Alors que l’hiver approche, les économistes, analystes et responsables du comité d’investissement s’essaient à l’exercice annuel organisé par le cercle de la voyance.

Les marchés financiers se portent bien alors que l’activité économique ralentit. Ce contraste est d’autant plus étrange que le monde politique est malmené. Les déboires en Amérique latine auxquels s’ajoutent ceux de Hong Kong, du Proche Orient et même européens ne semblent guère affecter les indices boursiers.

Quid de l’économie

Le dernier rapport de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) montre qu’au quatrième trimestre 2019, le commerce mondial des marchandises devrait rester inférieur à la tendance, d’après le dernier Baromètre du commerce des marchandises de l’OMC. Le chiffre de l’indicateur, à savoir 96,6, marque une légère amélioration par rapport à la valeur de 95,7 enregistrée en août, mais il reste bien en-deçà de la valeur de référence de l’indice, qui est de 100, ce qui indique une croissance inférieure à la moyenne.

Source: OMC

En octobre, le Fonds monétaire international (FMI) avait déjà émis quelques doutes quant à la croissance économique en 2020. Dans son avant-propos, les experts écrivaient: «En 2020, la croissance mondiale devrait s’améliorer légèrement pour atteindre 3,4%, ce qui correspond à une révision à la baisse de 0,2% de nos projections d’avril. Toutefois, contrairement au ralentissement synchronisé, cette reprise n’est pas généralisée et est précaire. La croissance des pays avancés devrait ralentir pour s’établir à 1,7% en 2019 et 2020, tandis que celle des pays émergents et des pays en développement devrait s’accélérer, passant de 3,9% en 2019 à 4,6% en 2020. Cette accélération s’explique pour moitié par une reprise ou une récession moins forte dans des pays émergents en difficulté, comme la Turquie, l’Argentine et l’Iran, et pour le reste par une reprise dans des pays où la croissance a considérablement ralenti en 2019 par rapport à 2018, comme l’Arabie saoudite, le Brésil, l’Inde, le Mexique et la Russie

Pour couronner le tout, l’activité économique chinoise n’a crû que de 4,7% en octobre par rapport à l’année dernière et en baisse par rapport à septembre (+5,8%). Il devient évident que les prévisions de croissance chinoise pour les années prochaines seront revues à la baisse par tous les économistes. A fin septembre, les chiffres de croissance du PIB chinois de 2014 à 2024 étaient les suivants:

Source: Statista, FMI

Vanguard, par exemple, prévoit depuis septembre que la croissance du PIB chinois sera de l’ordre de 5,8% en 2020. Evidemment, tout développement positif du conflit sino-américain bouleverserait ces prévisions et toutes les autres dans la foulée.

Le team des économistes de Morgan Stanley adoptent une approche plus constructive et pensent que le bas du cycle économique sera atteint durant le premier trimestre de 2020. Les récentes interventions des banquiers centraux supporteront un léger rebond mais les économistes de Morgan Stanley n’attendent rien de leur part en 2020.

Source: Morgan Stanley

Les économies européennes devraient s’en sortir grâce à la France et à l’Espagne, selon les experts de Vanguard. Par contre, ils portent un regard méfiant sur l’Allemagne qui pourrait entrer dans une phase de récession «technique».

Quid des risques politiques

Les risques politiques sont nombreux et relativement connus. Citons la guerre commerciale sino-américaine, les dissensions, aussi commerciales, entre la Corée du Sud et le Japon ou le Brexit. Les conflits sociaux agitent la France, l’Espagne, Hong-Kong ou la Bolivie et le Venezuela. L’Afrique et le Proche-Orient sont les terrains de drames humains.

La carte suivante montre comment le risque pays est perçu par l’agence de notation Fitch. Nous voyons que le continent africain est considéré comme instable tout comme le Proche et Moyen-Orient.

Source: Marsh

Evidemment, les élections américaines tiendront le haut du pavé et occulteront une grande partie des risques mentionnés ci-dessus. Nous assisterons à toute sorte de spéculations politico-économico-sectorielles pendant toute l’année 2020.

Quid des investissements

Une chose semble sûre, les taux d’intérêt resteront bas. Derrière cette affirmation se cache l’univers d’investissement obligataire et des risques se profilent. Les marchés obligataires des gouvernements de pays dit développés n’offrent guère d’opportunités donc certains investisseurs se tournent vers les marchés de la dette émergente ou du «High Yield». Est-ce que l’investisseur est totalement conscient du ratio risque/rendement? Espérons que oui et qu’il aura les outils nécessaires pour gérer son risque. N’oublions pas l’histoire des défauts dans l’univers obligataire.

C’est là que les experts se profilent. Tous ceux qui étaient nés sous le signe de l’ours semblent se découvrir une âme de taureau. Deux exemples récents: Morgan Stanley et UBS.

Un des responsables de l’allocation stratégique chez Morgan Stanley, Andrew Sheets, abaissait les investissements en actions et de crédit tout en augmentant la position cash des portefeuilles. Et bien, Morgan Stanley change son fusil d’épaule et recommande une pondération neutre sur les actions en général. Soulignons la préférence aux marchés émergents et japonais à l’américain. Le prochain tableau synthétise les recommandations et les attentes pour les différentes classes d’actifs.

Source: Morgan Stanley

Quant à UBS, le dernier message du responsable des investissements (CIO) est le suivant: «Les investisseurs ont accueilli avec soulagement les signes d’un apaisement des tensions commerciales, l’indice S&P 500 ayant atteint des sommets records. Mais si les messages du président américain et de ses fonctionnaires restent mitigés, des signes crédibles indiquent qu’un accord est plus probable. Premièrement, la pression politique sur le président Donald Trump pour conclure un accord s’est probablement intensifiée. Deuxièmement, les responsables américains et chinois se sont montrés très disposés à accepter un accord plus limité pour la phase 1. Troisièmement, la Chine a apparemment assoupli sa position en laissant entendre qu’elle serait ouverte à une réduction progressive des droits de douane. Les fondamentaux sont également devenus moins négatifs pour les actions. Nous avons fermé notre sous-pondération aux actions des marchés émergents et ramené notre allocation globale aux actions de la sous-pondération à la neutralité

Conclusion

Les marchés boursiers grimpent car les investisseurs cherchent du rendement et ils le trouvent dans les actions. Certains investisseurs institutionnels (dont nos caisses de pension) jouent même aux apprentis sorciers en investissant dans du Private Equity. Donc, pour l’instant «the trend is your friend» et voilà pourquoi les stratégistes adoptent une posture plus favorable aux actions et au risque en général.

Source: Goldman Sachs