés des 20 médicaments principaux (vaccins exclus) ont crû de 25% pour atteindre 100 milliards de dollars aux États-Unis entre 2010 et 2020, le nombre de patients recevant ces traitements a, lui, baissé de 80%.

Un second défi à relever réside dans la concentration géographique de l’industrie, qui repose de plus en plus sur quelques gros marchés, dont la Chine, l’Allemagne, le Japon et, surtout, les États-Unis.  Ainsi, 12 des 15 plus grosses entreprises biopharmaceutiques tirent 53% de leurs revenus du marché américain, contre 40% il y a dix ans, selon le même rapport de McKinsey. Une concentration notamment due à la profitabilité qu’offre ce marché, mais qui comporte des risques alors que les appels à réguler les prix des médicaments se multiplient aux États-Unis. En outre, la majorité des deux milliards d’êtres humains qui vont naître au cours des deux prochaines années vont naître dans les pays émergents, où l’industrie est par contraste insuffisamment présente.

Enfin, tout comme celle du voyage, l’industrie pharmaceutique va être chamboulée par l’IA, dont «l’adoption massive par toutes les parties prenantes de l’écosystème de santé pourrait transformer l’intégralité de la chaîne de valeur de l’industrie pharmaceutique», affirme Alexandra Zemp. L’IA générative, en particulier, pourrait accélérer la découverte de nouvelles molécules, en étudiant des milliards de molécules différentes et simulant leurs interactions à différentes échelles, avec des approches par phénotype et par génome.

L’industrie va ainsi pouvoir démultiplier les candidats possibles au statut de médicaments et réduire les possibilités d’échec en identifiant derechef les molécules les plus prometteuses. Et donc accélérer la découverte de nouveaux traitements. En moyenne, pour qu’une molécule obtienne le statut de candidat médicament, il faut dépenser entre 20 et 25 millions de dollars. L’approche algorithmique peut abaisser ces coûts à dix millions de dollars, selon certaines estimations. Il faut, en outre, en moyenne 30 mois pour développer un médicament : avec cette approche, on pourrait diviser ce délai par trois.